Commissions d’enquête—Cadress Rungen : « Le rapport Lam Shang Leen est un outil complet »

— « Le rapport Rault contenait les bases de la lutte contre la drogue et la toxicomanie. Hélas ! Il a été relégué au fond d’un tiroir. Le rapport LSL vient corriger cela… »

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— « Vivement que le gouvernement mette en pratique les recommandations de la commission Lam Shang Leen, cela nous évitera une nouvelle commission dans 15 ou 20 ans »

Cadress Rungen a soufflé ses 60 bougies il y a quelques jours. Cet infirmier de carrière de l’univers carcéral, mieux connu pour son engagement sur le plan social en tant que fondateur du Groupe A de Cassis et attaché au Centre de Solidarité pour une Nouvelle Vie (CDS), à ses débuts, a pour particularité d’avoir participé aux deux commissions d’enquête sur la drogue, notamment celle présidée par feu sir Maurice Rault, à la fin des années 80, et la récente, sous la férule de l’ex-juge Paul Lam Shang Leen. Fort de cette riche expérience, le travailleur social retient que « le rapport Lam Shang Leen est excellent car il est complet sur tous les aspects de la lutte contre la drogue et la toxicomanie ». Et d’ajouter : « La meilleure des choses serait que le gouvernement mette rapidement en application les très nombreuses recommandations qu’il contient. »

Reconnaissant que le rapport Lam Shang Leen est « très volumineux avec ses 260 pages et ses recommandations », Cadress Rungen note que « le document est très bien travaillé car il aborde la problématique sous tous ses angles : le trafic, source du problème et qui intéresse dans le même souffle, l’offre ; la demande, soit toute la complexité autour de la toxicomanie, qui a ses corollaires sociaux comme la pauvreté, la prostitution, la prison, les enfants délaissés et abandonnés… ainsi que la prévention, la réhabilitation et la réinsertion, en passant par le traitement ». De ce fait, soutient-il, « la meilleure des choses serait que le Premier ministre accélère le processus ». Il ajoute : « Le comité interministériel étant déjà mis sur pied, je suis conscient qu’il leur faut un peu de temps avant d’entrer dans le vif du sujet. Si pour ce qui est du trafic précisément, c’est un dossier déjà très complexe. En revanche, s’agissant de la prévention, du traitement, et du volet réhabilitation/réinsertion, ce sont des choses sur lesquelles on peut aller vite. » En ce sens, relève le travailleur social, « nous avons déjà les bases sur lesquelles construire et mener ces projets en amont ». Il fait ainsi référence au National Drug Control Master Plan 2004-05, élaboré sous la férule de Samioullah Lauthan. Ce dernier était à l’époque ministre de la Sécurité sociale et avait « mis en place une série de structures relatives à la prévention auprès des jeunes et de la communauté, dans son ensemble, et a évoqué les grandes lignes du traitement et de réinsertion, autant que les mesures de Réduction des Risques (RdR) ». Pour rappel, Sam Lauthan était l’un des deux assesseurs du juge Lam Shang Leen lors de la présente commission d’enquête.

Restant sur le même registre, Cadress Rungen continue. « Il y a trois grands axes qui, à mon avis, peuvent être les bases de départ. La National Drug Policy est définitivement le “starting point” pour tout ce qui est relatif au traitement. C’est véritablement la “driving force” », dit-il. Pour le travailleur social, « cet aspect est tout bonnement primordial ». Il poursuit : « De ce fait, je serais partant pour qu’un comité, qui le régisse, comprenne des experts locaux et étrangers, s’il le faut des scientifiques et des techniciens de différents ministères, ainsi que des travailleurs sociaux actifs sur le terrain “on board”. »

Les deux autres axes qui intéressent Cadress Rungen sont le National Treatment and Rehab Centre et la Communité Welfare Task Force. « Ce sont là les fondations mêmes qui nous aideront à prendre le taureau par les cornes en matière de prévention, de traitement et de réhabilitation », dit-il. De cette manière, avec la proposition d’un juge d’application des peines, un “Parole Board”, un panel destiné à évaluer les consommateurs de produits, entre autres recommandations que je retiens, sont les bienvenus. « Ceux-ci aideront à alléger le système carcéral, à permettre une approche plus humaine de la problématique de la toxicomanie, qui aidera, souhaitons-le, à faire tomber les barrières et préjugés tenaces de l’ensemble de la population envers les toxicomanes », espère-t-il.

Cadress Rungen rappelle, sur ce point, que « le rapport Lam Shang Leen est venu dire ouvertement que le toxicomane est un malade ». Il ajoute : « L’addiction est une pathologie. C’est une chose que nous, travailleurs sociaux, répétons depuis des lustres. On le remercie pour cela ! Autre chose, en proposant un “panel” pour évaluer les consommateurs et ainsi leur éviter la prison, et plutôt les orienter vers des structures de traitements et de formation, le rapport Lam Shang Leen vient conforter ce que les travailleurs sociaux n’ont eu de cesse de réclamer depuis plusieurs années. »

Cadress Rungen avait déposé devant la commission Rault et a répété l’exercice devant la présente commission placée sous la présidence de l’ex-juge, Paul Lam Shang Leen. « Le rapport Rault contenait déjà tant les grandes lignes de la lutte contre le trafic que le combat contre la toxicomanie », rappelle notre interlocuteur, qui regrette que « ce document ait fini au fond d’un tiroir » et que « ses recommandations n’aient pas été mises en pratique ». Autrement, on n’aurait, dit-il, peut-être pas eu la commission Lam Shang Leen. Il élabore : « À l’époque et dans le contexte, où le rapport Rault avait été élaboré, la problématique de la drogue n’avait rien contrairement à ce qu’il est aujourd’hui. L’opium, le Brown Sugar principalement, et le gandia étaient les substances illicites les plus prisées. L’héroïne et le Brown Sugar faisaient des ravages et, sur le plan médical, on ne savait où aller. Les malades tombaient comme des mouches… et les morts à la pelle. Le rapport Rault avait donné les grandes lignes qui avaient permis la formation des travailleurs sociaux, dont moi-même. »

Il déplore toutefois que « la majeure partie des recommandations, par exemple, relatives au trafic, aient été mises aux oubliettes ». Si cela n’avait pas été le cas, retient Cadress Rungen, « des changements auraient été apportés aux systèmes défaillants, dénoncés dans le rapport ». Il poursuit : « Cela nous aurait probablement évité d’avoir la commission Lam Shang Leen, car des mesures concrètes auraient endigué une bonne partie du problème. »

Aussi, « afin que nous n’ayons pas, dans 15 ou 20 ans, à remettre une nouvelle commission d’enquête sur la drogue, il serait de bon augure de mettre en application le rapport Lam Shang Leen qui, je le répète, est un outil complet sur toute la ligne. Autant le rapport Rault survolait, par moments, certains aspects selon lesquels le problème était relativement nouveau pour le pays, en revanche celui de Paul Lam Shang Leen aborde le sujet sous tous les angles possibles ! Alors, que peut-on faire de mieux que de concrétiser ces mesures ? Pour le grand bien de la nation… », a-t-il expliqué. La balle est donc dans le camp du Premier ministre !

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