Dade Azaree confirme ses liens avec Siddick Islam, Navind Kistnah et le policier Basana Reddi

— Le patron de Gloria Fast Foods évoque ses liens d’amitié avec Siddick Islam et déclare que « Kistnah et Basana-Reddi partagent ma passion pour les courses hippiques »

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— Lam Shang Leen : « Tous vos « amis » sont impliqués dans le trafic de drogue »

— Téléphone : 40 conversations avec Siddick Islam en 2016 ; 17 appels à Lina Gentil, maîtresse de Polocco ; 130 échanges avec Basana-Reddi en sept mois et 31 appels à Kistnah en un seul mois

L’audition très attendue de Shahebzada Azaree, dit Dade, patron de Gloria Fast Foods, s’est déroulée dans une ambiance bon enfant le mercredi 13 décembre. En presque 90 minutes, l’ancien juge Paul Lam Shang Leen, qui préside cette instance, a survolé plusieurs aspects de la vie de cet homme d’affaires originaire de Port-Louis, mettant l’accent sur ses liens avec des trafiquants de drogue notoires, dont Siddick Islam, qu’il a présenté comme son « ami », et qui s’avère être également son voisin, à Terre-Rouge. Dade Azaree, arrêté le 22 juin dernier, dans le sillage de la saisie record de 157 kg d’héroïne, a été cuisiné sur ses contacts téléphoniques avec Siddick Islam, mais surtout avec Navind Kistnah, le « star witness in waiting » dans cette affaire de trafic de drogue qui défraie la chronique depuis mai dernier, ainsi que le policier Basana-Reddi, employé du Passport & Immigration Office (PIO). Questionné également sur son business, en l’occurrence les restos Gloria Fast Food, ainsi que ses comptes bancaires et ses biens immobiliers, le détenu actuellement « on remand » a confirmé que durant la campagne électorale de 2014, Raouf Gulbul, l’avocat et candidat battu du MSM au N° 3 (Port-Louis Maritime/PL Est) « venait manger gratuitement » au snack de la rue Desforges, dans la capitale.

Il remettra le couvert ce lundi 18 décembre, pour la suite et la fin de la déposition du détenu Azaree. Mais en attendant, l’ancien juge Paul Lam Shang Leen a bien entamé, hier, son interrogatoire de Shahebzada Azaree. Au menu de cette première partie de l’audition de celui qui a été arrêté en juin de cette année, dans le sillage de la saisie record des 157 kg d’héroïne, et pour lesquels sont également impliqués Navind Kistnah ainsi que le constable Govind Basana-Reddi, posté au Passport & Immigration Office (PIO), les contacts téléphoniques de Azaree à Siddick Islam, mais surtout avec les deux derniers nommés.

Paul Lam Shang Leen a aussi abordé les biens immobiliers de l’homme d’affaires, son business, ses comptes bancaires, ainsi que ses connexions politiques. Détenu « on remand » depuis son arrestation de fin juin dernier, Dade Azaree est arrivé, menottes aux poings, solidement encadré de membres de la SSU et d’autres unités de la police, dont l’équipe de l’ASP Hector Tuyau. Les quatre mois de détention se traduisaient sur le visage et la silhouette amaigris, et les cheveux blanchis de cet homme qui admet ouvertement sa passion pour les jeux de hasard, et surtout les courses hippiques. Durant environ 90 minutes, Dade Azaree, debout dans le box en face de Paul Lam Shang Leen et ses deux assesseurs, l’ancien ministre de la Sécurité sociale Sam Lauthan et le Dr Ravind Dhomun, attaché au ministère de la Santé, a répondu aux questions de l’ancien juge.

Paul Lam Shang Leen a donné le coup d’envoi des questions en partant sur les restos Gloria Fast Food. C’est ainsi que l’on a appris que ce n’est que récemment,  en 2016, que la compagnie a été enregistrée au nom de S. Azaree et qu’aucun compte bancaire au nom de celle-ci n’a été ouvert à ce jour. Dans la foulée, Paul Lam Shang Leen a fait remarquer à son interlocuteur qu’il n’avait pas payé de taxe, ce que Dade Azaree a confirmé. Il a ajouté qu’il avait soumis sa déclaration fiscale « en mon nom personnel ».

L’ancien juge s’est rapidement intéressé aux numéros de téléphone du témoin. Celui-ci a indiqué en avoir plusieurs à son nom, deux qu’il utilise personnellement et d’autres qui sont aux noms de son épouse et de trois de ses enfants, deux étant adolescents et l’un âgé de quatre ans, mais qui dispose néanmoins d’un portable…

Paul Lam Shang Leen : Siddick Islam, c’est votre ami et voisin ?

