Économie : Le casse-tête de la Grey List de la FATF

Après la réunion de Paris, pressions accrues sur Maurice “to address five identified strategic
deficiencies within agreed timeframes” pour un “Compliant Global Business Sector”

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Maurice logé à la même enseigne FATF, comme le Pakistan, l’Albanie, le Nicaragua, Myanmar et la Syrie

Le dossier de la lutte contre le blanchiment et du financement du terrorisme au premier plan du     programme de travail de la mission du FMI sur les Article IV Consultations de cette semaine

Les opérateurs de l’offshore souhaitent la mise mise sur pied d’une “Special Task Force with     a view to sorting the mess of the Grey List” pour éviter des “Ripple Effects” de l’Union européenne et de l’Inde

Maurice est sorti de la séance plénière de la Financial Action Task Force (FATF) se déroulant à Paris du 16 au 21 février avec une mauvaise note. L’économie fait partie de la “Grey List of jurisdictions with strategic deficiencies” en matière de lutte contre le Money Laundering et le financement du terrorisme avec pour compagnons de route, sur le plan international, des juridictions comme l’Albanie, la Barbade, la Jamaïque, Myanmar, le Nicaragua et l’Ouganda ou encore avec des Strange Bed Fellows du genre le Pakistan, le Zimbabwe, le Yémen, la Syrie, entre autres. Pourtant, la mission dirigée par le nouveau ministre des Services financiers, Mahen Seeruttun, avec le Chief Executive de la Financial Services Commission (FSC), Harvesh Seegoolam, propulsé entre-temps comme gouverneur de la Banque de Maurice, avait pour mandat de convaincre cette instance internationale que les mesures préconisées dans l’Action Plan suite au National Risk Assessment (NRA) étaient amplement suffisantes pour éviter l’inclusion sur la Grey List avec en prime une Increased Monitoring. De ce fait, il ne serait nullement exagéré d’affirmer que la Financial Services Commission aura un héritage difficile à gérer pour un secteur économique pourtant doté d’une croissance potentielle allant chercher dans le Double-Digit et quelque 15 000 White-Collar Jobs, bénéficiant de salaires rémunérateurs. D’autres sources avancent qu’avec la mission, dirigée par Lennart Erickson, dans le cadre des Aricle IV Consultations du Fonds monétaire international (FMI), démarrant demain, une opération de colmatage de la part de l’Hôtel du gouvernement est plus que nécessaire, vu qu’un des principaux items à l’agenda de ces discussions sur l’économie porte sur “the status of AML/CFT (anti-money laundering and counter financing of terrorism) and tax avoidance initiatives”. Cette question, d’une importance de plus en plus capitale, sera évoquée dès lundi matin lors de la première séance de travail de la mission du FMI au ministère des Finances. L’objectif est d’éviter à tout prix des commentaires défavorables dans le Staff Report qui sera avalisé en avril prochain par le Board du FMI.

D’autre part, le rendez-vous de la mission Erickson de mercredi matin à la SICOM Tower et à la FSC House à Ebène verra le FMI scruter un “update on compliance with Financial Action Task Force (FATF) and tax avoidance standards, Global Business Sector developments, including data collection advances, FSC staff analysis of GBC’s structure”. Les Findings du FMI sur l’état des lieux et les perspectives du secteur des services financiers pourraient peser lourd dans la balance.

Face aux conclusions des FATF Plenary Meetings de Paris, ayant pris fin vendredi, avec Maurice dans la Grey List of Jurisdfictions with Strategic Deficiencies, Lakwizinn de l’Hôtel du gouvernement préfère adopter une Damage Control Operation. Alors que la presse internationale faisait écho des dernières décisions de la FATF défavorables à Maurice, l’Hôtel du gouvernement, en particulier le ministère des Services financiers, a évité comme la peste, pour ne pas dire le coronavirus, d’utiliser le terme Grey List dans un communiqué officiel émis vendredi soir ayant pour thème “Mauritius’s progress in strengthening its AM/CFT Regime”. Le message transmis est que tout est pour le meilleur du monde pour Maurice.

Le ministère des Services financiers trouve que “the FATF noted that since the completion of its Mutual Evaluation Report (MER) in 2018, Mauritius has made progress on a number of its MER recommended actions to improve technical compliance and effectiveness, including amending the legal framework to require legal persons and legal arrangements to disclose beneficial ownership information and improve the processes of identifying and confiscating proceeds of crimes”. 

Poursuvant son analyse, le ministère des Services financiers va jusqu’à se féliciter du fait que “at the time of the adoption of its MER, Mauritius was rated largely compliant or compliant with only 14 of the 40 FATF recommendations. As at the date, that is within a period of one year, Mauritius has addressed 53 out of the 58 Recommended Actions contained in the MER. Today, we are largely compliant or compliant with 35 of the 40 recommendations, including the Big Six Recommendations.”

La délégation mauricienne, ayant fait le déplacement à Paris en vue de défendre l’intégrité de Mauric  e en tant qu’une Clean Financial Jurisdiction pour éviter de se retrouver en compagnie d’autres États qui sont pointés du doigt systématiquement sur le plan international, dont le Pakistan, le Zimbabwe, le Yémen et la Syrie, a dû prendre un “high-level political commitment” pour collaborer avec le TAFT et l’Eastern and Southern Africa Anti-Money Laundering Group (ESAAMLG) dans le cadre de la mise à exécution du plan d’action, comprenant cinq “Recommended Actions” Mais toujours aucune mention de la présence de Maurice sur la Grey List du TAFT dans cet exercice raté en partie de MOPO (Management of Public Opinion).

Par contre, le Website de la Financial Action Task Force est catégorique au sujet des Jurisdictions With Stategic Deficiencies, nécessitant un Increased Monitoring, dont fait partie désormais Maurice. “When the FATF places a jurisdiction under increased monitoring, it means the country has committed to resolve the identified strategic deficiencies swiftly within agreed timeframes and is subject to increased monitoring. This list is often externally referred to as the Grey List”, note la FATF tout en rappelant l’urgence de prendre des mesures correctives au sujet des lacunes identifiées selon un calendrier agréé et à être respecté scrupuleusement.

Les cinq lacunes majeures

Les cinq lacunes majeures identifiées lors de l’évaluation du dossier de Maurice à Paris et constituant la cause de l’inclusion dans la Grey List se décline comme suit : “demonstrating that the supervisors of its global business sector and Designated Non-Financial Businesses and Professions (DNFBPs) implement risk-based supervision ; “ensuring the access to accurate basic and beneficial ownership information by competent authorities in a timely manner”; “demonstrating that Legal Enforcement Agencies (LEAs) has capacity to conduct money laundering investigations, including parallel financial investigations and complex cases ; “implementing a risk-based approach for supervision of its NPO sector to prevent abuse for TF purposes”, et “demonstrating the adequate implementation of targeted financial sanctions through outreach and supervision.”

Dans la conjoncture, avec les pressions accentuées sur le front international et Maurice associé à d’autres juridictions à réputation douteuse, Lakwizinn de l’Hôtel du gouvernement pourra difficilement continuer à pratiquer la politique de l’autruche face aux sommations de la FATF, comme a tenté de le faire le ministère de tutelle avec son communiqué officiel, disant tout sauf l’essentiel de la Grey List. Pour sa part, le Website de la Financial Services Commission, d’habitude très rapide à la détente pour annoncer des Good News, n’en souffle pas un mot sur la réunion de Paris.

Toutefois, du côté de la FSC, institution devant assurer un rôle d’avant-garde pour faire sortir Maurice de la Grey List, le départ du Chief Executive, Harvesh Seegoolam, pour devenir le plus jeune gouverneur de Banque centrale, ne contribue nullement à résoudre cette équation épineuse. Dès le 1er mars, ces plus hautes fonctions à la FSC seront vacantes et très vite les autorités devront identifier un successeur avec pour mandat spécifique et prioritaire de “steer out the Mauritius’s jurisdiction out of the FATF storm”.

D’aucuns affirment que le gouvernement aurait dû  avoir logiquement déjà penser à un remplaçant au poste stratégique de Chief Executive de la FSC. Mais, jusqu’à la fin de la semaine, très peu de détails ont filtré quant à cette nomination d’autant plus que le poste d’Ombudsperson pour le secteur des Services financiers est également vacant avec le retour à Lakaz depart de Kona Yeruknondu en tant que First Deputy Governor. En tout cas, le nouveau Chief Executive de la FSC aura du pain sur la planche dès sa prise de fonctions.

Dans le camp des opérateurs du Global Business Sector, l’annonce de la décision de la FATF de placer Maurice dans ce groupe de 18 pays sous haute surveillance pour des écarts et manquements sur le plan de la lutte contre le blanchiment de fonds et le financement du terrorisme sur le plan international, tombe à une très mauvaise période. Néanmois, ce qu’ils craignent le plus concerne les Cascading Effects de cette décision, notamment du côté de l’Union européenne ou plus particulièrement de la Securities and Exchange Board of India (SEBI), qui veille au grain l’évolution de la situation à Maurice. Ce n’est pas le leader de l’opposition, Arvin Boolell, qui dira le contraire (voir déclaration plus loin).

« Laxisme
impardonnable »

Devant la gravité de cette décision de la FATF, des chefs de file du Global Business préconise la mise sur pied d’une Special Task Force, comprenant des officiels du gouvernement et des représentants du secteur privé “with a view to sorting the mess of the Grey List” pour éviter des “Ripple Effects” de l’Union européenne et de l’Inde. Ils mettent en avant le fait que jusqu’ici l’offshore affiche une croissance robuste alors que le tourisme et la manufacture sont sujets à des situations des plus aléatoires depuis plusieurs années déjà.

“As usual our approach to fundamental issues regarding AML/CFT has been very casual. It’s a fact ! Nous avons fait preuve de laxisme impardonnable même s’il était évident que la FATF reste très à cheval sur le front de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Nous n’avons pu su prendre les taureaux par les cornes. Definitely finding Mauritius on FAFT Grey List is not welcome. This move puts us in a very bad light. We are already facing a lot of challenges in Global business and this is going to pile on it. Furthermore, it’s being splashed in the press worldwide”, confie, désabusé, un opérateur du Global Business Sector.

À l’Hôtel du gouvernement, l’on s’évertue à mettre en avant en privé le fait que “l’inclusion dans la Grey List n’est pas aussi grave que la liste noire”, laissant voir qu’il y a encore du chemin à faire en ce qui concerne les Compliances imposées par la FATF. Mais cette Grey List est néanmoins considérée comme un avertissement administré au pays qu’il pourrait éventuellement figurer dans la Black List des juridictions à terme, faute de mesures correctives.

Ce dernier point de vue est partagé de manière quasi-unanime au sein du Global Business Sector, les opérateurs chevronnés concédant que “if  a country is unable to curb mushrooming of money laundering, it is shifted from grey list to black list by the FATF”. Mais les effets de la présence sur la Grey List pourraient donner lieu à des “far-reaching consequences” pour l’économie, outre l’image de marque à l’étranger.

“When a country comes in the Grey List, it faces many possible challenges like economic sanctions from international institutions, namely the International Monetary Fund, the World Bank, the African Development Bank, etc. as well as other countries. L’assistance financière sous forme de prêts pourrait s’avérer des plus compliquées de la part de ces institutions susmentionnées”, fait-on comprendre en ajoutant des risques de boycott.

“Avec l’Increased Monitoring, qui devient automatique dans le sillage de la Grey List, le plus à craindre pourrait se présenter du côté du secteur bancaire. There is a risk for banks in Mauritius of losing correspondent bank. All banking transactions emanating from Mauritius risk getting flagged and will be closely monitored. Also, investors might lose confidence in our jurisdiction. Déjà, depuis ces derniers mois, Singapour se présente comme un concurrent coriace avec le Business sur l’Inde en dépit des relations étroites entretenues”, s’inquiète-t-on.

En conclusion, comme pour rappeler que l’heure n’est plus à la complaisance institutionnelle, le mot d’ordre est que “we are on the Grey List now. No point of finding lame excuses or even bury our heads in the sands. We need to pull our socks.  It is high time the very best of Mauritians are trusted to sort this out  What we need is a special task force with the best brains from the sector working with the government to sort this mess. We need to help for the betterment of the sector”.

Affaire à suivre…

Arvin Boolell s’inquiète des retombées

Le leader de l’opposition, Arvin Boolell, s’inquiète de la décision de la Financial Action Task Force (FATF) d’inclure Maurice sur la Grey List en matière de lutte contre le blanchiment de fonds et le financement du terrorisme. Tout en dénonçant le laxisme du gouvernement de 2014 à 2018, il craint des décisions drastiques de l’Union européenne et de l’Inde avec des conséquences extrêmement graves pour le pays.

“L’inclusion de Maurice sur la Grey List met le secteur des services financiers en péril. Ce secteur génère une croissance annuelle de plus de 10% avec quelque 15 000 emplois à col blanc principalement. Le pays a été sanctionné en raison des Poor Results au chapitre de l’Effectiveness des mesures préconisées. Des problèmes se posent au plan des Legal Enforcement Agencies ou de l’identification des Ultimate Beneficial Onwers”, déclare le leader de l’opposition à Week-End.

“Mais les les conséquences de cette présence de Maurice sur la Grey List de la TAFT exigent que nous nous y attardons. Cette liste grise de la TAFT mène automatiquement à la liste noire de l’Union européenne. Les parlementaires européens ne vont pas tarder à réagir pour réclamer des décisions de Bruxelles contre Maurice. Il y a encore des risques du côté de l’Inde avec la SEBI en mesure de reléguer Maurice dans la catégorie II. Attention aux retombées sur les comptes courants et la balance des paiements !” a-t-il dit

“Il y a pire encore, c’est que la décision de Paris donne un bâton aux pays africains contre Maurice, surtout ceux qui partagent la thèse que Mauritius is bleeding Africa. Le Rwanda se positionne pour devenir un centre financier en Afrique. Maurice, avec son chapelet de scandales financiers, impliquant Alvaro Sobrinho, Jean-Claude Bastos ou autres Isabella Santos, court le risque de se voir traiter en paria dans le domaine des services financiers. Il faut se resaisir, car il y va de la réputation et de l’avenir de notre économie”, conclut Arvin Boolell.

