Compensation salariale: entre Minimum Wage et élections

  • Les syndicalistes font appel au « bon sens » du GM face à l’érosion du pouvoir d’achat des salariés
  • Haniff Peerun recommande un minimum de Rs 500 pour les employés alors que Narendranath Gopee (FSSC) propose entre Rs 700 à Rs 750
  • Business Mauritius : « Plusieurs facteurs à prendre en considération »

Le contexte dans lequel se dérouleront les consultations pour la prochaine compensation salariale est des plus particuliers. D’abord, il y a l’introduction du Minimum Wage depuis le début de cette année et le fait que 2019 marquera l’année où la décision sur les prochaines élections générales sera entérinée. Deux facteurs non-négligeables avec la compensation salariale qui sera accordée aux travailleurs des secteurs public et privé à compter de janvier 2019 faisant l’objet de plusieurs rounds de négociations, et débutant ce jeudi.

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Comme à l’accoutumée, les syndicats et le patronat seront à couteaux tirés sur le quantum qui devra être accordé aux travailleurs. Les syndicalistes souhaitent une compensation salariale adéquate pour pallier la perte de pouvoir d’achat et estiment que la balle est dans le camp du gouvernement. De l’autre côté, le patronat dit « prendre en compte » plusieurs facteurs, dont le salaire minimal, avant de pouvoir décider du montant.

En attendant que le bureau des Statistiques ne livre ses chiffres sur l’indice des prix à la consommation, le président de la Government Services Employees Association (GSEA), Radhakrishna Sadien, s’attend à une rencontre tripartite. « Le paiement de la compensation salariale n’est pas un exercice de révision salariale. Il faut accorder à tous les travailleurs du pays une compensation. Nous souhaitons que ce travail soit accompli au plus vite et que le gouvernement prenne une décision sur la compensation à payer suite à l’érosion du pouvoir d’achat », dit-il.

Une compensation salariale minimale de Rs 500 est recommandée par le président du Mauritius Labour Congress (MLC), Haniff Peerun, qui souligne que la baisse du pouvoir d’achat et le prix des commodités, qui varie de commerce en commerce, « obligent les Mauriciens à accomplir des heures supplémentaires ou même à avoir deux emplois pour joindre les deux bouts ». Selon lui, « la compensation doit être adéquate pour répondre à la chute du pouvoir d’achat ». Haniff Peerun ne veut pas non plus que la compensation salariale soit ciblée, car « le ciblage est dangereux ». Pour cet exercice, il demande au gouvernement de « prendre en considération les poches de pauvreté ». Selon lui, le pays se trouvant à la veille des élections générales, « le grand gagnant sera le gouvernement qui saura accorder une bonne compensation ». Il poursuit : « La balle est maintenant dans le camp du gouvernement. » Pour lui, depuis la mise en place du salaire minimal, les petites et moyennes entreprises (PME) « n’ont pas fermé leurs portes ».

Naraindranath Gopee, président de la Federation of Civil Service and Other Unions (FCSOU), propose une compensation entre Rs 700 et Rs 750 en demandant au gouvernement d’« oublier » le salaire minimal lors de la décision sur la compensation salariale. « Le salaire minimal est venu corriger une irrégularité car les travailleurs étaient exploités », dit-il. Toutefois, « un salaire décent n’est pas offert » dans le pays. « La compensation salariale doit être indépendante des ajustements du salaire minimal et de la Negative Income Tax. Nous ne voulons pas être leurrés par le gouvernement. Les travailleurs méritent leur dû », dit-il. S’agissant du quantum à payer, Naraindranath Gopee veut que cela soit « across the board ».

Pour Reaz Chuttoo, porte-parole de la Confédération des travailleurs du secteur privé (CTSP), aucun quantum ne sera proposé par la confédération au gouvernement. « Nous avons travaillé et nous avons obtenu un chiffre que nous ne donnerons pas. Nous constatons qu’il y a trop d’ambiguïtés en raison du salaire minimal », dit-il au Mauricien. Selon lui, « il fallait procéder à une corrélation au niveau des salaires » à Maurice, où « il faut augmenter les salaires du bas jusqu’en haut ». Pour lui, le rapport du National Research Bureau (NRB) aurait dû être rendu public au mois de septembre en raison des variations au niveau des salaires.