Shahebzada Azaree : Oui

PLSL : Tout le monde sait que Siddick Islam est en prison pour une affaire de drogue. Vous avez utilisé votre téléphone portable pour communiquer avec lui ?

SA : Oui… Il m’a appelé pour demander des nouvelles de la famille

PLSL : Zot tou demane nouvel fami mem ! Votre numéro a été retracé par le biais du numéro qui a été saisi sur Siddick Islam en prison. Il vous demande des nouvelles de la famille ? Et puis ? Quel cheval va gagner ? Quand on téléphone à une personne pour demander des nouvelles, ça dure combien de temps ?

SA : Je ne sais pas… 10 ou 15 minutes

PLSL : 10 minutes ? ! Vous savez combien de tour de piste fait un cheval en 10 minutes ? Vous êtes propriétaire de cheval, vous devez savoir cela…

SA : Je ne suis pas propriétaire de cheval

PLSL : Ah bon ? N’oubliez pas que vous êtes sous serment ! S’il s’avère que vous mentez, cela peut vous valoir un procès

SA : Oui, oui

PLSL : En 2016, on a recensé 40 échanges téléphoniques entre Siddick Islam et vous. Il vous demandait des nouvelles de la famille : je sais. Mais il y a des conversations de 27 minutes ! D’autres de 14, 15, 8, 9, 7 et même 19 minutes. C’est long, non ? Vous ne trouvez pas ? Il vous parlait de quoi d’autre ? Des chevaux ? En 27 minutes, on fait le trajet Port-Louis/Curepipe !

SA : Il m’a déjà parlé, une fois, de dialyse. Comme sa belle-mère fait des dialyses en France, il m’expliquait que c’était mieux de les faire en France, en comparaison avec Maurice…

PLSL : Ah, Siddick Islam est médecin ? Je vous donne un autre numéro… Vous connaissez quelqu’un qui se trouve dans la prison des femmes ?

SA : Non

PLSL : Pas d’amie, de parente ?

SA : Non

PLSL : Pourtant, c’était en 2016, et vous avez communiqué avec une détenue dont le nom est souvent revenu ici : il s’agit de Lina Gentil, qui n’est autre que la maîtresse d’un détenu très connu, Polocco, de son vrai nom Prinslet Serret. Vous les connaissez ?

SA : Non

PLSL : Dans le cas de ces contacts, je peux comprendre si vous preniez des nouvelles : les conversations ne duraient pas plus de deux minutes

SA : Je ne connais personne de ce nom

PLSL : Donc, l’opérateur nous ment : c’est ce que vous voulez dire ? Qui d’autre que vous se sert de ce numéro enregistré à votre nom ?

SA : Il n’y a que moi

PLSL : Voilà un autre numéro… À qui il appartient ? À l’époque de vos communications avec cette personne, elle ne se trouvait pas en prison…

SA : (silence)

PLSL : Vous ne voyez toujours pas ? On a des photos de vous à ses côtés, publiées dans les journaux, on vous voit tous les deux parader… Regardez cette photo et dites-nous

SA : Navind Kistnah. Je ne suis pas propriétaire de cheval !

PLSL : Alors que faisiez-vous là-bas ?

SA : On m’a dit de venir pour faire une photo. Avec un ami, Tiger, on a sponsorisé une course

PLSL : C’est qui, ce Tiger ?

SA : Je ne sais pas son nom

PLSL : C’est votre ami, vous sponsorisez une course avec lui, mais vous ne connaissez pas son nom…

SA : Je joue aux courses, mais avec modération

PLSL : Comment avez-vous fait la connaissance de Navind Kistnah ?

SA : Aux casinos. Il m’a parlé de sa passion pour les chevaux…

PLSL : Et vous, vous vous êtes découvert une nouvelle passion pour les chevaux, en sus des jeux !

SA : Les chevaux ont toujours été ma passion

PLSL : Où se trouve Navind Kistnah, actuellement ?

SA : Aux Casernes

PLSL : Il y travaille ?

SA : Non, li ferme laba

PLSL : Pourquoi vous hésitez à le dire ? Pourquoi il est incarcéré ?

SA : C’est lié à une affaire de drogue

PLSL : Combien de conversations téléphoniques avez-vous eu avec lui ?

SA : Je ne sais pas

PLSL : D’après le relevé que nous avons, pour un seul mois, en 2016, il y a eu 27 communications : vous l’appelez souvent, on a remarqué. Pourquoi ?

SA : C’est mon ami

PLSL : Vous vous donnez rendez-vous au casino ?