Le compte est bon à la tête

de la Banque de Maurice

Le Chief Executive de la Financial Services Commission, Harvesh Seegoolam, portera à partir du 1er mars le chapeau de gouverneur de la Banque de Maurice. Considéré comme très proche du nouveau Grand Argentier, Renganaden Padayachy, il aura pour First Deputy Governor un ancien de la Banque centrale en la personne de Kona Yeruknondu. Ce dernier avait été nommé Ombudsperson pour le secteur des services financiers. Il effectue ainsi un come-back à la Bank of Mauritius Tower.

Tout comme indiqué dans la dernière édition de Week-End, le poste de Second Deputy Governor est revu à une Top Manageress de la Banque de Maurice, Sadna Sewraj-Gopal, qui cumulait également les fonctions de secrétaire du Board of Governors. Ce sera la première fois qu’une femme accède à d’aussi importantes fonctions dans le secteur bancaire.

L’actuel gouverneur de la Banque de Maurice, Yandraduth Googoolye et le Second Deputy Governor, Mahendra Punchoo, ont jusqu’à la fin de la semaine pour vider les lieux.

Entre-temps, en toute logique, la réunion du Monetary Policy Committee du mercredi des Cendres a été reportée à une date ultérieure. Mais aucune indication quant aux séances de travail au programme de la mission du Fonds monétaire internationale de la semaine.

L’ultime mission de Googoolye avec le transfert des Rs 18 milliards

Le ministère des Finances a établi un plan de remboursement d’une partie de la dette étrangère en anticipation avec le transfert de Rs 18 milliards du Special Reserve Fund de la Banque de Maurice. Le transfert a été exécuté en date du 11 décembre de l’année dernière avec un premier remboursement de Rs 7,1 milliards effectué en faveur de la Banque africaine de développement (BAD) en date du 31 janvier dernier, soit l’une des dernières missions de l’Outgoing Governor, Yandraduth Googoolye. Le reste du transfert du 11 décembre dernier, soit Rs 10,9 milliards, servira pour le repaiement de la dette étrangère jusqu’en décembre de cette année, avec les remboursements de la dette les plus conséquents devant intervenir au mois d’août avec Rs 5,5 milliards, en décembre avec Rs 2,3 milliards et en juillet avec plus de Rs 1 milliard.

Au terme des accords prêts avec les institutions financières, comme la Banque mondiale, la Banque africaine de développement (BAD) et la Banque arabe pour le dévloppement en afrique (BADEA), un préavis de 45 jours est imposé avant toute opération de remboursement en anticipation.

Le Morne : Maurice obtient gain de cause en arbitrage (Rs 2,8 milliards)

En début de la semaine écoulée, des réclamations de Rs 2,8 milliards logées par des promoteurs britanniques, de concert avec leurs partenaires mauriciens pour le projet du Morne Luxury Resorts, ont été rejetées en arbitrage par l’International Centre for Settlement of Investment Disputes (ICSID) de Washington, institué pour trancher des litiges portant sur des investissements. Dans un jugement majoritaire de deux contre un, l’ICSID est arrivé à la conclusion que les promoteurs du Morne Luxury Resort n’avaient pas les autorisations nécessaires pour mettre à exécution ce projet touristique susceptible de porter de graves préjudices au patrimoine culturel et historique que représente la région du Morne, présentée comme étant une maroons Republic du temps de l’esclavage.

Un autre aspect de ce jugement en arbitrage concerne les frais. Les promoteurs du Morne Luxury Resort, soit Thomas Gosling et consorts, avaient soumis une facture de 3,9 millions de dollars américains, soit  Rs 140 millions, dont 3,6 millions de dollars pour les Counsel Fees and Expenses. La note de frais du gouvernement, contestant ces réclamations, est de 5,3 millions de dollars (Rs 190 millions), dont 4,6 millions de dollars de Legal Fees.

L’ICSID a rejeté les réclamations des deux parties en soutenant que “the Tribunal considers it that each party pays its own costs related to the arbitration”. Par contre, elles devront financer à hauteur de 50% chacune les Arbitrators’ Fees and Expenses, qui font un total de 577 611.78 dollars américains, soit de l’ordre de Rs 2 millions.

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