En Inde, l’heure de gloire d’un bourreau sans remords

C’est sans état d’âme que Pawan Kumar s’apprête à pendre la semaine prochaine quatre hommes condamnés à mort pour le viol collectif d’une étudiante dans un bus de Delhi qui avait choqué l’Inde et le monde en décembre 2012.

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« Les personnes qui vont mourir sont des animaux, pas des humains », déclare froidement ce bourreau, fils et petits-fils de bourreaux, en recevant jeudi l’AFP dans son modeste appartement de Meerut, ville proche de la capitale New Delhi.

« S’ils étaient humains, pourquoi commettraient-ils un tel crime ? Ce sont des gens cruels et pour cette raison ils vont perdre la vie », assène ce père de sept enfants, qui à 54 ans procédera ainsi à sa première exécution.

Les quatre hommes qui doivent être pendus à l’aube dans la prison de Tihar de la capitale indienne le 1er février – mais l’exécution est susceptible d’être à nouveau reportée – font partie des six condamnés pour le viol et la mort de Jyoti Singh.

Le 16 décembre 2012 au soir, l’étudiante indienne sortait d’une séance du film « L’odyssée de Pi » dans un cinéma du sud de Delhi en compagnie d’un ami lorsqu’ils sont montés dans un bus privé géré par les accusés.

Les hommes ont tour à tour brutalement violé la jeune femme, la pénétrant avec une barre de fer, avant de la jeter sur la route en pleine nuit. Elle est morte de ses blessures deux semaines plus tard dans un hôpital de Singapour.

Ce fait divers sordide, touchant une jeune femme de classe moyenne, a provoqué des manifestations de dizaines de milliers de personnes à travers l’Inde, mettant en lumière le fléau souvent passé sous silence des violences sexuelles dans le pays de 1,3 milliard d’habitants.

Des six condamnés originels du « viol en réunion de Delhi », le meneur est mort en prison – suicidé, officiellement – tandis qu’un autre, mineur au moment des faits, a vu sa peine limitée en raison de son âge et a été libéré après trois ans de prison.

– Exécutions rares –

Peu de voix à travers la nation se sont élevées pour dénoncer le sort des quatre hommes. Des célébrations sont attendues et les médias indiens rapportent les moindres détails de la funeste préparation de l’exécution entre les épais murs de la prison.

Selon la presse indienne, les cordes seront frottées avec des bananes pour les adoucir. Les condamnés se sont effondrés en pleurs lorsque des responsables ont pris les mesures de leur cou.

Depuis qu’il a été désigné pour réaliser l’exécution, Pawan Kumar est un homme très demandé. Il met abruptement fin à l’interview avec l’AFP lorsque sonne l’alarme du compte à rebours de 20 minutes qu’il a enclenché sur son portable dès l’entrée des journalistes.

« J’ai des gens d’Inde et de l’étranger qui veulent me parler. Vous n’êtes pas les seuls », déclare sèchement le petit homme aux tempes grisonnantes, sous le regard de son garde du corps armé.

Chez Pawan Kumar, on est bourreau de père en fils. Son grand-père, qu’il décrit affectueusement comme son « gourou », a notamment pendu les assassins de la Première ministre Indira Gandhi, tuée dans sa résidence par ses agents de protection sikhs en 1984.

L’exécuteur se plaint que son salaire de 5.000 roupies par mois (63 euros) n’est pas suffisant pour entretenir sa famille et le force à solliciter de l' »aide ». Les médias souhaitant l’interviewer se voient demander de l’argent de façon plus ou moins explicite. L’AFP a refusé de payer.

Pawan Kumar escompte beaucoup de la notoriété que lui apportera cette exécution.

« Les gens autour de moi, dont ma famille, m’ont toujours bien traité, mais après cette exécution je suis certain que le respect pour moi grandira », assure-t-il.

Son travail ne lui pose aucun problème moral, pas plus qu’il ne s’interroge sur l’efficacité de la peine de mort, et il attend de ses fils qu’ils suivent la même voie.

Près de 400 condamnés attendent actuellement dans le couloir de la mort en Inde mais le géant d’Asie du Sud procède rarement aux exécutions, les réservant aux cas emblématiques. La dernière pendaison en date dans le pays remonte à 2015. Les peines capitales sont généralement commuées en prison à vie.

« Les crimes ne diminueront que lorsqu’il y aura des exécutions. Vous les condamnez à la prison à vie, ils font appel, ils sortent et commettent de nouveaux crimes », estime Pawan Kumar.

« Les gens comme eux devraient être exécutés pour que les autres retiennent la leçon que faire des choses comme ça aboutit à cette fin ».

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