SA : On avait l’habitude d’aller regarder les chevaux trotter

PLSL : A 17 h 30, 19 heures ou 22 heures ? Les chevaux trottent à cette heure-là ?

SA : Non

PLSL : Nous avons recensé en tout 31 conversations téléphoniques entre vous et Navind Kistnah. Je vous donne un autre numéro : réfléchissez bien avant de me dire à qui c’est…

SA : Je ne vois pas

PLSL : La dernière fois que vous avez communiqué, c’était début 2017… Entre vous et cette personne, sur une période de sept mois, de 2016 à début 2017, il y a eu 130 échanges ! Vous ne vous doutez toujours pas de qui il s’agit ? Lui aussi est incarcéré…

SA : Le policier qui a fait des allégations sur moi ?

PLSL : Comment s’appelle-t-il ?

SA : Basana-Reddi

PLSL : Comment l’avez-vous connu ?

SA : Au bureau du passeport, quand j’y suis allé parce que j’avais perdu le mien

PLSL : C’était quand ?

SA : En 2015

PLSL : Comment vous êtes devenu son ami ?

SA : Mo popiler, akoz sa… Tou dimounn konn moi

PLSL : Kifer ? Akoz ou bann foto ek cheval ? Sur les 130 échanges avec le policier Basana-Reddi, c’est vous qui l’avez appelé en 88 occasions !

SA : Sur une année ?

PLSL : Non ! Je vous ai dit pour une période de 7 mois ! Il y a cet autre numéro : est-ce un autre numéro pour Basana-Reddi, mais qui n’est pas enregistré à son nom ?

SA : Je ne sais pas

PLSL : Tous vos amis sont des trafiquants ! Quel est votre rôle dans tout ce réseau : Siddick Islam, Navind Kistnah, Basana-Reddi…

SA : Il n’y a que Navind Kistnah qui a des soucis…

PLSL : Et Basana-Reddi ?

SA : C’est lui qui m’appelait

PLSL : Vous l’avez appelé à 88 reprises et envoyé des SMS… Hélas, nous avons d’autres numéros que nous n’avons pu retracer. Il a un numéro qui est enregistré au nom d’un travailleur bangladeshi. J’espère qu’il ne s’agit pas d’un de vos employés ! Quel est votre intérêt avec le policier Basana-Reddi ?

SA : La dernière fois que je l’ai vu, c’était parce que j’avais perdu mon passeport

PLSL : Il vous a impliqué dans une affaire de trafic de drogue. Pourquoi ?

SA : C’est un coup monté contre moi

PLSL : Vous êtes brouillé avec lui ?

SA : Non

PLSL : Alors pourquoi il vous en veut ?

SA : Je l’ignore

PLSL : C’est quand même bizarre, non ? Ça fait plus de six mois que vous êtes incarcéré, vous n’avez pas entrepris des démarches pour sortir ?

SA : Mon avocat m’a dit d’attendre…

PLSL : Attendre quoi ?

SA : Il y a une enquête en cours

PLSL : Et si cette enquête dure des années, et vous vous dites que vous êtes innocent, vous allez continuer à attendre ?

SA : (silence)

Paul Lam Shang Leen a aussi évoqué les liens de Dade Azaree avec Noor Hossen K. Ramoly, patron de Khalil Spare Parts, qui a déposé devant la commission cette semaine, ainsi qu’avec Sada Curpen, autre trafiquant de drogue notoire, « qui a souvent été vu au magasin de Ramoly », devait préciser le président. Le gérant de Gloria Fast Foods devait répondre qu’il ne « connaît pas personnellement Sada Curpen ».

L’audition de Dade Azaree se poursuivra le lundi 18 décembre.

Plus de 2 millions au casino

Plus de Rs 2 M aux casinos, et zéro sou, ou presque, dans ses comptes en banque, ainsi que celui de sa femme, ou encore leur compte commun. Ce qui intrigue au plus haut point Paul Lam Shang Leen : « Comment se fait-il que vous n’ayez quasiment rien en banque, mais que vous dépensiez de fortes sommes aux casinos ? » Le président de la Commission a relevé que le témoin, ainsi que son épouse, détiennent des comptes « dormant » (inactifs) dans diverses institutions bancaires du pays. Dade Azaree a expliqué que son épouse travaille, elle s’occupe notamment du Gloria Fast Food sis à la Gare Victoria, à Port-Louis, mais que c’est lui qui gère les finances de la compagnie.

