Dr Kaviraj Sukon (directeur général de l’Open University) : « Un “brand” pour l’éducation supérieure à Maurice »

Fondée en 2012, l’Open University of Mauritius (OU) se démarque des autres, et ce de par la manière dont ses cours sont dispensés. Adoptant la technologie pour permettre à ses étudiants d’apprendre en gérant leur propre temps, cette institution tertiaire s’engage dans la démarche d’une éducation de qualité et à être abordable pour tous. Elle compte à ce jour près de 6 000 étudiants inscrits à ses différents cours et, d’ici cinq ans, ce nombre pourrait atteindre 10 000. Une remise en question est primordiale pour l’OU, étant donné l’évolution du secteur de l’éducation tertiaire pour répondre à la demande du marché de l’emploi. Le directeur général de l’université a en ce sens avancé qu’il faudrait « créer un brand pour l’éducation supérieure à Maurice ».

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Depuis le lancement de l’Open University of Mauritius, nous constatons une hausse graduelle DU nombre d’étudiants. À ce jour, vous avez au moins 6 000 étudiants inscrits à vos différents cours. À quoi attribuez-vous cette hausse ?

L’Open University est bâtie sur quatre piliers, à savoir l’accessibilité, la flexibilité, la qualité et ses frais inférieurs par rapport à d’autres. Nous voulons que notre institution soit à la portée de tout le monde. Nous emmenons l’institution vers l’étudiant. Nous notons que les cours à temps partiel ne parviennent pas à attirer autant d’étudiants car ces derniers n’arrivent pas à l’université à temps. En étant flexibles, nous permettons aux employés, particulièrement les femmes qui travaillent et celles ayant des responsabilités familiales, d’étudier. En termes de qualité, l’OU est la seule université à Maurice à être certifiée ISO. Nous faisons partie de plusieurs associations. Ce qui nous exige à être conformes aux normes internationales.

Nous voyons que la plupart des cours sont à temps partiel et certains à plein-temps. Visez-vous principalement ceux qui travaillent déjà ?

C’est vrai que 90% de nos étudiants sont ceux qui travaillent déjà. Mais nous encourageons des jeunes, qui ont terminé l’école, de s’inscrire chez nous. D’ailleurs, nous avions un étudiant, classé au Higher School Certificate, qui étudiait chez nous. Même s’il pouvait le faire à plein-temps, il a choisi l’option d’apprendre et de travailler en même temps car c’est lui seul qui devait s’occuper de sa famille. À la fin, l’avantage de ce système est de permettre d’obtenir non seulement un diplôme mais également des “soft skills” et de l’expérience pour accroître son employabilité. Cela demande beaucoup d’efforts mais les résultats sont intéressants.

Le secteur de l’éducation tertiaire est de plus en plus compétitif avec le nombre croissant d’universités locales et étrangères. Pensez-vous que le marché est saturé ?

La philosophie de l’OU est fondée sur le fait qu’il y ait un manque d’universités à Maurice. Notre marché n’est pas mauricien mais africain. Je crois que nous devons créer un “brand” pour l’éducation supérieure, qui pourra attirer de nombreuses personnes. Si nous prenons l’exemple d’un enfant d’une famille aisée qui se prépare pour les études supérieures. Il va sans doute choisir une université étrangère et non locale. Pourquoi ne choisit-il pas une université mauricienne ? La raison, c’est que nous n’avons pas créé ce “brand” pour attirer nos jeunes. Je crois qu’en le créant, il nous faudra plusieurs universités pour répondre à la demande des Africains. D’ailleurs, notre avantage est notre position en Afrique dans plusieurs domaines, tels l’Ease of Doing Business et le Mo Ibrahim Index. En mettant en avant tous ces gains, l’étudiant sait que le pays qu’il a choisi pour ses études est sûr. De plus, l’atout principal de Maurice est que c’est un pays paisible. De plus, le gouvernement offre des bourses aux étrangers. C’est également un point que nous pouvons utiliser dans la création de ce “brand”. Nous devons aussi mettre en place une stratégie africaine. C’est ce qui permettra de faire de Maurice ce “hub” dont nous parlons souvent.

Que fait l’OU pour être une université de choix ?

Nous innovons continuellement. Nous offrons des cours avec des partenaires connus. Par exemple, nous offrons une maîtrise en Financial Analysis avec Willey and Sons qui permet aux étudiants de passer l’examen de Chartered Financial Analyst. Nous offrons aussi une maîtrise en Public Health avec l’Imperial College London classé parmi les cinq meilleures universités au monde.

Nous constatons des changements dans le secteur éducatif depuis quelque temps, surtout dans la manière d’étudier et d’enseigner. Que peut-on dire de l’OU par rapport à ces changements ?

Grâce à l’accès à l’Internet, les “Massive Open Online Courses”, gratuitement offerts par de grandes universités au monde, nombreux sont ceux qui peuvent étudier à leur guise. Ceci a joué un rôle important dans le développement de l’OU en créant une bonne image et ainsi attirer plus d’étudiants.

