Coup d’état Constitutionnel allégué : La controverse de la démission annoncée

  • Ameenah Gurib-Fakim : «  Pravind Jugnauth, Collendavelloo et SAJ exigeaient ma démission…On m’a demandé de donner une date et j’ai refusé »
  • L’ex-Présidente de la République affirme avoir insisté sur la mise sur pied d’un tribunal pour la destituer et regrette avoir commis cette faute constitutionnelle
  • Le juge Asraf Caunhye : « Vous ne leur avez pas expliqué que vous aviez remboursé l’argent du PEI ? »

La controverse de la démission de l’ex-présidente de la République, Ameenah Gurib-Fakim, annoncée par le Premier ministre, Pravind Jugnauth, est remontée à la surface. C’était lors de la séance d’hier de la commission d’enquête sur le coup d’Etat constitutionnel allégué présidée par le juge de la Cour suprême, Asraf Caunhye, avec pour assesseurs les juges Nirmala Devat et Gaitree Jugessur-Manna. Elle a également fait le récit, lors de sa deuxième audition, de la chronologie des événements ayant mené à sa démission de la State House. Elle maintient qu’elle n’avait jamais donné sa démission ce jour-là et prend à témoin son Tweet. « Pravind Jugnauth, Ivan Collendavelloo et sir Anerood Jugnauth exigeaient ma démission alors que moi j’insistais pour l’institution d’un tribunal pour me destituer », a-t-elle laissé entendre à la barre des témoins.

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Pendant plus de deux heures, elle a remonté le temps jusqu’au 27 février 2018, date à laquelle ses dépenses payées avec la Platinum Card, mise à disposition par Planet Earth Institute d’Alvaro Sobrinho, avaient été étalées sur la place publique. Elle a révélé les noms des personnes qui lui ont prodigué des conseils lors de cette étape et l’a canalisée vers les hommes de loi jusqu’à l’institution de la commission d’enquête mort-née confiée à sir Hamid Moollan, QC.

D’emblée lors de la séance, c’est Jaysen Nundoosingh, Managing Director de la Barclays Bank, qui a été appelé à la barre des témoins pour confirmer qu’il existait quatre cartes bancaires utilisées par Ameenah Gurib-Fakim auprès de cette banque dont l’une d’entre elles était la controversée Platinum Card de la Planet Earth Institute, fondation d’Alvaro Sobrinho. Puis c’était au tour de l’ancienne présidente de la République qui était accompagnée par son panel d’avocats dans la salle d’audience, notamment Mes Hervé Duval Jr, Senior Counsel, et Yanilla Moonshiram.

Le juge Caunhye : Nous allons vous poser des questions sur le fil des évènements remontant jusqu’à la parution des articles dans la presse sur vos dépenses et la mise sur pied de la commission (Moollan).
Me Hervé Duval Jr : Ma cliente a déjà dressé une liste et peut remettre une copie à la commission.

Ameenah Gurib-Fakim : Le 28 février j’étais surprise de voir les Bank Statements étalés dans la presse avec les relevés des dépenses de la carte de Planet Earth Institute. J’ai sollicité l’Attorney General (Maneesh Gobin) mais ce dernier m’a dit qu’il était pris. J’ai alors contacté le Premier ministre pour qu’il m’envoie l’Attorney General pour des conseils. Ce dernier est venu dans l’après-midi  et m’a simplement dit que la présidente de la République jouit de l’immunité.

Le 1er mars je rencontre le PM pour notre réunion hebdomadaire et je lui explique le contexte dans lequel cette carte a été utilisée et je l’informe que le remboursement avait déjà été fait. Après une fonction en honneur des lauréats ce jour-là, j’ai sollicité le Deputy Prime Minister, Ivan Collendavelloo qui avait auparavant été mon conseil légal dans une affaire auprès de l’Equal Opportunities Commission. Ce dernier me demande de réclamer l’authenticité des documents bancaires étalés sur la place publique.

Le 2 mars je lance un ultimatum sur les ondes d’une radio privée pour prouver la véracité de ces documents de la banque. Le 3 mars lors d’une fonction, j’ai rencontré sir Anerood Jugnauth et je lui ai aussi expliqué que j’avais tout remboursé et je l’informe que j’en ai parlé au PM. Le 5 mars, Ivan Collendavelloo me demande de lui faire parvenir les copies de ces Bank Statements ainsi que documents des remboursements.

Special Cabinet Meeting

Le 6 mars le DPM sollicite une rencontre avec moi en présence de Pravind Jugnauth. C’est à ce moment-là qu’on allait me demander de démissionner. On m’a demandé de donner une date et j’ai refusé. Le 7 mars le PM ne se présente pas pour notre réunion hebdomadaire et je procède au lancement d’un livre à la State House. Seul Ivan Collendavelloo allait être présent à cette fonction.