N’ayant aucune indication quant à la sortie de ce rapport, Reaz Chuttoo craint que celui-ci ne sorte très bientôt et que la compensation salariale réajuste le salaire qu’il faut offrir selon le NRB. « Nous ne savons pas quel est le “deal” entre les employeurs pour que ce rapport ne soit pas publié. Ils font cela pour sortir gagnants. Nous restons sur notre position et nous ne ferons aucune proposition », dit-il. Reaz Chuttoo estime qu’un salaire minimal de Rs 10 000 aurait dû être offert.

N’ayant reçu aucune convocation jusqu’à lundi après-midi pour assister à la rencontre de jeudi, le président de la Fédération des travailleurs unis, Atma Shanto, rappelle que le comité tripartite « doit atteindre son objectif » et « accorder une compensation adéquate aux travailleurs et à ceux qui reçoivent une pension face à l’érosion du pouvoir d’achat ».

Alors que le salaire minimal est un facteur considéré par le patronat, Atma Shanto estime lui aussi qu’il « ne faut pas qu’il y ait d’amalgame entre le salaire minimal et la compensation salariale ». Selon lui, le salaire minimal est « un réajustement des salaires » alors que la compensation salariale, elle, « vient rétablir la baisse du pouvoir d’achat ». La productivité, un sujet souvent pris en considération par le patronat lors des discussions du comité tripartite, « n’est pas acceptable » pour le syndicaliste. « Je ne crois pas qu’il faut parler de productivité dans la réunion tripartite car cela ne donnera pas lieu à un vrai débat. On ne peut parler de productivité lorsque nous parlons de compensation salariale », ajoute-t-il. Atma Shanto fait ressortir que, chaque année, le mouvement patronal souligne les conditions attachées à la compensation salariale telles la productivité et la capacité des entreprises à payer. Atma Shanto anticipe d’ailleurs les arguments qui seront évoqués par le patronat, « qui viendra dire que de nombreuses entreprises seront dans l’incapacité de payer ». Et d’ajouter : « Ils diront que la situation n’est pas correcte et que le salaire minimal est payé. »

Abordant les chiffres de Statistics Mauritius de janvier à fin novembre de cette année, il estime que les consommateurs ont « sans aucun doute noté une érosion de leur pouvoir d’achat », citant l’exemple du prix des légumes, qui a baissé pour une très courte durée mais qui est resté « plus longtemps élevé ». Face à une telle situation, Atma Shanto estime que le gouvernement a « la responsabilité » de payer les travailleurs. « C’est toujours une décision politique qui sera prise par le gouvernement », dit-il, ajoutant que le gouvernement se trouve à « la croisée des chemins » et « ne peut ignorer la voix des travailleurs ».

Atma Shanto ajoute ne pas savoir si le gouvernement actuel sera le même lors de la prochaine réunion tripartite. « Le prochain comité tripartite se tiendra en novembre. Mais jusqu’à présent, rien ne peut être dit », indique-t-il, avant de dire également croire que le Premier ministre, Pravind Jugnauth, « préside une autre réunion » sur la compensation salariale. Atma Shanto demande dès lors au gouvernement de « jouer le jeu, pour que tous les travailleurs obtiennent leur compensation ».

Au niveau de Business Mauritius, qui regroupe le secteur privé, Pradeep Dursun, Chief Operating Officer de cette instance, « regrette » qu’aucune correspondance n’ait encore été reçue. Toutefois, plusieurs éléments doivent être pris en compte avant de décider du quantum à payer, selon lui. « Nous devons considérer le salaire minimal, les allocations et d’autres sujets qui devront être discutés. Let’s wait and see ! » a-t-il préféré dire.

Ce comité siège uniquement sur le quantum de la compensation. Chaque année, les fédérations et les confédérations soumettent leurs propositions, tout comme le patronat. La compensation salariale de janvier dernier était fixée à Rs 360.

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