FORUM DE L’ÉDUCATION—AMEENAH GURIB-FAKIM:« Sommes-nous conscients de notre devoir envers nos enfants et la société ? »

« La famille est un asile pour l’épanouissement de l’enfant. Sommes-nous conscients de notre devoir envers nos enfants et envers la société ? ». Cette interrogation de la Présidente de la République, Ameenah Gurib-Fakim, était adressée ce matin aux parents présents à un forum sur l’éducation à l’auditorium Octave Wiehe, à Réduit. Organisé par les Maisons Rurales Familiales (MFR) de Maurice, Ong offrant des formations professionnelles aux jeunes n’ayant pu s’adapter au cursus académique normal, ce forum avait pour thème cette année “Famille et Éducation”. Le président des MFR de Maurice, Philip Ah-Chuen, devait faire un plaidoyer pour que ces formations professionnelles soient reconnues par l’État, comme tel est le cas pour les MFR de La Réunion et de France. Pour sa part, le directeur des MFR (Réunion), François Antier, a souligné que « chaque jeune accueilli par une MFR est un jeune de moins dans la rue ».
La présidente devait d’emblée féliciter le président des MFR de Maurice pour « son engagement envers les jeunes, surtout les plus défavorisés ». Elle s’est dite d’avis que toute la nation devrait se sentir concernée par le thème du forum. La famille, dit-elle, « est le fondement même de notre société » alors que l’éducation « est le moteur du développement ». Pour la chef de l’État, la famille revêt toute son importance dans la vie d’un enfant. Elle est « comme un asile pour son épanouissement, un petit nid où il se sent protégé et aimé ». Interrogeant les parents présents dans l’auditorium, elle devait sonder : « Sommes-nous conscients de notre devoir envers nos enfants et envers la société ? Notre rôle est pourtant évident : les aider à réaliser leurs rêves et leur donner de bons conseils. » Elle constate : « Beaucoup de familles à Maurice ont abdiqué de leurs responsabilités. Elles pensent, à tort selon moi, que cette responsabilité revient à l’école. Il y a une érosion des valeurs. La famille semble avoir perdu son importance. » Et de citer comme exemples des cas de mineurs violés, des agressions contre des enseignants et des médecins… « Voici l’image que nous avons de l’île Maurice moderne, qui veut se faire une place parmi les grandes nations », devait-elle ironiser avant d’interroger : « Pourquoi en sommes-nous arrivés à ce stade ? » Les professionnels, pourtant, n’arrêtent pas de tirer la sonnette d’alarme, ajoute la Présidente de la République. « L’État ne peut tout faire seul. Nous devons instaurer un climat familial. Des centaines de familles sont dans situations précaires vivant des problèmes tels l’alcool, le divorce. Pourtant, les moyens existent et ces situations ne sont pas irréversibles ». C’est là, souligne-t-elle, que des Ong comme les MFR ont pleinement leur rôle à jouer.
La Présidente de la République devait par ailleurs souligner que les problèmes familiaux sont loin de ne concerner que les milieux dits défavorisés. Si son but ne consiste pas à donner des leçons, comme elle devait le souligner, la Présidente a tenu à prendre son propre exemple pour montrer de quelle manière sa famille l’a aidée dans sa réussite. « Moi-même, je viens d’une famille modeste, mais j’ai eu la chance d’avoir des parents qui avaient une vision pour leurs enfants. Grâce à leur affection et à leur encadrement, nous avons réussi. » Citant La Rochefoucauld, elle devait dire : « L’éducation est une assurance pour la vie et un passeport pour l’éternité. »
De son côté, Philip Ah-Chuen, président des MFR de Maurice, a souligné que l’Ong offre une deuxième chance « à nos jeunes qui, par manque d’encadrement, ne peuvent plus suivre le cursus normal » dans nos écoles. « Ce n’est pas normal que plus de 30% de nos jeunes échouent au CPE. » Raison pour laquelle les MFR les accompagnent, eux et leur famille. « Nous croyons beaucoup dans les familles et dans le potentiel des jeunes. »
Les MFR offrent une formation par alternance, ce qui permet aux jeunes de suivre une semaine de formation à la MFR et une autre en entreprise ou dans des hôtels. « Ils sont encadrés par des maîtres de stage et, grâce à ces professionnels, ils arrivent à trouver leur vocation et devenir eux aussi des professionnels. Grâce aux MFR, ils arrivent à réussir autrement. Et pourquoi pas devenir des chefs d’entreprise dont le pays a besoin, car nous avons un manque de main-d’oeuvre qualifiée. » Et de plaider enfin pour que les formations dispensées par les cinq MFR de Maurice et les deux autres de Rodrigues soient accréditées par l’État.
Quant au représentant du Decentralised Cooperation (DCP) Program de l’Union européenne, Karounen Valaydon, il a indiqué que l’Union européenne a toujours soutenu les MFR. La DCP avait un budget de Rs 480 M pour divers projets entre 2005 et 2010, enveloppe qui passe à Rs 230 M pour la période 2011-17. Il a annoncé qu’un troisième programme, dont le budget provient des fonds inutilisés dans d’autres programmes, totalisant la somme de Rs 230 M, sera bientôt disponible. « Un appel à projets sera lancé avec Rs 4 M par projet. Seuls ceux les plus fiables seront retenus. »
Le directeur des MFR de La Réunion, François Antier, a fait un rappel historique des MFR, qui existent depuis 50 ans à l’île soeur et 80 ans en France. Dans ces deux cas, dit-il, les formations sont sanctionnées par un diplôme national. Cela « démontre la qualité et l’employabilité de ces personnes ». Alors qu’à Maurice et à Rodrigues, les formations touchent l’agriculture et l’élevage, la mécanique automobile, la maintenance, les métiers de l’hôtellerie et les services, à La Réunion, les secteurs cibles sont l’environnement, le tourisme, la santé et, même, l’aéronautique. Pour M. Antier, « chaque jeune accueilli par la MFR est un enfant de rue de moins, un délinquant de moins et un enfant qui deviendra un citoyen ». Il a lancé un appel à la Présidente de la République mauricienne afin de plaider pour qu’il y ait « un regard nouveau sur les MFR car, à Maurice, ces maisons ont beaucoup de choses, mais il leur manque le principal : les moyens ».

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