DROGUE ET SIDA—PRISON OFFICERS ASSOCIATION:« La méthadone a fait ses preuves ! »

Depuis ce lundi 3 août, le débat autour du traitement alternatif que propose l’État aux Usagers de Drogues injectables (UDI) souhaitant se faire traiter à la méthadone a pris une nouvelle tournure, le ministre de la Santé Anil Gayan confirmant l’arrivée de deux nouveaux traitements : le Suboxone et le Naltrexone. Annonce favorablement accueillie par l’ensemble des travailleurs sociaux, qui se réjouissent de la venue d’alternatives. Soucieux, cependant des modalités restant à être définies (protocoles de distribution et formation du personnel paramédical, entre autres) et surtout « du coût qui devra être amorti par l’État pour offrir cette palette de traitements », ils ont aussi été reçus par le ministre Gayan, ce jeudi 6 août. Ce dégel dans les relations jusque-là tendues entre ces deux partenaires stratégiques a été, une fois encore, favorablement accueilli.
Parallèlement, deux autres entités, soit le parti Lalit et la Prison Officers Association (POA), se sont invitées au débat pour mettre les points sur les i. D’emblée, le syndicat des prisons a fait ressortir que depuis l’introduction de la méthadone dans le circuit fermé du système pénitentiaire en 2011 « auprès des détenus qui sont pour la majorité des consommateurs de drogues injectables, la répercussion a été plus que positive ». Siddick Lallmohamed, président de ce syndicat, soutient que « la situation était devenue intenable à un certain moment, quand la transmission du VIH/Sida prenait une courbe exponentielle, et l’on se demandait ce qui allait se passer quand la grande majorité des détenus serait porteuse du virus ! » Il ajoute : « Même si dans un premier temps nous avons enregistré des réactions réfractaires à la méthadone, force est de constater que le traitement a fait ses preuves. Aujourd’hui, l’épidémie a été contenue, mais cela ne suffit pas ! » (voir plus loin).
Imran Dhannoo, directeur du Centre Idrice Goomany (CIG), et Cadress Rungen, responsable du Groupe A de Cassis, gèrent tous deux des centres référents de patients souhaitant sortir de l’enfer des drogues. Comptant chacun une trentaine d’années dans le domaine, ils soulignent que le recours à la méthadone en 2006 était dû « à la situation explosive qui se dessinait avec la propagation du virus du sida par le biais de seringues souillées au sein de la communauté des UDI ». Pour rappel, le taux de contamination avait frôlé les 92 %… Nos deux interlocuteurs rappellent qu’ils n’étaient pas très enthousiastes au départ et que « certains d’entre nous étaient même contre ». Ce que confirme Danny Philippe, travailleur social anciennement attaché au Centre de Solidarité et membre de la National Prevention Unit (NPU) sous la direction du même Cadress Rungen, placé sous le ministère de la Sécurité sociale. Maintenant responsable de LEAD, Dany Philippe soutient que « c’était un mal pour un bien, car il nous fallait agir dans l’urgence pour contrer une épidémie de sida qui menaçait sérieusement la santé publique ».
Cadress Rungen poursuit : « Traitez-nous de naïfs, mais depuis que la drogue a frappé Maurice dans les années 80 avec les Amsterdam Boys et la Commission Rault, nous avons souhaité une Maurice « drug free ». Cependant, nous nous sommes rapidement rendu compte, les années aidant, que le trafic de la drogue était tellement lucratif que cela allait prendre des années pour s’en sortir ». Ils ajoutent : « Nous nous sommes documentés sur la question et nous nous sommes rendu compte que l’addiction était une pathologie, ce que confirme l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Et quand la problématique du sida est venue s’y greffer dans les années 2000, la donne a totalement changé et il a fallu s’adapter ». Dans la conjoncture, avancent ces trois travailleurs sociaux, « la méthadone a fait reculer le sida et, incidemment, le nombre d’UDI a considérablement diminué ». S’ils reconnaissent qu’il existe des failles dans le programme, « ce serait mentir que de dire que la méthadone a échoué ! ». Nos interlocuteurs sont d’avis que « puisque le nouveau régime estime qu’augmenter les options peut nous donner plus de chance de terrasser le problème de la drogue, nous ne sommes certainement pas contre ». Et d’ajouter : « Au contraire, nous saisissons cette opportunité de collaborer avec ce partenaire stratégique et prioritaire qu’est l’État ! »
Danny Philippe, qui oeuvre beaucoup plus auprès des jeunes à travers LEAD, rappelle que l’une des armes les plus performantes demeure la prévention. « Et, à ce sujet, nous déplorons le vide total dans lequel nous, travailleurs sociaux, nous retrouvons depuis trop d’années maintenant ». Il est soutenu dans ses propos par Imran Dhannoo qui souhaite plus d’interaction avec le public « notamment nos jeunes, via les écoles et les collèges de l’État plus précisément, car le privé nous a déjà ouvert ses portes ». Cependant, soutiennent-ils, « nous serions tristes d’apprendre que l’État travaille déjà sur un plan d’action sur la prévention sans nous consulter ; nous ne sommes pas des savants, mais nous avons des connaissances et de l’expérience à partager ». Ils poursuivent : « Nous sommes au stade de documentation sur les nouveaux traitements proposés. Selon l’avis général, le Suboxone et le Naltrexone ont fait leurs preuves. En revanche, rien n’a encore transpiré de l’État quant aux modalités de distribution. De même, il y a une question d’argent : la méthadone est, de loin, le traitement qui revient à moins cher à l’État et on souhaiterait aussi que le personnel qui sera amené à travailler avec ces futurs ex-toxicomanes bénéficie d’une formation soutenue. Cela pour ne pas se retrouver avec de nouvelles formes de discriminations dont sont trop souvent victimes les UDI… »
Au final, les trois travailleurs sociaux retiennent surtout de leur rencontre avec Anil Gayan que le dialogue a été renoué. « Nous sommes conscients des zones d’ombre qui demeurent. Toutefois, le ministre a été à notre écoute et nous pensons que nous allons dans la bonne direction. Nous n’avons aucun intérêt à être en opposition avec l’État, bien au contraire. » Pour sa part, Anil Gayan a laissé comprendre au Mauricien qu’il était également satisfait de la rencontre avec les travailleurs sociaux. « Il y a eu un partage d’informations et de points de vue ». Il a demandé aux ONG d’être « « accountable » envers l’État parce que chaque sou dépensé provient des deniers publics et que nous devons rendre compte au peuple… »

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