CONSTRUCTIONS DANS LE SUD : Le cachet naturel des plages publiques en péril

CONSTRUCTIONS DANS LE SUD : Le cachet naturel des plages publiques en péril
 
Les habitants du Sud, surtout ceux de Souillac, de Surinam et de Chemin-Grenier, sont remontés. Ils contestent les constructions et projets hôteliers prévus dans la région, notamment à Gris-Gris et à Pomponette. Leurs craintes sont que l’environnement et le paysage entourant les plages publiques perdent de leur cachet naturel, et que ces espaces leur soient interdits d’accès. Ils témoignent leurs inquiétudes au Mauricien.
 
Un hôtel au détriment de la plage de Pomponette
La menace qui guette la plage publique de Pomponette ne date pas d’hier. Cet endroit, très prisé des pique-niqueurs, est lorgné par des investisseurs depuis plusieurs années. En 2007, un permis avait été octroyé à la Midas Acropolis Company Limited pour un projet hôtelier. Cependant, le projet est tombé à l’eau et la compagnie a dû restituer les terres au ministère des Terres et du Logement. 
En mars 2016, la compagnie Clear Ocean Hotel & Resorts Limited, une subsidiaire de Pelangi Resorts, a obtenu un bail du gouvernement. La compagnie est dirigée par la Sud-Africaine Miranda Meyer-Hartzenberg. Depuis, les habitants du Sud craignent que les investisseurs ne viennent installer des clôtures sur la plage de Pomponette, interdisant l’accès au public. D’ailleurs, depuis lundi, des arpenteurs sont sur les lieux pour délimiter la partie de cette plage qui sera interdite au public. La présence d’un conteneur dans la région fait sourciller les activistes, qui pensent que les travaux ne vont pas tarder à démarrer. 
Ahad Ramjan, un pêcheur de 37 ans, déplore le manque de considération des autorités face à une telle situation. « Nous ne sommes pas contre les projets de développement, mais pas au détriment de nos plages publiques », argue-t-il. « Je fréquente la plage de Pomponette depuis ma plus tendre enfance. Maintenant, c’est au tour de mes enfants d’en profiter. Ils sont eux aussi habitués à cet endroit, car nous y allons souvent pour passer du bon temps avec la famille. Bientôt, cette plage n’existera plus. Les filaos et autres arbres seront déracinés, l’accès à une bonne partie de la plage sera interdit et un hôtel y sera construit », regrette Ahad. 
Ce qui le préoccupe le plus, c’est son métier de pêcheur. « Si l’accès à la mer nous est interdit, je ne pourrai plus aller poser mon casier. Je suis pêcheur à temps partiel, depuis une quinzaine d’années. J’ai appris qu’une partie la mer sera accessible. Mais s’il y a des voiliers, des pirogues ou d’autres activités touristiques offerts par l’hôtel, les poissons ne viendront plus. Donc, il sera difficile de pêcher dans cette région », se plaint-il. Pour pêcher, Ahad sera alors obligé d’aller jusqu’à La Prairie, qui est à 30 minutes de chez lui. 
 