Le 8 mars le ministre Mentor demande à me voir et m’informe qu’un Special Cabinet Meeting avait unanimement décidé que je devais partir. Je lui ai dit que si tel était le cas, qu’on entame les procédures pour l’institution d’un tribunal pour me destituer. SAJ m’a alors conseillé « not to go down the road of the tribunal ». Le 9 mars par l’intermédiaire d’une amie, l’Associate Professor Roubina Juwaheer, des contacts sont établis avec l’avoué Gilbert Noël que je ne connaissais pas. Ce dernier me conseille de servir une mise en demeure à la Barclays Bank.

Asraf Caunhye : A quoi allait servir cette mise en demeure ?
Ameenah Gurib-Fakim : Je ne sais pas. Le 9 mars le PM se présente une nouvelle fois à la State House et me suggère de partir le 15 mars; j’ai refusé. Le soir je prends note qu’il avait annoncé ma démission à la presse et cette nouvelle était confirmée à la presse internationale par le Government Information Service (GIS). J’ai réagi sur mon compte Twitter que « I have not resigned ». Le lendemain j’ai eu un Private Lunch avec l’avoué Noël et l’amie Juwaheer dont l’époux siège sur le board de la Barclays Bank. C’est là que Gilbert Noël suggère la mise sur pied d’une commission d’enquête.

Something wrong

L’ex-présidente poursuit son récit en affirmant que les arrangements protocolaires dans le cadre des célébrations de la fête de l’indépendance à la State House allaient changer.
Asraf Caunhye : You did not tell the PM that you did not do something wrong? According to you that was only about the Platinum Card?

Ameenah Gurib-Fakim: I was not under any influence that it was something else.
Ameenah Gurib-Fakim explique le cours des célébrations de l’indépendance du pays avec seulement la Speaker, Maya Hanoomanjee, présente à la Garden Party. « I heard she was there but we did not meet. All communications with the PMO and government were off », avance-t-elle. Elle affirme avoir émis un communiqué le 14 mars pour expliquer le remboursement des fonds au PEI. Et selon elle, c’est ce jour-là qu’elle prend note des déclarations de presse de Me Yousuf Mohamed qui affirmait vouloir l’aider.
Asraf Caunhye : You solicited his services ?
Ameenah Gurib-Fakim : Un dénommé Juneid Al Khalifa allait organiser une rencontre avec Me Yousuf Mohamed.

Un ami, Irfan Rahman

Asraf Caunhye : Vous le connaissez ce Juneid Al Khalifa ?
Ameenah Gurib-Fakim : Non c’est mon assistante qui le connaît. Le 14 mars Me Yousuf Mohamed allait suggérer que je jure un affidavit avec les faits concernant ces dépenses. Je lui ai toutefois demandé son opinion à propos de la mise sur pied d’une commission d’enquête. Il m’a dit qu’il allait y penser. Le 15 mars le PM ne s’est pas présenté à la réunion hebdomadaire et j’ai sollicité un ami, Irfan Rahman.
Asraf Caunhye: Pourquoi lui ?
Ameenah Gurib-Fakim : C’est un ami de longue date. Il m’a demandé de démissionner. L’avocat Dick Ng Sui Wa est aussi venu me voir. Lui aussi m’a demandé de quitter Le Réduit. Le 16 mars, l’avoué Gilbert Noël se présente à la State House pour rédiger les Terms of Reference. Il réclame l’aide d’un avocat et Me Mohamed m’envoie Nadeem Hyderkhan. Gilbert Noël a proposé que ce soit sir Hamid Moollan qui préside la commission. Je dois faire ressortir que Yousuf Mohamed allait m’assister dans le cas d’un tribunal. Ce dernier m’avait d’ailleurs indiqué qu’il souhaitait que Mes Hervé Duval Jr et Yanilla Moonshiram soient retenus. Gilbert Noël m’a passé sir Hamid Moollan au téléphone et aussi Me Duval. Il allait toutefois s’entretenir en privé lors de cette conversation téléphonique avec Me Hervé Duval Jr.  À midi la rédaction était finie. Me Yousuf Mohamed m’a dit qu’il allait rencontrer sir Hamid Moollan après la prière du vendredi. C’est alors qu’il m’allait conseillé que « no you can’t but tactically you can ». Et j’ai publié les terms of reference par voie de presse et j’ai envoyé une copie au PM.
Asraf Caunhye : Que s’est-il passé après ?

Ameenah Gurib-Fakim : J’ai recu une lettre du PM dans l’après-midi qui m’informait que « my acts and doings amounted to serious breach of section 64 of the constitution and they were legally invalid and to no effect ». Hervé Duval Jr m’a envoyé un SMS pour me dire que je n’avais pas suivi ses conseils. Je ne savais pas qu’il avait conseillé à Gilbert Noël de ne pas aller de l’avant avec cette commission. Et le 17 mars après des consultations avec Me Yousuf Mohamed et l’avoué Noël, j’ai soumis ma démission avec effet à partir du 23 mars.

