ÉCONOMIE ET INFRASTRUCTURE : Le dernier diagnostic de la Banque mondiale

En parallèle aux conclusions des Article IV Consultations du Fonds monétaire international (FMI) devant être avalisées prochainement par le board, la Banque mondiale a procédé à un diagnostic de l’économie en vue de l’adoption du World Bank Country Partnership Framework pour la période couvrant 2017 à 2021. Ce document, qui doit être soumis officiellement bientôt, établit les priorités à être mises en place. Comme ce fut le cas sous le Systematic Country Diagnosis de 2015, la Banque mondiale mise sur « a selective and flexible programme » en vue d’atteindre les objectifs définis. Toutefois, la BM n’a pu s’empêcher de revenir sur l’urgence d’une réforme du système de pension et de mettre en garde contres les risques inhérents et les répercussions liés au problème du vieillissement de la population. Sur un plan plus global, cette institution internationale propose un Three-Course Menu pour traduire dans la réalité le projet d’intégration sociale. D’autre part, les procès-verbaux de la dernière réunion du Monetary Policy Committee de la Banque de Maurice font état des préoccupations par rapport au déficit des comptes courants pour cette année avec la mauvaise performance des échanges commerciaux. Pour les sept premiers mois de cette année, les dernières données de Statistics Mauritius indiquent un déficit commercial de Rs 53,7 milliards, soit une dégradation de plus de Rs 10 milliards par rapport à la période correspondante de l’année dernière.
Au chapitre des recommandations du Country Partnership Framework for Mauritius pour les quatre ans à venir, la Banque mondiale note que des réformes par rapport au système de protection sociale à Maurice doivent être envisagées. Mais avant d’en faire état, le document souligne sous l’item de Poverty and Shared Prosperity que sans le système de protection sociale actuellement en vigueur, l’état de la pauvreté aurait été plus conséquent à Maurice. « Government transfers made an important contribution to inclusive growth. Without Mauritius’ existing pensions and social assistance schemes, poverty would be significantly higher », rappelle le document.
La BM remet sur la table de discussions sa proposition de prédilection pour le targeting (ciblage) de la formule du système de pension. Cette suggestion devra remettre au premier plan les travaux avortés d’un comité officiel en vue de soumettre au gouvernement un rapport sur les options de réforme du système de pension. « Existing social protection systems reduce the level and depth of poverty but cannot fully compensate for the level of income inequality that the labour market generates. Overall, results could be improved if spending is better targeted to reach poor households and the system is made more efficient », s’appesantit la Banque mondiale.
Dans le sillage de cette analyse, le Country Partnership Framework 2017/21 aborde un autre dossier épineux sur le plan socio-économique tout en réclamant des mesures d’urgence pour parer à toute éventualité, soit la bombe à retardement du vieillissement de la population. « Ageing population has far reaching impacts across the society and the economy – reduction in labour supply, and substantial increase in public expenditure on pensions and medical and social care. Mauritius needs to put in place policies and mechanisms to prepare for these inevitable challenges », avertit la BM.
« Long-term prospects  are good »
Dans son constat général de l’évolution de l’économie, cette dernière n’occulte pas ses appréhensions devant les changements à venir dans le secteur des services financiers. Ce nouveau pilier économique fait face à des pressions non seulement avec les derniers amendements au traité de non-double imposition avec l’Inde, mais également « from other quarters », dont l’Organisation pour la Coopération et le Développement Économiques (OCDE), pour de nouvelles réformes. À ce titre, le cadre de partenariat préconise la prudence compte denu des ripple effects sur des paramètres économiques de premier plan.
« The financial and real sector linkages between the offshore sector and domestic economy, while known to be growing, also need to be better understood. At present, data limitations make it difficult to quantify how changes in the offshore financial sector would spill over into domestic credit conditions and the exchange rate, and hence growth and employment », soutient la Banque mondiale, même si en général « Mauritius’ economy has continued to expand at a steady pace. Growth was led by service activities, most notably the financial services, tourism, and ICT sectors. From an expenditure perspective, growth has continued to be underpinned by solid household consumption growth. » La Banque mondiale prévoit également un programme d’assistance technique en vue d’encadrer le gouvernement, la Banque de Maurice et la Financial Services Commission pour l’adhésion aux Key Recommandations du Financial Sector Assessment Programme (FSAP), plus particulièrement par rapport à la supervision des conglomérats financiers, « managing risks to the Global Business Sector, as well as financial inclusion ».
Le World Bank Country Part-nership Framework met l’accent sur la nécessité d’un programme de réforme structurelle pour atteindre l’objectif visant à faire partie de la high income economy league.  « Mauritius’ long-term prospects are good, although achieving its aspirations of becoming a high income economy will require bold reforms to address structural challenges such as mix of skills, and efficient public services and infrastructure, continued openness of the economy to international trade and investment flow and the conduciveness of the business environment for firms to use Mauritius as a regional base ».
Poursuivant son analyse, la Banque mondiale identifie trois impediments à une accélération de la croissance économique, à savoir, inadequate skills, des limitations sur le plan de la technology absorption et inadequate trade faciltation. À ce titre, une série de recommandations sont formulées dont :
— des réformes pour la libéralisation de l’espace aérien, une amélioration de l’efficience opérationnelle dans le port, soit au niveau du cargo handling, et la disponibilité d’affordable international bandwith pour faciliter cette intégration économique régionale. En ce qui concerne le port après l’échec des négociations avec Dubayy Port World Ltd, MSC, une des plus importantes conférences de lignes maritimes, aurait montré un intérêt pour la gestion d’une partie de l’infrastructure portuaire ;
— un renforcement des institutions engagées das la promotion des échanges commerciaux pour insuffler un nouvel élan au secteur des exportations ;
—  un accroissement du commerce et des investissements en vue de contrebalancer l’impact de l’élimination des accès préférentiels et ;
une amélioration de l’accès aux finances, que ce soit pour des investissements ou le working capital des Petites et Moyennes Entreprises (PME).
Le partenariat avec la Banque mondiale pour les quatre prochaines années s’articuleront sur trois « mutually reinforcing focus areas », notamment
— inclusive competitiveness avec pour objectifs une amélioration de l’environnement facilitant les échanges commerciaux et les investissements au niveau de la région et la mise en place de la base pour « unlock the potential of the Ocean Economy » ;
— fostering inclusion avec la poursuite des réformes du système d’éducation et « strenthening government capacity to develop policy options to increase the sustainability of pension programmes » et ;
— bolstering resilience and sustainability avec un reforcement de la gestion de l’eau, dont le contrat d’affermage suite au « design and contracting of a PPP approach » des opérations de la Central Water Authority et accroître la capacité des institutions pour appliquer une strengthened financial sector governance.

Que ce soit dans le World Bank Country Partnership Framework ou encore au sein du Monetary Policy Committee, l’évolution du déficit des comptes courants provoque des étincelles. La Banque mondiale relève que « the current account deficit, having shrunk markedly in recent years, is expected to widen modestly again on the back of higher global energy costs, and some recovery in domestic investment ».
Balance commerciale : détérioration
Les minutes of procedings de la dernière réunion du MPC de la Banque de Maurice révèlent que « preliminary estimates of Mauritius’ balance of payments point to almost a doubling in the current account deficit, from 4, 4 % of GDP in 2016 Q1 to 7,4% in 2017 Q1. The higher current account deficit would reflect a wider deficit on the goods account, emanating from falling exports and growing imports, albeit partly offset by a higher surplus on the services and income accounts. The country is expected to register a higher current account deficit of about 5 % of GDP in 2017 compared to 4, 3 % in 2016 ».
Les derniers chiffres du déficit de la balance commerciale tendent à aller dans le sens de la détérioration, avec la barre des Rs 100 milliards se profilant à l’horizon pour bientôt si un renversement de tendance n’intervient pas. Pour la période de janvier à juillet de cette année, le solde négatif des échanges commerciaux était de Rs 53, 4 milliards contre Rs 43,7 milliards pour la période correspondante l’année dernière. Lors des délibérations du Monetary Policy Committee, le gouverneur de la Banque de Maurice, Ramesh Basant Roi, concède que « domestic growth performance has been adversely affected by the performance of the exports sector ». La conséquence est que la Banque centrale a affiché la prudence en révisant à la baisse ses prévisions de croissance dans la fourchette de 3,6 à 3,8 % pour cette année, même si pour 2018, un optimiste 4,2% est de mise.
La seule note positive pour le mois de juillet dans les données préliminaires de Statistics Mauritius est que le déficit mensuel est inférieur cette année comparativement à l’année dernière. En juillet dernier, le trou dans la balance commerciale était de Rs 7,9 milliards contre 8,2 milliards à pareille époque l’année dernière. Ce signe d’amélioration s’explique par une réduction de la facture d’importation de Rs 15 milliards à Rs 14,7 milliards, alors que les recettes d’exportations sont restées sensiblement les mêmes à hauteur des Rs 6,8 milliards. Le coût des importations des machines et des biens d’équipements a chuté de quelque Rs 600 millions de juillet 2016 à juillet 2017, alors que la note pétrolière a augmenté de Rs 300 millions.
La conjoncture économique est également marquée par d’autres zones d’ombre, à savoir l’évolution du taux de change, avec des dégâts de la roupie forte sur le secteur des exportations, et le coût de plus en plus prohibitif des opérations de stérilisation des excédents de liquidité dans le circuit. Un premier bilan de la politique de subvention du taux de change de la roupie jusqu’à un maximum de Rs 2.50 par dollar américain devra être connu dans une dizaine de jours, avec le premier remboursement prévu au terme du mécanisme mis en place par le Conseil des ministres. Au cours de la période entre le 5 mai et le 22 août dernier, la roupie a connu une appréciation de 4,4% vis-à-vis du billet vert américain et de 4% par rapport à la livre sterling. Par contre, la roupie s’est dépréciée de 3,2% par rapport à l’euro. « On a real effective basis, the rupee appreciated by 5% during th first half of 2017 », confirme la Banque centrale.
Au 25 août dernier, le montant des instruments financiers émis pour la gestion des excédents de liquidités était de Rs 74,3 milliards, alors que les excédents de liquidités étaient de Rs 13,2 milliards, en progression par rapport à la moyenne des Rs 10,4 milliards pour la période du 20 février au 5 mai de cette année. Les derniers chiffres publiés par la Banque de Maurice en fin de semaine indiquaient que les excess cash holdings étaient de Rs 11 milliards à la mi-septembre, littéralement le double d’il y a un an, soit Rs 5,6 milliards au début de septembre 2016. Devant ce constat, la Banque mondiale avance que « monetary policy faces a continued structural challenge from excess banking system liquidity ».

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