En rire ou en pleurer

Vraiment, on ne sait plus s’il faut en rire ou en pleurer. Surtout depuis que le feuilleton sur les recrutements effectués sous l’ancien ministre dit de la Bonne Gouvernance a démarré. L’opération de déshabillage entre complices d’hier et adversaires d’aujourd’hui ne fait que commencer et les épisodes à venir s’annoncent épiques, voire sanglants. 

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Alors que ce dont il faut réellement s’inquiéter, ce n’est pas seulement du profil des protagonistes impliqués, mais du système pourri, parce que c’en est un, savamment mis en place, aux antipodes de ce qu’est la notion la plus élémentaire de la bonne gouvernance,  pour caser copains, affairistes et coquins coûteux pour les contribuables. 

Dans l’affaire des recrutements, comme ils étaient tous logés à la même enseigne, il n’y a rien d’étonnant qu’ils se rejettent la responsabilité des entorses relevées. Et qu’ils s’accusent mutuellement. Qui, dans le gouvernement issu des élections de décembre 2014, n’a pas procédé à l’embauche d’un membre de sa famille, d’un agent de sa circonscription ou qui n’a pas facilité l’obtention de contrats et de permis pour leurs proches et activistes ? 

Lekip Lepep n’a, certes, rien inventé, puisque sous le gouvernement qui l’avait précédé, on avait assisté à un festival de la terre, à la cession d’îlots aux copains, à des bourses détournées, à la délivrance de permis et de contrats aux proches parents des ministres. Mais il apparaît assez nettement aujourd’hui que Lekip Lepep a, depuis le dernier scrutin, affiné le système, toujours plus gourmand et plus scandaleux. 

Roshi Bhadain n’a donc pas fait mieux ou moins que Pravind Jugnauth et Akilesh Deerpalsing n’est pas plus vertueux que le fils d’Ashit Gungah, nominé politique, comme lui, recruté aux Services financiers. Tous logés à la même enseigne. Que l’ICAC, elle-même dirigée par un nominé politique, ait mis du temps à découvrir que les recrutements connaissaient un rythme accéléré est certes surprenant, puisque c’est depuis 2017, après le changement de direction de la FSPA, que certains recrutements avaient été dénoncés et une enquête réclamée. Toutefois, l’ICAC étant d’une efficacité à toute épreuve, elle a eu besoin de deux ans pour procéder aux premiers interrogatoires ! Cela n’empêche pas le phénomène du placement des proches de se poursuivre toujours à une belle cadence, comme si, à l’approche des élections, il fallait faire quelque chose pour ceux qui ont trop longtemps attendu leur “boutte”.

Le ton de la culture du “boutte” avait d’ailleurs été donné très tôt après les élections. En janvier 2015, Pravind Jugnauth, alors ministre des TIC’s, assurait, de manière très solennelle, que ceux qui n’avaient pas été “casés” devraient faire preuve d’un peu de patience et que ceux qui sont restés fidèles au MSM ne seraient pas “oubliés”. C’était lors d’une réunion au Sun Trust. 

Tous avaient alors applaudi, à commencer par les ministres MSM, Roshi Bhadain en tête, et les autres partis de Lalians Lepep, eux aussi pressés de nommer leurs protégés à des sinécures juteuses. Le ministre des Services financiers et de la Bonne Gouvernance, qui était alors le blue-eyed boy de la galaxie Jugnauth, avait eu carte blanche pour former son bataillon de fidèles, totalement acquis à sa cause et à ses méthodes. 

Son chef agent de campagne à Sodnac, Akilesh Deerpalsingh, fut une des premières recrues dont le salaire et les voyages furent longtemps cachés aux parlementaires qui ont dû attendre que le ministre de tutelle ne fut pas au pays pour obtenir des réponses. La bonne gouvernance, tu parles ! Puis, une succession de nominations les unes plus scandaleuses que les autres. 

Pendant que le Sun Trust pistonnait le fils du ministre Gungah, la nièce de Vishnu Lutchmeenaraidoo, l’ancien bras droit du gouverneur Manou Bheenick et la fille du cousin de Lady Jugnauth, Nayen Kumar Ballah, à la “Bonne gouvernance”, la machine à recruter fonctionnait à plein régime. Et il n’y avait pas n’importe qui sur la liste. Sameerah Shaikmamode, qui était aux Bhadain Chambers, fut nommée PRO du ministère ; Benito Elisa, celui qui s’occupait des comptes du MSM à la Bramer Bank, vidés quelques jours avant la résiliation de sa licence bancaire et qui provoqua le départ d’Antoine Domingue de la SICOM après qu’il eut demandé des renseignements sur les honoraires de l’avocat, Guillaume Ollivry, lui aussi des Chambers et voisin, et Fabiano Balisson, un habitant d’Albion qui avait milité contre City Power.   

Il y a aussi eu Cora Ng, une ancienne de Marcom (BAI) nommée pour faire démarrer sur les chapeaux de roue la Financial Services Promotion Agency, que pilotait Harvesh Seegoolam. Elle fut détachée pour mieux caser les siens. Comme Joy Neeraye, connu pour être un travailliste pur jus, mais qui avait été jugé tellement “performant” à la MBC qu’il fut nommé Senior Communication Officer à la FSPA. Et c’est aussi sans compter tous les autres postes moins visibles qui ont été créés et attribués aux agents de la circonscription. 

Ce n’est pas donc pas ici que nous allons faire un tri entre les plus innocents et les moins coupables en matière de recrutement. Tous coupables d’avoir fait fi des règles équitables et transparentes en terme de recrutement. Nous avons depuis longtemps décidé de prendre avec beaucoup de pincettes les gesticulations récurrentes de girouettes et les spécialistes de l’enfumage.

Qui, aujourd’hui, refusent de dire s’ils ont rencontré Navin Ramgoolam, peut-être pour discuter du Integrating Reporting and Good Governance Bill ou du meeting du 13 décembre 2017 où, dans les derniers jours de la campagne électorale, c’est en projection powerpoint et documents à l’appui que le candidat Bhadain avait dénoncé les”commissions”, le campement de Roches-Noires acheté avec “les contributions de la BAI” ? Et dire qu’on a parlé de ceux-là comme la nouvelle génération de politiciens. Ils sont, en fait, pires que les “dinosaures” qu’ils dénoncent. 

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