Me Yousuf Mohamed et la Barclays attendus
Lors de la prochaine séance, Me Yousuf Mohamed sera entendu par la commission d’enquête. Il devrait fournir des détails sur les contacts qu’il a eus avec Ameenah Gurib-Fakim lors des derniers jours de cette dernière In Office au Château du Réduit. Il sera fort probablement interrogé sur les conseils légaux qu’il aurait prodigués à l’ancienne présidente de la République. Quant à Jaysen Nundoosingh de la Barclays Bank il devrait éclaircir la commission sur les dépenses effectuées par la principale concernée à travers la carte Platinum de Planet Earth Institute.

Pravind Jugnauth : « Les li dir »
S’il a préféré garder ses commentaires alors qu’il était pressé de répondre aux propos de l’ex-présidente de la République, Ameenah Gurib-Fakim, devant la commission d’enquête, le Premier ministre a répondu « les li dir » d’un ton convaincant, et ce tout en esquissant un grand sourire et en serrant les mains de ses partisans à l’issue de l’inauguration du “by-pass”.

XLD : « Le PM et le DPM traînés dans la honte dans cette affaire »
Le leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, qui avait soulevé la connexion Amenah Gurib-Fakim/Alvaro Sobrinho, à l’Assemblée nationale par voie de “Private Notice” depuis avril 2017, dénonce la posture inconfortable du Premier ministre, Pravind Jugnauth, et du “Deputy Prime Minister”, Ivan Collendavelloo. Il commentait la déposition sous serment de l’ancienne présidente de la république, Ameenah Gurib-Fakim, devant la commission d’enquête Caunhye, instituée pour faire la lumière sur des allégations de coup d’État constitutionnel du 17 mars dernier.
« Dois-je rappeler qu’au tout début de cette affaire en 2017, je m’étais rendu à la State House pour rencontrer la présidente de la République en exercice dans le sillage de l’affaire Alvaro Sobrinho, soit le judi 8 mars 2017. Je lui a dit : “Madame, peut-être que vous avez fait des erreurs. Mais dites la vérité. Convoquez une conférence de presse et présentez vos excuses et demandez pardon à la population. Elle n’a pas voulu m’écouter” », a d’emblée déclaré le leader du PMSD.
« Mais avec ce qui s’est passé devant la commission, une question fondamentale se pose. Ameenah Gurib-Fakim a déposé sous serment. Que se passera-t-il avec ceux, dont le Premier ministre et le Deputy Prime Minister, qui ont été cités dans sa déposition ? Elle traîne le PM et son adjoint dans la honte avec des accusations de mensonges », a ajouté Xavier-Luc Duval.

FLN : « Qui est derrière le départ d’Ameenah Gurib-Fakim ? »
Ismaël Nazir, le porte-parole du Front Libération National (FLN), mettra sur pied une commission d’enquête une fois au pouvoir pour savoir qui est derrière le départ « forcé » de l’ex-présidente Ameena-Gurib-Fakim. C’est ce qu’il a laissé entendre vendredi matin lors d’une conférence de presse. « Notre position est claire. C’est le chef de l’Etat qui est en charge du gouvernement de Maurice, pas le Premier ministre ni le cabinet. C’est le président qui défend et protège la Constitution. Nous allons amender la Constitution pour éliminer toute ambiguité à ce sujet pour exclure à jamais toute cohabitation entre le Premier ministre et le président. Si une élection présidentielle s’avère nécessaire, nous le ferons », a insisté le porte-parole du FLN. En ce qui concerne le rapport Lam Shang Leen, il trouve que c’est maintenant que le public réalise que l’ADSU est restée « incontournable » dans le combat contre la drogue. « Bizin renforci zot au lieu démantibule zot ». Il est souhaitable, a-t-il dit, que cette unité ait une équipe spécialisée pour retracer les devises étrangères qui quittent le pays pour l’achat de la drogue. « Li important kone zot source financement. » Selon le porte-parole du FLN, la commission aurait dû insister pour connaître la source de financement des trafiquants. « C’est ça la plus grande omission de la commission de la drogue présidée par le juge Lam Shang Leen. Nous demandons aux autorités concernées de vérifier l’usage que l’on fait des devises étrangères obtenues de diverses sources », a-t-il dit. Il a cité en exemple les dons des pays étrangers, les per diems dans les coffres-forts de l’ancien Premier ministre Navin Ramgoolam, les prêts douteux de la banque SBM aux étrangers. « Aucune piste ne doit être négligée », a-t-il souligné.
Le FLN a invité l’OPR à faire cause commune pour défendre certaines causes pour le bien-être des Rodriguais.

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