Que peut-on dire du pourcentage d’augmentation dans le nombre de vos étudiants depuis la mise en place de la mesure de l’éducation tertiaire gratuite ?

C’était prévisible avec la gratuité. D’ailleurs, nous avions prévu une augmentation de 50% dans la demande. Pour la rentrée d’août, nous prévoyons une hausse de 100% dans la demande pour obtenir un siège à l’OU. Notre journée portes ouvertes se tiendra le 29 juin pour permettre au public de prendre connaissance du fonctionnement de l’OU et aussi de permettre à ceux, qui veulent apprendre, de s’inscrire. Par ailleurs, lorsque nous avons lancé nos cours, nous avons un premier “batch” d’étudiants assez important. D’ailleurs, dans une publication de la Tertiary Education Commission, nous sommes déjà le numéro deux à Maurice s’agissant du nombre d’étudiants.

Avec la hausse DU nombre d’étudiants, auriez-vous assez d’espace pour aménager tout le monde, surtout pour les cours techniques ?

Nous n’avons pas de problème pour certains cours tels la gestion ou le marketing. Mais lorsqu’il s’agit des cours comme l’informatique, nous sommes obligés d’avoir un ratio d’étudiants par rapport à notre nombre d’ordinateurs. C’est pareil pour les cours de “design” et de graphique.

On parle souvent de « mismatch » sur le marché du travail. Les cours offerts par l’OU garantissent-ils à l’étudiant les compétences nécessaires pour affronter les défis de l’avenir ?

D’abord, nous devons pouvoir définir le terme “mismatch”. Il y a plusieurs aspects dans la problématique de “mismatch”. Enseignons-nous à une personne uniquement pour qu’elle puisse obtenir un emploi ? Si les universités commencent à faire cela, nous devrons arrêter de nombreux cours. Admettons que, par exemple, l’université arrête d’enseigner l’histoire ou la littérature car ceux qui apprennent les affaires ou la gestion ont plus d’opportunités d’emplois, est-ce que c’est ce que nous devons faire ? Nous ne voulons pas que cela se produise. Le gouvernement finance l’étude d’un enfant à partir du primaire jusqu’au tertiaire. Pourquoi l’employeur ne peut-il pas offrir à la nouvelle recrue une formation d’au moins six mois pour qu’elle soit employable ?

Avez-vous réduit le nombre de vos cours offerts ? Si oui, quelles sont les raisons qui ont poussé l’OU à prendre cette décision ?

Le nombre de cours augmente et diminue en fonction de la demande. Parfois, c’est aussi les règlements du gouvernement pour ne pas créer des chômeurs. Nous arrêtons certains cours pour quelque temps et on les réintègre à nouveau un peu plus tard. Je crois qu’un étudiant doit obtenir un emploi après un an. S’il n’obtient rien, nous arrêtons le cours. Quelques fois, nous avons aussi des problèmes avec l’assurance qualité. Il y a plusieurs facteurs qui déterminent si nous devons arrêter un cours ou non.

Avez-vous souvent des rencontres avec les différents secteurs pour prendre connaissance de leurs demandes ?

Nous tenons des réunions régulières avec des gens de différents secteurs. Nos programmes d’études sont souvent examinés par les acteurs de divers secteurs qui sont aussi membres de notre Advisory Committee. Ils sont aussi sur le conseil de l’OU.

Êtes-vous satisfait de votre nombre de doctorants à l’OU ?

Nous ne pouvons être satisfaits du nombre. Nous voulons que tout le monde dans le secteur de l’éducation tertiaire ait au moins un doctorat.

Vous souhaitez qu’il y ait plus de collaboration entre les chercheurs pour que la recherche soit plus percutante. Pensez-vous que nos recherches sont faites dans l’isolation ?

Les chercheurs sont connus pour ne pas être de bons communicateurs. Nous voulons établir une passerelle solide entre l’académie et l’industrie. De plus, nous voulons qu’il y ait un bon réseau de chercheurs pour améliorer l’impact de la recherche car elle est essentielle à la vie des citoyens et pour le développement du pays.

Qu’en est-il du financement de la recherche à l’OU ?

C’est déjà inclus dans notre budget. De plus, nous sollicitons des subventions pour avoir plus de fonds pour la recherche pour que chaque académicien puisse avoir un budget.

Vous avez des accords avec des universités étrangères. Comptez-vous aller sur cette même lancée ?

Nous continuerons cela car c’est très important pour le progrès de l’OU.

L’OU attire-t-elle des étudiants étrangers ?

Oui. Toutefois, nous n’avons pas encore commencé une campagne agressive en Afrique. Cela fait partie de notre plan stratégique.

Quelle est votre vision de l’OU pour les cinq prochaines années ?

Notre objectif est d’avoir 10 000 étudiants, dont ceux du continent africain.

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