EDUCATION : Primaire et secondaire en 2015, une occasion pour repenser l’école

Un des secteurs qui retiendra l’attention dès la reprise des activités en janvier est celui de l’éducation. En déphasage avec les besoins fondamentaux de l’apprenant, l’école mérite d’être repensée pour répondre aux objectifs d’un système éducatif qui devrait prendre en compte le contexte socio-économique du pays. La nouvelle ministre de l’Éducation, Leela Devi Dookhun-Luchoomun, dit vouloir aller dans ce sens. Il n’est pas certain qu’en 2015 l’école connaisse des changements en profondeur. Mais si le nouveau gouvernement maintient sa promesse d’en finir avec le CPE et d’appliquer  le 9-year schooling, il lui faudra ouvrir le chantier sans tarder. Et dans les semaines à venir, on saura aussi si celle qui a succédé à Vasant Bunwaree maintiendra ou pas le contesté Enhancement Programme au primaire. Ou encore l’examen national en Form III. Toutefois, ce qui est certain, le gouvernement réintroduira les subsides de 100% sur les frais d’examens de SC et de HSC pour tous, en 2015, nous a précisé Leela Devi Dookhun-Luchoomun. Mais déjà, cette formule ne fait pas l’unanimité auprès des syndicalistes du secondaire.
Passé les fêtes de fin d’année, la priorité des parents et responsables de quelques 210000 écoliers et collégiens sera axée sur les préparatifs pour la rentrée scolaire. Au primaire (avec 12 782 en Std I) comme au secondaire, l’admission en première année se fera le vendredi 9 janvier, tandis que la grande rentrée aura lieu le lundi 11 du même mois. Il ne fait aucun doute que dès la reprise des activités après la première semaine de janvier, le secteur éducatif retiendra l’attention de tous. Pour cause, il est attendu que le nouveau gouvernement apporte des changements significatifs pour améliorer le système éducatif dans son ensemble. La refonte du secteur devrait passer par l’application du 9-Year Schooling. Étendre les classes du primaire veut dire beaucoup plus que greffer trois années supplémentaires. Le 9-Year Schooling implique une réforme profonde à tous les niveaux – y compris la réforme des programmes et pédagogies – et qui ne sera pas sans impact, même pour la Std I. Si le tout nouveau gouvernement respecte son engagement d’introduire le 9-Year Schooling, il lui faudra s’y atteler maintenant! Et ce pour qu’en 2016, le Certificate of Primary Education soit réellement «chose du passé!»Même si le gouvernement fait montre de bonne volonté dans ce sens, techniquement, le 9-Year Schooling ne pourra être traduit dans la pratique en 2015.
En succédant à l’ancien ministre de l’Education, Vasant Bunwaree, Leela Devi Dookhun-Luchoomun, hérite d’un vaste chantier avec des concepts pour les uns contestables pour et les autres à être revus et repensés. Leela Devi Dookhun-Luchoomun, enseignante de profession et jusqu’à récemment présidente de la commission de l’éducation de son parti, le MSM, connaît bien ce secteur. Toutefois, la nouvelle locataire de la MITD House qui fait actuellement connaissance avec les lieux et les dossiers qui l’attendent, a expliqué à Week-End qu’elle préfère passer ce cap avant de s’exprimer sur les grandes questions dans l’éducation et les priorités figurant sur son agenda. Également ministre de l’Éducation supérieure, force est de constater que Leela Devi Dookhun-Luchoomun qui veut redorer le blason de se secteur, aura du pain sur la planche. Mais en attendant qu’elle nous livre les grandes lignes de sa politique et ses intentions pour la refondation méritée de l’école à Maurice, elle laisse entrevoir ses positions pour une éducation articulée autour du développement intégral de l’apprenant. «Il est grand temps que nous redonnions aux enfants leur enfance. Aller à l’école doit être un plaisir pour l’enfant. Nous devons nous assurer que l’école soit un moyen par lequel il peut développer ses talents, y compris académiques. L’école ne doit pas se focaliser uniquement sur les certificats et les résultats. Le développement global de l’enfant doit primer», déclare Leela Devi Dookhun-Luchoomun. Si cette dernière maintient sa vision de l’école pour dessiner les contours d’une réforme, il est attendu qu’elle applique une politique qui prendra en compte l’allègement du programme en upper primary. Les écoliers subissent des journées de plus en plus chargées et préjudiciables aux apprentissages. Un deloading du curriculum – longtemps réclamé par les enseignants des écoles primaires et leurs syndicats – favorisera indéniablement une meilleure concentration chez les enfants. Et leur épanouissement.