AKNL se mobilise
Oormila Sahodree, une habitante de Chemin-Grenier, âgée de 24 ans et membre de la plateforme Aret Kokin Nu Laplaz (AKNL), ne peut contenir son mécontentement. « Je viens à cette plage depuis que je suis toute petite. C’est un endroit public très prisé. Mais sur Facebook, j’ai pris connaissance de la construction d’un hôtel à Pomponette, et je me suis dit qu’il fallait réagir. C’est ainsi que j’ai rejoint la plateforme AKNL afin de dénoncer ce que j’appelle un crime », affirme l’activiste. 
La jeune femme indique que les habitants du sud n’ont plus beaucoup de choix en ce qui concerne les plages publiques. « Un peu plus loin, il y a la plage publique de St-Felix, mais elle est toujours bondée. Maintenant qu’on interdira l’accès à Pomponette, la plage publique de St-Félix sera envahie par des gens. De plus, presque toutes les plages sur cette côte ont été privatisées avec la construction des hôtels », avance Oormila. 
Un des membres fondateurs d’AKNL explique que cette plateforme regroupe des professionnels, des Ong et des partis politiques passionnés de la mer et de tous ceux qui vivent autour. La plateforme a vu le jour en 2015 et s’intéresse à tous les problèmes liés à la mer. L’AKNL regroupe plus de 40 activistes et plus d’une centaine de supporters. « Nous veillons de près ce qui se passe à Pomponette et je dois dire que c’est le crime suprême », fait-il ressortir. 
Afin de sensibiliser le public sur les dangers que représentent ces « projets de développement », l’AKNL organise plusieurs campagnes sur la plage de Pomponette, dont le Beach Tent, la Beach Reconnection et, bientôt, la Beach Liberation, qui se tiendra ce dimanche. L’association a logé un procès en cour contre le ministère des Terres et du Logement en ce qui concerne le « transfer of undertaking »
« Nous voulons savoir comment le permis de Midas Acropolis a été transféré à Clear Ocean Hotel & Resorts Limited. Selon nos sources, le projet de cette compagnie n’est pas conforme à la South Coast Heritage Zone de la National Development Strategy », souligne le membre fondateur d’AKNL. La plateforme invite le public à venir pique-niquer sur la plage de Pomponette ce 12 novembre pour exprimer son mécontentement face au projet hôtelier. 
 
La plage de Gris-Gris menacée
Autre plage publique du sud menacée par des projets de développement : celle de Gris-Gris. Célèbre et prisé pour son panorama, Gris-Gris a failli connaître le passage de pelleteuses cette semaine. Le gouvernement voulait y entamer la construction d’une promenade en béton, liant la plage de Gris-Gris au site de La Roche qui Pleure. « C’est inacceptable ?! » estime Vela Gounden, conseiller du village et également membre actif d’AKNL. « Nous sommes pour l’embellissement de la plage, mais on ne peut détruire la beauté naturelle pour une beauté artificielle. C’est bien la première fois que la préservation naturelle de Gris-Gris est en péril. Les habitants et les membres du conseil de village sont prêts à tout pour sauver notre belle plage », indique-t-il.
Notre interlocuteur souligne que la plage nécessite certes des développements, comme la construction de kiosques, l’installation de bancs et la culture de plantes veloutières, entre autres. « Nous sommes même en faveur de la construction d’une promenade liant Gris-Gris et La Roche qui Pleure, mais nous ne permettrons pas la démolition de la nature pour une construction en béton. Nous avons proposé une allée naturelle sans qu’on ait à raser tous les arbres, avec des mains courantes en bois », affirme Vela Gounden. 
Ce dernier relate que la plage de Gris-Gris était autrefois menacée avec le projet du Domaine Gris-Gris. Les filaos allaient être rasés mais, à la fin, un consensus a été trouvé et la plage a été protégée. 
 
Opinions diverses des habitants
Certains habitants de Souillac votent en faveur des projets de développement, comme la construction d’une promenade en béton qui permettrait, selon eux, d’embellir la plage. D’autres s’y opposent catégoriquement, estimant que ce genre de projet risque de détruire la beauté naturelle de Gris-Gris. 
« Je trouve que le projet à Pomponette est une bonne initiative car cela va générer de l’emploi. Je suis également pour la construction de la promenade en béton à Gris-Gris. Je ne comprends pas pourquoi les gens trouvent des inconvénients. Le ministère a dû considérer les critères avant d’approuver le projet », déclare Nawaz, Didarally, un jeune très actif dans l’endroit. 
Un argument qui n’est pas favorablement accueilli par les autres habitants de la localité. Jacqueline Foucault fait ressortir que beaucoup de touristes adorent les côtes bretonnes non seulement pour ses plages, mais aussi pour son paysage sauvage. Et selon elle, Gris-Gris est « un peu la Bretagne », poursuivant : « Il faut l’embellir, mais pas le détruire. »
Idem pour Nitish Lutchmanah, qui explique qu’à Pomponette, l’hôtel aurait pu être construit sur l’autre côté du chemin, et non pas du côté de la plage. En ce qui concerne Gris-Gris, il précise que la plage n’a besoin d’aucun projet. « Des experts y sont venus faire des études et ont trouvé que cette plage n’a pas besoin de gros développements. Cette plage est prisée pour son magnifique paysage. De nombreuses personnes y viennent pique-niquer », précise-t-il.
 

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