DR DORISH CHITSON (Ovec) : « Le Canada préfère une main-d’oeuvre formée selon son système »

Alors qu’il y a quelques années, dans sa politique pour renforcer sa main-d’oeuvre, le Canada s’était ouvert en recrutant un bon nombre de travailleurs étrangers qualifiés, il a désormais changé sa politique car il vise davantage des personnes qui sont formées selon son système d’éducation. Le Dr Dorish Chitson, la directrice de l’Overseas Education Centre (Ovec) qui envoie plusieurs jeunes étudier dans ce pays chaque année, élabore sur la politique de recrutement actuelle au Canada. « Ce pays a diminué la migration des travailleurs qualifiés et encourage plutôt les étudiants étrangers à étudier, obtenir un permis de travail et de résidence permanente », souligne-t-elle. « Cette politique d’ouverture au Canada peut ne pour durer pour toujours, il faut saisir l’occasion maintenant ». À noter que presque toutes les institutions Canadiennes demanderont désormais un frais de dossier.
 
Plusieurs de nos diplômés ont des difficultés à trouver un travail. Quelles sont les options, le taux de chômage étant en hausse constante ?
Il ne reste plus que deux grands pays dans le monde qui ont besoin de main-d’oeuvre et acceptent de donner aux étudiants un permis de travail et de résidence permanente après leurs études, le Canada et l’Australie. Le Canada est relativement plus abordable parce que les établissements d’enseignement sont fortement subventionnés par le gouvernement, qui suit de près la formation des étudiants. En plus le coût de la vie n’est que d’environ Rs 300 000 par an. Un étudiant qui fréquente un établissement polytechnique/collège post-secondaire peut ne dépenser que Rs 600 000 par an au total pour ses études. À noter que les frais d’université coûtent environ deux fois plus. Le Canada s’est récemment ouvert aux étudiants étrangers. Il a diminué la migration des travailleurs qualifiés et encourage plutôt les étudiants étrangers à étudier, obtenir un permis de travail et de résidence permanente. Le Canada est un pays où les institutions et les industries travaillent en symbiose — c’est un grand pays qui a besoin de main-d’oeuvre et fait une bonne planification pour sa main-d’oeuvre à travers son « éducation coopérative » ou co-op.
 
Qu’est-ce que la co-op education ?
Ce système de formation en alternance se rapproche de nos formations en apprentissage. Son principe : les étudiants alternent des périodes de stages longs, en entreprise ou dans des laboratoires de recherche, et des semestres de cours. Ainsi, l’étudiant est considéré comme un professionnel en entreprise et assure des missions qui lui permettent d’acquérir une expérience facile à valoriser après l’obtention de son diplôme. Sans compter qu’il est rémunéré en moyenne 1 600 dollars canadiens par mois.
 
Quelle est la politique actuelle du Canada en termes de recrutement ?
Comme j’ai expliqué, le Canada planifie bien sa main-d’oeuvre et exige que ses employés soient bien formés dès le début. C’est d’ailleurs le seul pays où le système de co-op est très répandu, et ce dans le but d’obtenir une main-d’oeuvre efficace. Les frais pour un diplôme dans un institut polytechnique ou un collège d’enseignement postsecondaire sont d’environ 10 000 à 12 000 dollars canadiens alors qu’ils sont à peu près deux fois plus élevés dans une université. Pour ceux qui ne peuvent payer les frais de scolarité, c’est une bonne option pour eux, car une fois qu’ils terminent un diplôme de deux ans, ils obtiendront au moins deux ans de permis de travail au cours desquels ils peuvent demander leur permis de résidence permanente. Quand ils deviennent citoyens canadiens, ils peuvent reprendre l’année 3 et 4 de leurs études pour terminer leur diplôme et ils payeront alors moins cher pour les frais de scolarité.
 
Toutes les institutions canadiennes demanderont désormais un frais de dossier, alors que c’était gratuit auparavant…
De nombreuses institutions canadiennes viennent à Maurice pour recruter des étudiants. Certaines ne demandaient jusqu’alors pas de payer les frais d’application ou de dossiers, mais le comportement des étudiants mauriciens les a forcées à imposer des frais de dossier car beaucoup d’étudiants postulent sans vraiment avoir l’intention d’y aller. C’est dommage que parfois seulement 10 % des candidats acceptent leur offre. Les étudiants mauriciens doivent donc être conscients que, bien que le service de l’Ovec soit gratuit, le service d’institutions étrangères ne l’est pas et peut être très coûteux. Les jeunes ont souvent tendance à ne pas apprécier tout ce qu’ils obtiennent gratuitement. Tout est pris pour acquis et beaucoup de personnes abusent parce qu’elles n’ont pas payé pour cela. Ce n’est pas parce qu’on ne paye pas qu’il faut abuser.
 
