ÉCHIQUIER POLITIQUE : Les Finances au coeur de la crise

Depuis bientôt quinze jours, le ministère des Finances est pris dans une tourmente politique. La bronchite du ministre des Finances, Vishnu Lutchmeenaraidoo, a pris des proportions inattendues. Les dernières conjectures font que les relations auraient atteint bientôt le point de non-retour avec des risques potentiels de révocation en tant que ministre ou d’évacuation volontaire du maroquin ministériel à la fin de la visite d’État du président malgache ce dimanche. Le détail qui a mis le feu aux poudres demeure « le forfait de dernière heure » du Grand Argentier aux manifestations pour la fête nationale avec la visite officielle du Chief Guest. Au fil de la semaine écoulée, la tension est montée d’un cran avec un scénario optimiste d’un réaménagement des responsabilités ministérielles ou un cas de figure plus extrémiste de révocation pure et simple, laissant se profiler à l’horizon l’ombre d’une élection partielle à Piton/Rivière-du-Rempart (N°7). À ce jour, le Premier ministre et leader de Lalyans Lepep, sir Anerood Jugnauth, a évité de faire des commentaires publics sur cette crise politique qui couve, laissant le soin au leader du MSM, Pravind Jugnauth, de démêler cet écheveau. Mais l’heure de l’intervention de sir Anerood est sur le point de sonner car le coût des urgences aux Finances se compte désormais par milliards avec les échéances les plus délicates qui se précisent.
Des sources politiques se présentant comme étant bien renseignées indiquent que l’heure de vérité dans le cas de Vishnu Lutchmeenaraidoo approche très vite. La fin de la semaine a été marquée par une escalade car la première option d’un shifting of ministerial responsibilties voyant Vishnu Lutchmeenaraidoo occupant le maroquin des Affaires étrangères et Roshi Bhadain faire le saut des Services financiers aux Finances pourrait devenir caduque au vu des derniers développements. Un premier obstacle à ce face saving device avait été le fait que le retour d’Etienne Sinatambou au ministère des TIC fut contesté de manière virulente dans des cercles politiques aussi bien que dans le camp des fonctionnaires. Son track record lui porte préjudice.
À ce stade, une aile dure au sein du MSM, en attendant que la question soit abordée avec les autres partenaires de Lalyans Lepep, serait en faveur d’une décision ferme contre le Grand Argentier en vue de mettre un terme « à cette atmosphère d’instabilité au sein du gouvernement. » Toutefois, cette position, qui pourrait ouvrir la voie à une élection partielle au N°7, est remise en question par ce qui est présenté comme « le club des poules mouillées au Sun Trust » s’interrogeant sur la pertinence d’une élection partielle. Mais la décision demeure entre les mains de sir Anerood, qui, selon certaines sources, aurait déjà arrêté sa décision dans la conjoncture.
Les derniers soubresauts au sein de Lalyans Lepep, d’une part le cas Vishnu Lutchmeenaraidoo et d’autre part les démêlées du député Sangeet Fowdar avec la direction du Muvman Liberater d’Ivan Collendavelloo, sont suivis avec une attention redoublée et fébrilité par l’opposition, dont le Parti Travailliste et le MMM, qui se tiennent prêts à rebondir sur le terrain politique quinze mois après les dernières élections générales du 10 décembre 2014. L’effervescence est déjà palpable dans les milieux concernés.
Le début de la semaine devrait s’avérer déterminante pour Vishnu Lutchmeenaraidoo au sein du gouvernement, car en cas de divorce, sir Anerood ne compte pas prendre de risques inutiles en prenant sous son contrôle le ministère des Finances. Du même coup, il évitera de susciter de nouveaux chambardements au sein de son équipe gouvernementale en rangeant tout plan d’upgrading du ministre Bhadain aux Finances tout en s’appuyant sur une contribution collégiale pour faire avancer les dossiers.
Service civil : 8 000 postes vacants
Et ce ne sont pas des dossiers qui manquent au ministère des Finances. Une première urgence se dessine sous la forme du Capital Adequacy de la MauBank avec le Transfer of Assets de la Bramer Banking Corporation (In Receivership). Des indications sont que, tôt ou tard, cette banque devra avoir besoin d’une injection de capitaux de Rs 2,7 milliards pour respecter les Regulatory Obligations de la Banque de Maurice avec la disparition des receivables venant de la Bramer Bank et inscrits dans les livres de compte de MauBank.
La question qui se pose à l’hôtel du gouvernement est de déterminer le timing de cette importante opération financière, nécessitant du même coup la présentation et l’adoption des Estimates of Supplementary Expenditure (ESE) par l’Assemblée nationale. Un autre budget supplémentaire, lié à la création de la MauBank, soit une somme de Rs 500 millions représentant les Preemption Rights de la Poste au sein de la Mauritius Post and Cooperative Bank lors de la fusion en début d’année, attend d’être avalisé par l’Assemblée nationale à la rentrée.
Les malheurs de la MauBank ne s’arrêtent pas là. Car au terme d’une annonce budgétaire pour la promotion des Small and Medium Enterprises (SME), des fonds de Rs 2 milliards devront alimenter le réseau de guichets de PME à la MauBank chaque année sur une période de cinq ans, soit Rs 10 milliards au total. L’impatience est à son comble au ministère des Coopératives en vue d’assurer ce déboursement qui se fait toujours attendre.
Un autre dossier chaud aux Finances concerne l’enveloppe financière pour le paiement de la révision salariale aux fonctionnaires et employés des corps para-étatiques suite à la publication du premier rapport triennal du Pay Research Bureau (PRB). Cette échéance est prévue dans une quinzaine de jours, mais très peu d’indications ont transpiré quant aux intentions des Finances par rapport au PRB. À l’hôtel du gouvernement, l’on concède que « le dossier du PRB doit être handled with care » car tout faux pas pourrait coûter très cher.
Puis, il y a les préparatifs pour le budget 2016-17, dont la présentation est annoncée pour la fin de mai prochain. Deux indications officielles à ce jour, la date butoir du 7 avril imposée par le ministère du Service civil pour la soumission des Human Resource Proposals, soit la création de postes et le recrutement dans les ministères, et celle du 8 avril pour la soumission des mémoires au ministère en vue des consultations prébudgétaires.
La lettre circulaire N°9 de 2016 du ministère du Service civil en date du 10 mars établit les paramètres de ces Human Resource Proposals tout en rappelant que « Supervising Officers should encourage managers/supervisors of administrative units at all levels to continuously monitor staff requirements and ensure that individual officers have well-defined functions and tasks directed towards the accomplishment of organisational goals and objectives. »
Même si la lettre circulaire impose des conditions strictes au sujet de la création de nouveaux postes dans le Service civil, le président de la Fédération des Syndicats du Secteur Public (FSSP), Rashid Imrith, qui se bat depuis des années pour remplir les postes vacants, situe le problème. « Chaque année dans le Service civil il y a quelque 1 500 départs à la retraite. C’est la même chose dans les corps para-étatiques. Avec la politique restrictive en vigueur depuis 2006, il y a un retard de quelque 8 000 postes vacants à remplir et le maximum que peut compléter la Public Service Commission est de 1 500 chaque année. Tout le problème se résume à ce niveau », dit-il.
De son côté, le ministère de tutelle fait appel aux chefs de Cabinet pour qu’un accent particulier soit mis sur la formation dans le prochain budget. « Given that the Civil Service College is now operational, Supervsing Officers are also invited to ensure that sufficient provisions are made in their budget for the training of their officers by the College », note le ministère, qui met en exergue une directive du Procurement Policy Office privilégiant le Civil Service College comme la première option pour tout programme de formation…

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