DR JEANETTE MANJENGWA (Institute of environmental studies, University of Zimbabwe) : « Les enfants particulièrement vulnérables aux effets du changement climatique »

Dans une interview accordée au Mauricien courant juillet, dans le cadre d’un atelier de travail visant à diffuser les recommandations de la Network of African Science Academies (NASAC) sur l’adaptation et la résilience de l’Afrique face aux effets du changement climatique, le Dr Jeanette Manjengwa, de l’Institute of environmental studies de l’University of Zimbabwe – et qui a mené une enquête dans les régions urbaines du Zimbabwe pour le compte de l’Unicef –, observe que les enfants sont particulièrement vulnérables aux effets du changement climatique car « ils sont en pleine croissance, physiquement et psychologiquement » et « sont dépendants des adultes, que ce soit pour les protéger ou comme point de repère ».
Quand on parle des effets du changement climatique, on met souvent l’accent sur les enfants en tant que premières victimes aux côtés des femmes et des personnes âgées. En quoi le sont-ils ?
Tout être vivant sur cette terre est affecté par le changement climatique. Quand on parle, on le fait au nom d’un groupe en particulier, et l’objectif est de sensibiliser tout un chacun sur la vulnérabilité de tel ou tel groupe et de la manière dont ceux-ci pourraient être affectés. Souvent, ce sont les plus vulnérables qui le sont. Il n’y a qu’à voir les catastrophes naturelles. On a toujours l’impression que ce sont les plus pauvres qui sont les plus affectés. Pourtant, une catastrophe peut frapper n’importe quel endroit à n’importe quel moment. Est-ce que ceux-là sont à la mauvaise place au mauvais moment ? En fait, tout le monde est affecté, mais c’est la manière de vivre ces conséquences et ce qu’on ressent qui diffèrent. Les plus vulnérables souffrent le plus et ceux-là sont souvent les femmes issues des milieux pauvres, parce qu’elles travaillent beaucoup et très dur. Mais aussi les personnes âgées, les personnes malades et, bien sûr, les enfants. Ces derniers sont particulièrement vulnérables parce qu’ils sont en pleine croissance, physiquement et psychologiquement. Ils sont dépendants des adultes, que ce soit pour les protéger ou comme point de repère.
 
En quoi le changement climatique peut-il altérer ou entraver le développement normal de l’enfant ?
Au Zimbabwe, nous avons fait une étude de la situation des enfants et nous avons remarqué que la sécheresse et les inondations, par exemple, ont une conséquence directe sur leur développement. Il faut savoir que le pays a connu une hausse des températures de 0,4° C entre 1900 et 2000. Le pays est devenu plus sec du fait du changement de la saison des pluies et de la pluviométrie que nous avons par rapport au passé. La tendance va vers une réduction des pluies, mais elles sont beaucoup plus intenses. Les périodes de sécheresse sont plus longues et plus fréquentes. Cela a un impact conséquent sur l’économie du pays, qui est principalement agricole. Près de 70% de la population rurale du Zimbabwe en dépend. L’effet que cela peut produire sur la production alimentaire a une conséquence plus néfaste sur la croissance des enfants, car elle entraîne la malnutrition.
Outre des problèmes au niveau du développement physique, parce qu’ils sont dépendants des adultes, qui eux-mêmes doivent lutter pour trouver de l’argent et de quoi les nourrir, ils subissent en outre des pressions psychologiques et émotionnelles. Les parents, souvent engagés à trouver des moyens pour faire face aux conséquences du changement climatique, ont recourt à la migration, laissant derrière les enfants, qui sont abandonnés à eux-mêmes. Ils recherchent des fois le soutien d’autres membres de la famille, d’Ong, voire du gouvernement et de l’église, y compris pour se nourrir. Certains sont appelés à se lancer dans des activités économiques pour soutenir leurs parents. D’autres sont menacés de le faire s’ils s’aventurent à donner des conseils sur ce qui peut être fait pour améliorer la situation. Les jeunes filles, elles, sont souvent mariées tôt. Nous avons recueilli des témoignages d’enfants affirmant être violées par leurs beaux-pères lorsque la mère part chercher de la nourriture. Le changement subi par leur environnement les expose à toutes sortes de dangers : blessures physiques, mauvaise santé ou même, des fois, la mort. Quand on parle d’inondations, il ne faut pas oublier que les infrastructures – comme les ponts, les chemins, les écoles, ou même les puits d’où est puisée l’eau potable – sont également détruites.

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