COMMISSION D’ENQUÊTE : Me Kandhai entendu sur l’amende de Kamasho

 
C’est le jeune avocat, membre du Mouvement Patriotique (MP), Me Anupam Kandhai, qui a ouvert le volet des membres du barreau qui défileront devant la commission d’enquête sur la drogue. Devant Paul Lam Shang Leen et ses deux assesseurs hier, l’homme de loi a juré qu’il « n’a jamais commis aucun acte répréhensible ». Ayant représenté Sanjeev Nunkoo dans l’affaire du meurtre d’Hélène Lam Po Tang, Me Kandhai avait été sollicité par cet ex-client pour venir en aide à l’ancien détenu Jackson Ndesamburo Kamasho. C’est relatif à sa visite à cet ancien prisonnier étranger qu’il a été questionné.
Me Anupam Kandhai représentait Sanjeev Nunkoo dans le procès aux Assises en 2015. Trouvé non coupable du crime d’Hélène Lam Po Tang, l’homme devait garder contact par la suite, explique son homme de loi. « Un beau matin, il m’a appelé pour me parler de Jackson Kamasho, dont il avait fait la connaissance quand il était en “Remand”. Il m’a expliqué qu’il voulait aider Kamasho et qu’il souhaitait requérir mes services à cet effet. » Me Kandhai a expliqué qu’il avait conseillé Sanjeev Nunkoo pour que ce soient les parents du prisonnier qui fassent cette demande. Il a d’ailleurs produit à cet effet une copie d’un courriel échangé entre lui et un frère de Jackson Kamasho, qui formulait la demande de la famille pour qu’il représente le détenu. L’ancien juge Paul Lam Shang Leen devait expliquer à l’homme de loi que « vous avez été convoqué justement concernant votre relation avec Jackson Kamasho ». Après avoir relaté les circonstances dans lesquelles il a établi contact avec la famille Kamasho puis « a demandé des informations et suivi les procédures formelles avec les pays de la région », Me Anupam Kandhai a été amené à s’expliquer sur une visite que Sanjeev Nunkoo et lui ont effectuée à la prison de Beau-Bassin le 3 février 2016.
Paul Lam Shang Leen : Selon nos informations, vous ne vous êtes pas rendu seul à la prison de Beau-Bassin ce jour-là. Vous étiez accompagné de Sanjeev Nunkoo. Et c’était à une heure plutôt tardive…
Anupam Kandhai : En fait, c’est moi qui accompagnais Sanjeev Nunkoo. Je lui avais expliqué qu’il devait réunir la somme de (…) pour payer l’amende de Jackson Kamasho. Il m’avait appelé pour me dire qu’il avait l’argent et qu’il souhaitait que je vienne avec lui quand il payerait. Comme vous le savez, Mr le Président, un homme qui a déjà été condamné n’a pas le droit de retourner en prison. Il craignait qu’on ne le laisse entrer seul s’il y allait, et c’est pour cela qu’il m’a demandé de l’accompagner. Nous nous sommes présentés à l’officier qui se trouve à l’entrée de la prison et nous lui avons expliqué la raison de notre venue. Il nous a dirigés vers le “cashier”. Là-bas, l’officier en place nous a remis un papier attestant que l’amende pour le détenu était payée et qu’il fallait remettre ce papier au Records Office. Ce que j’ai fait pendant que Sanjeev Nunkoo s’acquittait de payer l’amende auprès du caissier.
PLSL : Ce n’est pas du tout la même version que nous tenons du département de la prison ! C’est très étrange. Selon les officiers qui ont été entendus sur cette affaire, vous avez commis certaines entorses aux règlements en usant de votre privilège en tant que membre du barreau… D’ailleurs, d’après le Record Book de la prison, vous avez rendu visite à ce détenu le 17 septembre 2015. Votre nom figure dans ce livre. Et nous avons pris beaucoup de précautions pour qu’il n’y ait pas de confusion possible entre vous et votre frère, qui est également avocat, n’est-ce pas ?
AK : Oui, en effet, il l’est. Et si vous dites que selon le livre je me suis rendu là-bas ce jour-là, aussi, « the records speak for themselves »… Mais s’agissant de ma visite, en compagnie de Mr Nunkoo, je m’en souviens toujours aussi clairement. Je me suis rendu au Records Office pour y déposer le papier attestant que Mr Nunkoo était venu payer l’amende pendant que, justement, lui s’acquittait de cela.