Subsides de 100%: un poids financier
Parmi les premiers dossiers auxquels Leela Devi Dookhun-Luchoomun devra s’attaquer, au plus tôt, est la réintroduction des subsides de 100% des frais d’examens de School Certificate et de Higher School Certificate de Cambridge: une promesse qui figure dans le manifeste électoral de l’actuel gouvernement. Car, dans trois mois, les parents dont les enfants prendront part aux épreuves de Cambridge au secondaire, seront appelés à s’acquitter des frais d’examens. Si, mardi dernier, la ministre de l’Éducation a confirmé à Week-End que cette mesure prendra effet en 2015, cependant, elle n’a pas expliqué les modalités qui seront appliquées. Tandis que le programme électoral souligne que la réintroduction des subsides de 100% concerne «tous les élèves sans distinction», la Union of Private Secondary Education Employees (UPSEE) et la Government Secondary School Teachers’ Union (GSSTU) émettent déjà des réserves sur ce point. «A priori, cette mesure va dans le sens de l’éducation gratuite, laquelle doit être accessible à tous. Cette décision convient aux foyers en difficulté financière et qui sont au bas de l’échelle, ainsi que ceux de la classe moyenne. Mais les high income earners, eux devraient payer la totalité des frais d’examens. C’est une promesse électorale, oui, mais elle ne sera pas sans conséquences, car nous savons que l’économie n’est pas au mieux de sa forme. Est-ce que la caisse du gouvernement pourra supporter le poids financier qu’implique cette mesure?», se demande Narendranath Gopee de la GSSTU. De son côté, Yayah Paraouty, président de l’UPSEE, pense «qu’à la fin du jour ce sont les contribuables qui finiront par financer» la promesse du gouvernement. Et d’affirmer : «L’école et le transport pour les étudiants sont déjà gratuits. Si les parents ne contribuent pas aux frais d’examens, on leur enlève une part de responsabilité dans l’éducation de leurs enfants. Ce n’est pas une bonne chose.» Les deux syndicalistes sont d’avis que la formule des subsides de 50% était efficace. «Et personne ne s’en plaignait», souligne le président de l’UPSEE. Nos deux interlocuteurs estiment que la ministre de l’Éducation devra expliciter, au plus vite, cette mesure pour dire si celle-ci se fera sous conditions et lesquelles. Par exemple, est-ce que les étudiants qui auront échoué aux examens en 2015 pourront bénéficier de cette mesure l’année suivante, s’ils optent pour une deuxième tentative?
Par ailleurs, toujours au chapitre du secondaire, la ministre sera appelée à valider ou abolir l’examen national en Form III. Cependant, si le gouvernement va de l’avant avec le 9-Year Schooling, cet examen – jugé impertinent et dont la finalité a été plus contestée qu’approuvée – ne devrait plus être d’actualité.
Enhancement Programme: avenir incertain
Le secteur primaire, en déphasage avec une approche moderne et plus humaine, présente les plus gros défis auxquels les autorités auront à s’attaquer si elles aspirent à une refonte pour renforcer la dimension d’égalité des chances. Favorable au 9-Year Schooling, le présent gouvernement l’a bel et bien inscrit dans son programme électoral. Mais, hormis la promesse de «remplacer le CPE par un examen de fin de cycle primaire moins stressant et introduire le nine-year schooling», on ne sait encore comment il compte s’y prendre. «Il faut commencer par des discussions avec tous les partenaires de l’éducation», explique Vinod Seegum, président de la Government Teachers’ Union (GTU). Cette première étape qui déboucherait sur des comités techniques prendra au moins six mois. Ensuite, une fois qu’il y a consensus sur la formule d’admission en septième année, le programme, la promotion des élèves à partir du Std I, la formation des enseignants, entre autres, il faudra amender la loi pour rendre le projet effectif. «Ce qui fait que le 9-Year Schooling ne pourra être appliqué en 2015», insiste Vinod Seegum. Et qu’en sera-t-il du Enhancement Programme? Concept introduit il y a quelques années maintenant, pour combattre les leçons particulières, le Enhancement Programme dont l’objectif est de renforcer l’apprentissage à travers des activités pédagogiques et ludiques, n’a pas connu un franc succès, d’autant qu’il n’a pas été adopté par des écoles dites star. Si l’ancien ministre de l’Education Vasant Bunwaree a toujours défendu ce programme allant même jusqu’à affirmer que celui-ci a contribué à l’amélioration de la performance des enfants au CPE, aucune évaluation nationale n’a été faite pour confirmer cet argument. Autre concept qui est en attente d’une évaluation en profondeur est la Zone d’Education Prioritaire (ZEP). Aux derniers examens du CPE, 619 des 1322 enfants ont pu décrocher leur certificat. Le taux de réussite global dans ce secteur stagne dans les 40%. Dix ans après l’introduction de la ZEP, les enseignants croient encore qu’une pédagogie différenciée pourra donner de meilleurs résultats qu’un programme adapté au mainstream. Sujet d’éternels débats, quand elle n’est pas marginalisée, la ZEP mérite une fois pour toutes une attention particulière et ne devrait pas être exclue des plans qui ont pour objectif une éducation de qualité.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -