DÉMOCRATISATION DE L’ÉCONOMIE: Les petits contracteurs réclament une “Social Contribution” de 10 %

La démocratisation de l’économie serait-elle un slogan creux dans le secteur de la construction ? Les nombreux chantiers visibles actuellement dans le paysage mauricien profitent-ils au plus grand nombre de ce secteur ? Selon le président de la Small Contractors Association, qui regroupe un millier de membres, seule une poignée de gros constructeurs en bénéficieraient. Gérard Uckoor estime qu’il est temps que les autorités introduisent une clause spécifique dans la loi qui obligerait toute compagnie bénéficiaire d’un contrat de Rs 100 M à monter de sous-contracter 10 % des travaux extérieurs à ceux des professionnels considérés comme des petits contracteurs en termes de turnover financier. L’ASC réitère par ailleurs sa demande d’ouverture du marché public réservé à la dizaine de District Contractors (voir plus loin).
« Il y a bien un boom dans la construction mais pas pour les petits contracteurs, qui sont les éternels perdants même lorsque le secteur est en plein essor », déplore Gérard Uckoor. Il en veut pour preuve les vastes chantiers routiers publics et, dans le privé, ceux de complexes commerciaux et d’hôtels auxquels, selon lui, peu de petites compagnies ont accès. « Loin de donner du travail à un large éventail de professionnels de la construction, l’économie de ce secteur est concentrée entre les mains d’une poignée de personnes, toujours les mêmes. Certes, les petits contracteurs ne disposent pas des mêmes gros moyens qu’ont les grandes firmes pour gérer de très gros chantiers mais rien n’empêche les autorités d’introduire une dose de flexibilité dans la loi régissant le Procurement. Un peu comme dans l’Afrique du Sud post-apartheid avec l’introduction du concept Black Economic Empowerment. Cette flexibilité prendrait la forme d’une Social Contribution de 10 % du contrat aux petits contracteurs pour exécuter des travaux externes au bâtiment en construction, tels les clôtures, kiosques, installation de luminaires, mains courantes, peinture… »
L’association compte un millier de petits contracteurs enregistrés au ministère des Infrastructures publiques et habilités selon la loi en vigueur à entreprendre des Minor Works Grade II, soit des contrats de Rs 300 000 à Rs 20 millions. Cependant, le manque de liquidités pour démarrer un travail demeure l’un des obstacles majeurs lorsqu’il s’agit de prétendre à de gros contrats publics, dits “lumpsum contracts”, qui ne comportent pas l’obligation de versement initial (down payment) de la part du client pour le démarrage du projet. La majorité d’entre eux ferait face au manque de “working capital”, l’un des critères du Public Procurement Office. Le petit contracteur est alors tenu d’offrir un Performance Bond s’il est présélectionné pour un projet, et a un délai de 14 jours, à partir de la date de présélection des soumissionnaires, pour répondre favorablement à l’invitation à soumettre son offre. Or, pour obtenir cette garantie bancaire d’une institution qui voudrait bien le soutenir, il doit soumettre un dossier qui, lui, prend trois semaines pour être examiné et approuvé. « Bien souvent les banques sont réticentes à nous garantir et nous finissons par perdre le contrat », souligne M. Uckoor. Une situation qui ajoute à la frustration des principaux concernés car, déplore le président de la SCA, « contrairement aux autres secteurs de l’économie (petits planteurs, petits entrepreneurs, entre autres) qui bénéficient du plan de soutien financier à des taux d’intérêt préférentiels auprès de la Banque de Développement, il n’existe aucun recours de ce genre pour les petits contracteurs ». Aussi, à l’approche de la présentation du prochain Budget national, l’ASC réitère sa demande pour l’élaboration d’un Scheme spécifique qui mettrait cette catégorie de constructeurs sur un pied d’égalité avec d’autres secteurs économiques du pays.
Plan de soutien financier
Autre problème rencontré : le poids du paiement de la compensation salariale pour cette catégorie de professionnels de la construction. Selon le barème en vigueur dans le secteur et recommandé par le ministère du Travail, le salaire de base d’un maçon est de Rs 400 par jour. « Or tout le monde sait que le prix réclamé de nos jours par un maçon est de Rs 800 pour une journée. Les grosses compagnies, elles, emploient des maçons à temps plein et rémunèrent dans le cadre de ce que préconise la loi, ou un peu plus ; la compensation à payer par employé est moindre dans leur cas. Les petits contracteurs, eux, ne peuvent pas se permettre d’avoir un personnel fixe car ils dépendent de l’allocation de contrats qui est des plus aléatoires. Ils sont donc à la merci des maçons qui réclament le prix fort. Pour pouvoir honorer leur contrat, ils sont obligés d’offrir Rs 800 par jour. Ainsi, il est aberrant de noter que les petits contracteurs sont tenus d’octroyer la compensation alors qu’ils payent déjà bien au-dessus du salaire recommandé. » L’ASC avance le chiffre d’environ trois mille petits contracteurs pour tout le pays. À raison d’une moyenne de quatre maçons par contracteur, le secteur donnerait du travail à quelque 120 000 personnes/familles en moyenne. Pour Gérard Uckoor, l’apport socio-économique du secteur est indéniable et mériterait un traitement plus équitable dans le prochain budget national.
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TVA : les clients de projets résidentiels doublement imposés
En 2006, le ministre des Finances d’alors, Rama Sithanen, décide d’enlever l’exemption de la Taxe à la Valeur Ajoutée (TVA) dont bénéficiaient jusque-là les projets de construction résidentielle. L’Association des Petits Contracteurs (ASC) réclame aujourd’hui sa réintroduction, ou à défaut un régime spécial pour cette catégorie de construction. Elle argue que cette taxe de 15 % vient gonfler considérablement les coûts déjà très élevés de construction au point de constituer un frein aux projets résidentiels de clients particuliers des classes moyenne et au bas de l’échelle. « Le contracteur dûment enregistré et détenant un permis est tenu de s’acquitter de la TVA sur un projet de construction ; il se voit donc obligé d’inclure cette taxe dans sa cotation. Une taxe de 15 % sur un projet de maison moyenne de Rs 2,2 M reviendrait à faire payer Rs 330 000 de plus au client en termes de TVA, ce qui l’amène à un peu plus de Rs 2,5 M. Or le client est doublement pénalisé au final puisqu’il paie déjà la TVA sur les matériaux de construction ! Résultat, soit le client accepte de payer, soit il repousse son projet, soit il se tourne vers un contracteur sans permis », déclare le président de l’ASC, qui fait valoir qu’une telle mesure pousse de plus en plus de ménages à s’adresser au marché noir : « Force est de constater que de nombreux clients optent pour le troisième, s’exposant du même coup aux risques que l’on sait. »
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District Contractors de l’État : un marché fermé
Jusqu’en 2009, le marché de réhabilitation de bâtiments publics était divisé en cinq zones géographiques : le Nord, le Sud, l’Est, l’Ouest et Port-Louis, que se partageaient alors des District Contractors (DC) choisis pour entreprendre les travaux. En 2009, dans le cadre des consultations budgétaires, l’ASC présente un mémorandum au ministère des Finances demandant l’ouverture du marché à une quarantaine de petits contracteurs pour des projets de moins de Rs 300 000. Au Secrétaire financier, le président de l’association fait comprendre que les petits contracteurs sont de facto pénalisés car pour se qualifier au statut de DC, il leur est demandé d’avoir un turnover de Rs 25 M, un Financial Standing de Rs 5 M et un Performance Bond de Rs 1,5 M. Le ministère accepte de considérer la demande.
À la présentation du budget de 2009, Rama Sithanen décide d’ouvrir ce marché public, mais l’étend à 10 District Contractors seulement : Port-Louis, Upper Plaines-Wilhems, Lower Plaines-Wilhems, Moka, Pamplemousses, Rivière-du-Rempart, Rivière-Noire, Flacq, Grand-Port et Savanne. Au paragraphe 116 du budget de 2009 pour le secteur de la construction, il est dit par ailleurs ceci : « (…) The ministry of Business will work with the Ministry for Public Infrastructure to provide support for small contractors to qualify as District Contractors. ». Mais l’ASC dit attendre toujours la mise en oeuvre de la mesure annoncée.
Valeur du jour, le gouvernement dépenserait en moyenne Rs 588 millions par an pour la rénovation de ses bâtiments. Cependant, l’ASC déplore que ces fonds publics bénéficieraient souvent aux mêmes personnes : « Certains contracteurs obtiennent des contrats sur deux années consécutives, d’autres sur trois années. » L’Association des Petits Contracteurs dit condamner cette pratique qui ne reflète pas la démocratisation de l’économie dont parle le programme gouvernemental et réclame plus de transparence dans l’allocation des contrats.

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