Paul Lam Shang Leen a indiqué que « rien que pour 2013, vous avez dépensé Rs 260 000 au casino et Rs 500 000 aux machines à sous. En 2014, vous avez dépensé plus de Rs 2 M dans trois casinos. Et pourtant, vos comptes en banque sont à sec. Comment expliquez-vous cela ? D’où vient l’argent ? » En guise de réponse, le gérant de Gloria Fast Food a déclaré qu’il garde « essentiellement du cash in hand ». Ce qui a ramené le président de la commission à lui demander la provenance de cette liquidité.

Appel de Kistnah à Madagascar

Paul Lam Shang Leen a également questionné Dade Azaree sur ses liens avec l’étranger. Le patron de Gloria Fast Food a déclaré qu’il importait « des épices tandoori de Londres ». S’agissant d’un appel téléphonique avec Madagascar, qui remonte à février 2017, donc avant leurs arrestations à tous les deux, Dade Azaree a indiqué que « Navind Kistnah m’avait appelé de Madagascar. Je crois qu’il se trouvait en vacances là-bas… »

Siddick Islam : ami et voisin

Faisant l’inventaire des biens immobiliers de Dade Azaree, Paul Lam Shang Leen a souhaité savoir où habite le patron de Gloria Fast Food. Celui-ci a indiqué qu’il avait acquis un terrain au Morcellement Manick, à Terre-Rouge. Le président de la Commission d’enquête sur la drogue devait lui faire remarquer qu’il avait également « acquis deux autres portions de terrains au même endroit, en 2015 ». Ce qu’a confirmé l’homme d’affaires, indiquant qu’il avait payé Rs 1,4 M pour l’un, et Rs 1,6 M pour l’autre. Devant l’incapacité de Dade Azaree d’expliquer la provenance des sommes pour l’achat de ces terres, Paul Lam Shang Leen devait lancer : « Vous avez de l’argent caché ? Parce que sur vos comptes bancaires, on ne trouve aucune trace de ce capital. » L’ancien juge voulait aussi savoir quelle distance sépare les deux lopins de terre de l’endroit où se situe l’actuelle maison de Dade Azaree. À la réponse de « 800 mètres » de ce dernier, il a répliqué : « Vous êtes propriétaire de cheval, n’est-ce pas ? Qu’est-ce que cela représente en termes de distance entre vous et la maison de Siddick Islam… car sa maison est bien voisine de la vôtre, n’est-ce pas ? » Dade Azaree a acquiescé et répondu : « Trois à quatre minutes de marche ». Paul Lam Shang Leen lui a demandé carrément à un certain moment : « Ou finn deza fer bann travay pou Siddick Islam ? » Réponse de Dade Azaree : « Non, mo travay zis dan mo snack. »

« Oui, j’offrais à manger à Gulbul »

Le président Lam Shang Leen ne pouvait ne pas évoquer l’épisode de dîners à l’œil au Gloria Fast Food de la rue Desforges durant la campagne électorale de 2014, concernant surtout le candidat battu du MSM, l’avocat Raouf Gulbul, dans la circonscription N° 3 (Port-Louis Maritime/PL Est).

Dade Azaree, solidement
encadré des membres
de la SSU hier

Paul Lam Shang Leen : On a appris que durant la campagne de 2014, vous donniez à manger gratuitement, notamment à Raouf Gulbul…

Shahebzada Azaree : Oui, en effet

PLSL : Pourquoi ?

SA : Cela me faisait plaisir de lui offrir à manger…

PLSL : Combien de personnes venaient avec lui ?

SA : Trois ou quatre…

PLSL : Allons… Il y avait le Campaign Manager. Vous le connaissez ? Qui c’était ?

SA : Non, je ne sais pas

PLSL : Et le Deputy Campaign Manager, lui non plus vous ne le connaissez pas ?

SA : Non, je ne sais pas qui c’est

PLSL : Il n’y avait pas une dizaine de personnes, environ, qui venaient avec le candidat ?

SA : Non, jamais

PLSL : Vous connaissiez M. Gulbul ?

A : Oui, son père avait un snack à la rue L’Église…

PLSL : Il n’a pas déjà été votre avocat ?

SA : En effet

PLSL : Donc, c’est comme cela que vous l’avez connu ?

SA : Oui

PLSL : C’est pour cette raison que vous lui donniez à manger gratuitement ?

SA : Non, je voulais juste lui offrir cela en tant que candidat

PLSL : Selon les journaux, on a vu que vous êtes membre du Parti travailliste ?

SA : Non, je n’en suis pas membre. Je vais aux réunions…

PLSL : Donc, vous êtes un sympathisant ?

SA : Oui

PLSL : Vous êtes partisan du PTr et vous donnez à manger à l’opposition ?

SA : C’est un droit que j’ai

PLSL : En effet, c’est votre droit. Mais pourquoi vous faites ça ?

SA : Je ne peux pas le dire.

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