CLINIQUES PRIVÉES—COMMUNICATION V/S ÉTHIQUE: Des médecins « indignés » par la profusion de pubs payantes

Les publicités payantes au sujet des services offerts par des cliniques privées sont de plus en plus fréquentes, tant dans les médias traditionnels que sur les réseaux sociaux, et soulèvent un tollé général dans la profession médicale. Des médecins du privé et du service public reprochent sévèrement au Medical Council (MC) et au ministère de la Santé leur silence sur la tendance à la pub, qu’ils qualifient de « pratique honteuse ». Le Dr Kailesh Jagutpul, président du MC, répond que « cette affaire est prise au sérieux ». Le 11 octobre, le board a pris la décision de nommer un comité d’enquête concernant l’implication des médecins à ces campagnes de communication payantes.
Encore timide il y a quelques années, la publicité payante autour des soins disponibles dans les établissements de santé privés est désormais en vogue. « Nous assistons depuis quelque temps à une avalanche de publicités par les opérateurs du privé et avec des photos de médecins. Ce n’est pas normal ?! » réagit Dr Ishaq Jowahir, président de la Private Medical Practionners Association (PMPA). « C’est très vilain et malsain. La profession médicale est indignée, car nous sommes dans une profession très noble », poursuit le Dr Jowahir. « Nous avons écrit plusieurs fois au MC pour dénoncer ce matraquage publicitaire. Que fait le MC ? » lance-t-il.
Soulignons que le Private Health Institutions Act, régissant le fonctionnement des cliniques privées, n’interdit pas de telles pratiques. Mais la Private Medical Practionners Association (médecins du privé), la Government Medical & Dental Officers Association (spécialistes de l’État) et la Governement Medical Consultants in Charge Association (chefs de département des hôpitaux) de même que d’autres professionnels de santé sont unanimes à condamner « le matraquage publicitaire », qui « fait du tort à la profession médicale et est contraire à l’éthique ». Ils concèdent qu’il n’y a « rien d’illégal ».
En fait, deux choses mécontentent ces associations de médecins. D’abord, les annonces présentent les traitements proposés comme « uniques à Maurice » quand ce n’est pas « des prouesses exceptionnelles ». Ensuite, l’implication de certains médecins à ces pubs est contraire au code de pratique. Ce code est clair au sujet de l’interdiction de toute forme de publicité : « Any registered Medical practitionner shall not, whether by way of publication of any article or any personal photograph or ortherwise, indulge in any form of self advertisment or publicity. »
« Pourquoi l’ordre des médecins reste silencieux sur les écarts des médecins qui se mettent en scène dans les pubs ? » s’interroge le Dr Bhooshun Ramtohul, président de l’association regroupant les chefs de département du service hospitalier. « Cette situation à laquelle nous assistons est le résultat ni plus ni moins que d’une compétition accrue entre les cliniques. Nous allons en discuter lors de notre prochaine réunion mensuelle », confie-t-il.  « Il est vrai que tous les médecins ont chacun une copie de ce “Code of Practice”, mais il revient au MC de veiller au respect de ces règlements », ajoute le Dr Dusyant Purmanan, président du syndicat des spécialistes du service public.
« Un code superflu »
Les dirigeants de ces associations de médecins suggèrent au MC de rappeler régulièrement les membres de la profession des différentes clauses de ce Code of Practice. Cependant, un des doyens de  la profession, âgé de plus de 75 ans, est d’un autre avis. « Ce code d’éthique est superflu dans la mesure où chaque médecin, dès ses années d’études en médecine, sait ce qui est autorisé ou non dans la profession », soutient-il.
Pour sa part, le président du MC rejette les critiques selon lesquelles l’organisme serait passif sur cette question. « Nous ne sommes pas indifférents à cette question de publicité. Nous avons pris un peu de temps avant de prendre position car il nous fallait faire la distinction entre les publicités faites par des médecins, qui nous concernent directement, et celles faites par des institutions privées, relevant de la responsabilité du ministère », explique-t-il.
Sur la base de récentes plaintes reçues dénonçant la participation des médecins dans des publicités concernant des institutions privées, le board du MC a pris la décision de référer ces cas à un comité d’enquête. « Tous les médecins indistinctement doivent se conformer au Code of Practice. Au comité d’enquête de voir si certaines personnes ont transgressé les règlements concernant la publicité », indique le Dr Jagatpul. Ce dernier souligne que le rôle du MC se limite à la profession médicale et qu’il revient au ministère de prendre les mesures qu’il juge nécessaire s’agissant du fonctionnement des établissements privés.
Un ancien président du MC se souvient avoir informé officiellement le ministère de la Santé de la problématique. « Nous avons envoyé une ou deux lettres au ministère à ce sujet. Les publicités ont redoublé aujourd’hui d’une manière honteuse parce que les autorités n’ont pas établi les paramètres nécessaires », dit-il.  Des cadres au ministère de la Santé, tout en soulignant que les cliniques privées sont des entreprises commerciales privées, sont d’avis que ces prestataires « devraient avoir le sens de la mesure » par rapport à la publicité, et ce en raison de la nature des services qu’ils proposent.
Le Dr Neerunjun Gopee, ancien Director Health Services au ministère de la Santé, se dit « offusqué » par la profusion de publicités des cliniques « sur les qualités professionnelles de tel ou tel médecin » travaillant chez eux et se prononce en faveur d’une législation. « Tout le monde est conscient qu’il y a un grand vide par rapport à la législation et qu’il faut y remédier au plus vite. Les médecins, les propriétaires de cliniques et le ministère de la Santé doivent se mettre autour d’une table pour débattre de la question », suggère-t-il..

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