Ne pensez-vous pas que c’est aussi le facteur finance qui influence leur décision par la suite?
Parfois, des parents, même s’ils peuvent se le permettre, pensent qu’ils leur feront économiser de l’argent en envoyant leurs enfants faire leur premier diplôme dans les institutions locales qui ne sont pas si chères. Mais quand ces étudiants ne trouvent pas un emploi, c’est là qu’ils songent à les envoyer à l’étranger pour faire une maîtrise avec la possibilité d’acquérir une expérience de travail et de résidence peut-être permanente. Or, il pourrait être trop tard pour entrer au Canada facilement, parce que le Canada préfère des students fresh from school, c’est-à-dire qui viennent de quitter le cycle secondaire car ils seront formés selon la norme du pays qui a un objectif bien fixé pour sa main-d’oeuvre.
 
Que conseillez-vous aux étudiants dans ce cas ?
À ceux qui veulent avoir une ouverture, je conseille d’aller au Canada maintenant car une fois que ce pays aura obtenu la main-d’oeuvre dont il a besoin, il pourrait changer sa politique d’immigration et il sera plus difficile d’y entrer. Je pense aussi qu’il est plus facile pour un jeune de commencer un premier diplôme au Canada que d’aller directement à la postgraduation. Les parents doivent avoir une vision à long terme quand ils pensent à l’avenir de leurs enfants. L’option canadienne est actuellement ce qu’il y a de mieux, ils doivent en tirer le meilleur parti. Les parents investissent beaucoup dans l’avenir de leurs enfants. Je leur trouve des cours qui leur donneront les compétences techniques dont ils ont besoin. Je pense que le système d’éducation co-op au Canada est l’un des meilleurs moyens de les aider à décrocher un emploi plus rapidement.
 
Comment conciliez-vous le fait que Maurice veut devenir un Education Hub et vous envoyez les jeunes à l’étranger?
 
L’île Maurice ambitionne de devenir un Education hub dans la région mais il ne suffit pas d’encourager l’établissement de nouvelles institutions tertiaires ; encore faut-il savoir prendre la mesure de la logistique et l’accompagnement nécessaires à un projet d’une telle envergure. Beaucoup qui obtiennent leurs premiers diplômes à Maurice partent à l’étranger pour y faire leurs Masters car à Maurice la plupart d’entre eux ne trouvent pas d’emploi en raison d’un surnombre de diplômés locaux. Donc, les perspectives d’emploi très limitées à Maurice et la possibilité de faire carrière à l’étranger expliquent pourquoi des étudiants veulent aller ailleurs. Ces dernières années, à cause de cette demande, nous avons visité beaucoup de ces institutions canadiennes que nous représentons telles que Simon Fraser, Thompson Rivers, Capilano, Seneca, Humber, Alconquin, Fanshawe, UOIT de l’Ontario, Lasalle, Kwanlen Polytechnic, Mount Saint Vincent, Omni, Sprout Shaw, Ascenda, Centennial, Conestoga, Sias, Brock, Waterloo, Niagara, Saskatchewan Polytechnic, Manitoba et New Brunswick.
 
L’Ovec est aujourd’hui une référence en termes de counselling. Comment vous démarquez-vous ?
 
L’Ovec est bien plus qu’un endroit où on reçoit des conseils pour remplir un formulaire de demande d’admission. Nous avons des conseillers qui sont formés et envoyés régulièrement en stage dans les universités. Nous suivons les étudiants tout au long de leurs études et nous nous efforçons de résoudre les problèmes auxquels ils font face. Notre service exige un suivi méticuleux de tous les dossiers des étudiants, ce qui est un travail de longue haleine qui demande beaucoup de patience et de dévouement. Nous avons des échanges continus avec les écoles que nous représentons de même que des sessions de formation régulières à Maurice comme à l’étranger. Chaque année, nous accompagnons même certains étudiants vers les destinations nouvelles afin d’y faciliter leur adaptation.
 
Quels sont les développements à venir chez l’Ovec ?
 
Nous négocions avec nos partenaires pour encore plus de bourses pour nos étudiants brillants. Nous offrons déjà des bourses qui couvrent à 100 % les frais d’écolage pour certaines universités et à 60 % pour faire la médecine à la prestigieuse Nanjing Medical University. Il y a, de même, beaucoup d’autres bourses partielles dans diverses autres institutions. Afin de mieux informer les étudiants et leurs parents, l’Ovec organise deux salons des étudiants : l’un après les examens, les 29 et le 30 novembre au Flying Dodo Restaurant à Bagatelle, et l’autre en février 2015 tout juste après la proclamation des résultats. L’édition de février 2015 se tiendra au siège de la Mauritius Commercial Bank à la rue Sir William Newton, Port-Louis.

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