Coronavirus – Dr Alexandra Caude (généticienne) : « Il n’y a pas lieu de paniquer »

Dr Alexandra Caude est généticienne, membre de l’Economic Development Board et ancienne directrice de recherche de l’hôpital Necker pour les enfants malades à Paris. Elle a fondé un institut de recherche pour la santé nommé Simplissima pour les solutions simples, durables, low cost et éthique à Maurice dont le but est de mettre la recherche et l’éducation à portée des Mauriciens. Elle a répondu aux questions de Week-End sur le coronavirus et demande aux Mauriciens de ne pas paniquer, mais de rester on alert.

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Comment évaluez-vous la propagation du coronavirus en épidémie ?

Il faut savoir que la Chine n’a pas une culture scientifique très avancée sur les virus. Cela fait presque 100 ans que cela est ainsi. Et d’une façon très récente, elle est devenue la première puissance à séquencer, c’est-à-dire à lire l’ADN et l’ARN, soit le disque dur des virus des humains et des animaux. Une fois que nous commençons à lire ce disque dur, nous nous retrouvons avec beaucoup d’informations que nous ne savons pas vraiment gérer. Et c’est typiquement ce qui est arrivé en Chine. Les Chinois se sont retrouvés avec beaucoup d’informations sans savoir du tout comment la gérer et a littéralement paniqué. Cela peut être constaté par le fait que les premiers cas rapportés de cette épidémie de coronavirus (2019-nCoV) remontent à début décembre, où cela se propage d’autant plus rapidement que les médecins qui essayent d’alerter les autorités ont été réprimandés. Les autorités chinoises ne décident d’intervenir que le 20 janvier. L’épidémie s’est ainsi propagée d’une façon non contrôlée, alors qu’il y avait tous les moyens de la contenir. Surtout qu’il s’agit d’un virus qui ne semble pas avoir présenté une létalité (taux de mortalité) très importante par rapport à l’épidémie du SRAS de 2003. Aujourd’hui, le souci n’est pas de divulguer une information, mais de connaître la réalité de la gestion du risque et savoir comment on va et peut gérer le risque à Maurice par exemple.

Et comment doit-on, selon vous, gérer ce risque ?

Déjà, en comprenant que ce n’est pas une pandémie. Si ce n’est pas une pandémie, cela veut dire que ce n’est pas un risque qui se répand dans le monde entier. C’est une épidémie qui affecte la Chine en particulier et là encore, pas dans toutes les villes. Évidemment, il y a des cas de coronavirus un peu partout, mais au niveau épidémique, il n’y a que la Chine qui est concernée.

Néanmoins, nous devons prendre les précautions pour que ce virus ne se propage pas chez nous

Évidemment. C’est pourquoi nous devons insister sur la prévention. Au lieu d’acheter des masques, dont le bénéfice est loin d’être avéré, on devrait profiter pour éduquer tous les Mauriciens et identifier les faiblesses qui ont été celles de la Chine dans la gestion de cette crise ou celle de la France en 2009 qui, cédant à la panique de la grippe H1N1, s’était endettée avec des achats de vaccins jamais écoulés

Comment est-ce qu’on prévient une épidémie virale ?

Par une bonne hygiène de vie simplement. Ce sont toutes ces mesures que l’on prend pour éviter d’être grippé. Si on parle des masques, nous n’avons aucune idée de l’efficacité des masques. Les masques tels qu’on les achète dans le commerce sont pour permettre à la personne malade d’avoir une vie normale. Elles sont utiles pour les personnes malades, pas pour les personnes saines. Dans tous les cas, les personnes saines et les personnes malades doivent surtout avoir une bonne hygiène des mains, c’est-à-dire se laver les mains régulièrement au niveau des doigts et des ongles, au moins trois fois par jour avant les repas notamment, avec un savon efficace et en rentrant d’un lieu public. De cette façon, on prévient très efficacement des épidémies de grippe, gastro-entérite, coronavirus Cela marche pour tous les virus

Il n’empêche, au vu de sa propagation, le coronavirus fait craindre

En premier lieu il faut connaître sa carte d’identité. Ce virus cible plutôt des adultes vers la cinquantaine, alors que la grippe peut être dangereuse plutôt pour les personnes très âgées et les enfants. À ce stade, le coronavirus ne semble pas toucher les enfants. Cela ne veut pas dire qu’ils ne sont pas infectés, mais plutôt qu’ils ne développent pas de signes. Autre aspect du coronavirus à prendre en considération, c’est son temps d’incubation : quatre à six jours, soit une petite semaine, alors que le temps d’incubation de la grippe dure deux à trois jours, le temps d’un week-end. En gros, cela prend du temps de savoir si l’on est infecté. Mais comme pour tous les virus, il y a des signes d’alerte à prendre en considération, comme la fièvre et la toux. Le coronavirus apporte aussi des problèmes respiratoires, avec un essoufflement des patients.  Mais dans tout cela, il faut tenir compte de sa contagiosité. Pour le moment, on ne l’a pas bien identifié car, selon les recherches, par personne malade, ce virus peut contaminer entre 1,5 et quatre personnes. Or, pour la grippe, par personne malade, c’est deux à trois personnes contaminées. On reste a priori dans la même contagiosité que la grippe. En revanche, on note une létalité qui semble un peu plus supérieure à celle de la grippe, mais bien moindre que pour le SRAS.

Que peut-on apprendre de la gestion de cette épidémie en Chine ?

D’une part, il faut savoir qu’il y existe des facteurs aggravants de la crise en Chine comme la fumée, la pollution atmosphérique, les logements insalubres . Par rapport à la létalité, ce sont ainsi les fumeurs et les personnes immunodéprimées qui ont été les plus touchés. Tout cela relève d’une question d’hygiène et de conditions de vie également.

S’il nous arrivait d’avoir un cas à Maurice, comment devrions-nous réagir ?

Déjà, ce qui a été fait est une bonne chose, car pour éviter la propagation du virus, la mise en quarantaine immédiate et l’isolement sont importants. En cas de manque de lits dans les hôpitaux, il faut réaliter la personne malade, c’est-à-dire l’isoler chez elle et voir où elle a pu propager le virus. Il faudrait faire pour cela une cartographie pour mettre en place une veille sentinelle. Par ailleurs, il est primordial pour les autorités de réagir tout de suite, surtout ne pas cacher l’information, et de prendre les précautions nécessaires. Le ministre de la Santé semble très conscient de cela. Et ailleurs dans le monde, c’est pareil. À Maurice, les autorités sanitaires sont dans le mode anticipation, que ce soit pour le coronavirus ou tout autre virus. Il n’y a pas lieu de paniquer. Il faut mettre en place une stratégie pour établir les mesures élémentaires pour la protection des citoyens, pour la communication avec le public et pour la gestion à mettre sur pied dans les hôpitaux. Les Mauriciens ne sont pas concernés par le coronavirus aujourd’hui, mais il leur faut rester on alert et continuer à adopter les mesures d’hygiène de base.

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