PLSL : Pourtant, selon ce que les autorités de la prison nous ont communiqué, la version serait que c’est vous qui avez payé l’amende pour Mr Kamasho, et non Mr Nunkoo ! Bien que le reçu ait été tiré au nom de Sanjeev Nunkoo
AK : Non, votre honneur. Je m’en tiens à ce que je vous ai expliqué. Qui est une version plausible. D’ailleurs, il y a des caméras dans ces endroits que j’ai mentionnés. On peut vérifier ce que je dis… Je m’en souviens encore très clairement, comme si c’était hier. Sanjeev Nunkoo était avec le caissier tandis que je me suis rendu au Records Office.
PLSL : Mais telle n’est pas la version des officiers de la prison… Ce n’est pas grave. Nous prenons note de la vôtre, bien qu’elle soit totalement différente. Parce que ma question est : d’où provient l’argent que vous avez donné pour payer l’amende de Jackson Kamasho ?
AK : Ce n’est pas moi qui ai fait ce paiement votre honneur. C’est Mr Nunkoo.
PLSL : Donc, nous allons devoir convoquer Sanjeev Nunkoo ?
AK : Oui, en effet. Je ne parle pas pour lui, mais je suis sûr qu’il vous dira ce que j’ai dit.
PLSL : Venons-en à votre compte en banque. Comment expliquez-vous le versement fait en liquide, le 15 février 2016, de la somme de Rs 300 000 ?
AK : Cet argent provient d’un transfert bancaire. Je peux l’expliquer…
PLSL : Je vous rappelle que, selon les autorités carcérales, la version de votre visite est totalement différente. Laissez-moi vous expliquer cela : début février, vous vous acquittez de l’amende d’un prisonnier étranger, qui s’élève à Rs 306 364. Et quelques jours plus tard, voilà que Rs 300 000 apparaissent sur votre compte en banque ! Et ce n’est pas fini. Le 18 février 2016, trois jours après, Rs 175 000 sont versées, “cash”, encore une fois, sur votre compte… D’aucuns diraient que vous avez été grassement payé par des trafiquants de drogue ! Vous saisissez où je veux en venir ?
AK : Certainement. Mais je vous jure qu’à aucun moment je n’ai touché d’argent de la drogue. En mes 10 ans de carrière au barreau, je n’ai commis aucun acte répréhensible qui puisse nuire à ma réputation. Je peux expliquer la provenance de cet argent sur mon compte. Il y a la vente de ma voiture, une BMW. Et il y a aussi la vente d’un appartement à Quatre-Bornes…
PLSL : D’accord. J’espère pour vous que vous dites la vérité. De toutes les façons, on le saura. Commencez par produire ces documents prouvant tout cela ainsi que vos déclarations fiscales à la MRA ! Vous êtes d’accord que recevoir en deux jours Rs 475 000 sur son compte, comparé au salaire que vous touchez habituellement, même si on compte sur une année… Tout cela donne à réfléchir. Mais si les autorités carcérales ont dit la vérité, et s’il se trouve que vous avez menti, vous réalisez que ce sont là des délits très sérieux que vous avez commis !
AK : En effet, votre honneur. C’est la raison pour laquelle je souhaiterais que cette commission convoque Mr Nunkoo pour avoir sa version des faits. Et d’ailleurs, si je peux dire cela, peut-être que l’officier qui nous a laissés entrer ce jour-là a réalisé qu’il avait commis une erreur en laissant Sanjeev Nunkoo, un ex-détenu, pénétrer dans l’enceinte de la prison… Peut-être qu’il a voulu se dédouaner en me faisant porter le chapeau.
PLSL : Mais peut-être aussi que vous avez participé au blanchiment d’argent pour le compte de certains trafiquants ! Je vous le rappelle : quand nous convoquons des personnes ici, nous savons que vous avez une réputation à défendre. Ce n’est pas notre intention de faire le procès de qui que ce soit, mais nous sommes en présence de certains faits. Et nous vous donnons l’occasion de vous expliquer.
Dans le même souffle, Paul Lam Shang Leen a demandé à Me Kandhai qu’il présente des documents « plus formels et sérieux » attestant de sa relation avec le frère de Jackson Kamasho.

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