FISCALITÉ INTERNATIONALE—PASCAL SAINT-AMANS (OCDE): « Les sociétés mauriciennes devront revoir leurs modèles d’affaires »

Les sociétés opérant dans le secteur du Global Business à Maurice devront revoir leurs modèles d’affaires afin de s’intégrer dans le nouvel environnement fiscal international découlant des changements apportés sous le projet BEPS (Érosion de la base d’imposition et le transfert des bénéfices) élaboré par l’Organisation pour la Coopération et le Développement économique (OCDE). Tel est l’essentiel du message transmis aux opérateurs de ce secteur par Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE, lors de son intervention à la conférence organisée par la branche mauricienne de l’International Fiscal Association (IFA), à l’hôtel Sofitel.
Un nouveau cadre réglementaire régissant la fiscalité internationale est mis en place, a indiqué Pascal Saint-Amans, et il revient aux sociétés opérant dans le secteur du Global Business à Maurice de réfléchir comment apporter davantage de valeur ajoutée à leurs activités locales. Pour le responsable de la politique fiscale de l’OCDE, la création d’activités de substance est « primordiale ». Il s’est dit confiant que les opérateurs locaux « sauront saisir les opportunités qui seront créées » à partir de la mise en oeuvre du projet BEPS. Pascal Saint-Amans a fait comprendre que « le BEPS apportera des changements conséquents dans le fonctionnement du système fiscal international » et qu’il vise à arriver à plus de transparence dans l’application des dispositions fiscales et l’imposition des multinationales.
À l’OCDE, on soutient que le BEPS a pour but de lutter contre l’érosion de la base fiscale et les transferts de bénéfices. En fait, sous le BEPS, les bénéfices sont imposés là où les activités économiques générant ces bénéfices sont réalisées. Plus d’une centaine de juridictions seront appelées début juin 2017 à adopter une convention multilatérale destinée, comme le souligne l’OCDE, à « fermer les brèches et à améliorer le fonctionnement du système fiscal international ». Sous ce nouvel instrument multilatéral, des normes minimums sont prescrites pour prévenir l’utilisation abusive des conventions fiscales (telles les traités de non-double imposition), tout en améliorant les mécanismes de règlement des différends et en offrant la flexibilité nécessaire pour accommoder les différentes politiques fiscales spécifiques. « Cet instrument multilatéral peut paraître compliqué mais il n’est pas complexe », fait ressortir Pascal Saint-Amans. Il y aura, selon lui, un certain nombre de normes de base à respecter.
Pour le directeur du Centre de politique et d’administration fiscale de l’OCDE, les autorités fiscales et les contribuables se doivent de créer les conditions afin que toutes parties concernées soient en conformité avec le nouveau système fiscal international. Tous les pays, au moins une centaine, impliqués dans la mise en oeuvre cohérente du BEPS seront « sur un pied d’égalité ». C’est ce qu’a fait comprendre de Pascal Saint-Amans.
Le représentant de l’OCDE a insisté sur ce qu’il appelle la « tax certainty » tant pour les autorités fiscales que pour les opérateurs économiques. Il s’est aussi appesanti sur l’échange automatique de renseignements, dont les dispositions réglementaires entreront en vigueur l’année prochaine. Il est d’opinion que cela aura un impact sur l’industrie des services financiers, le contribuable aussi bien que sur l’administration fiscale. Il a félicité Maurice pour avoir pris la décision de se conformer aux dispositions du BEPS.
Présidée par Rajesh Ramloll, dirigeant d’IFA-Maurice, la conférence a été également marquée par l’intervention du Professeur Jeffrey Owens, directeur du Global Tax Policy Centre de Vienne et ancien responsable de la division de politique fiscale de l’OCDE. Le Professeur Owens a parlé d’un climat d’incertitude aux plans politique et économique, plus particulièrement de la montée du nationalisme, d’un sentiment d’antimondialisation, des décisions imprévisibles du côté des États-Unis et du Royume-Uni, des désordres au Moyen Orient. « Il est difficile aujourd’hui de faire des prédictions quant à l’évolution de l’économie internationale », a-t-il déclaré. Cependant, en cette période d’incertitude, il y a des « bright spots ».
Le Professeur Owens a fait état des perspectives intéressantes du côté du continent africain, et ce même si les problèmes de corruption, de manque d’infrastructures sont toujours présents. Il a également parlé des taux de croissance économique élevés en Inde et en Chine, mais il s’inquiète de la faible progression de la productivité, de la fragmentation numérique et des retombées néfastes sur l’emploi. Dans des moments pareils, a-t-il poursuivi, il faut éviter les « tax uncertainties ». Une mauvaise politique fiscale peut agir comme un frein à l’investissement, en particulier à l’investissement étranger. Ce qui, soutient le Professeur Owens, affectera la croissance et l’emploi.
Il a, en conséquence, plaidé pour des consultations approfondies entre les autorités fiscales et les contribuables sur la voie à suivre, arguant que les législations fiscales ne doivent pas être rédigées « in an ambiguous way ». Le Professeur Owens souligne qu’il faut éviter de légiférer avec effet rétroactif et que c’est uniquement le ministre des Finances qui doit détenir des pouvoirs discrétionnaires en matière de fiscalité.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -