FRET AÉRIEN (CARGO DE FRAUDES) : La proximité délibérée MK-Cargotech à l’index

Alors que les limiers du Central CID, sous la supervision de l’assistant commissaire de police Heman Jangi, passent en revue les premiers éléments du Forensic Audit and Expert Witness Report sur ce qui est connu comme « le cargo de fraudes et d’irrégularités » chez Air Mauritius Cargo, le principal actionnaire de Cargotech, Kishore Beegoo, passe à l’offensive. D’abord, un point de presse en début de semaine, puis un communiqué fleuve en fin de semaine pour dénoncer « un règlement de compte » venant de l’hôtel du gouvernement. Contestant les conclusions de ce rapport soumis au Central CID, Kishore Beegoo réclame d’urgence l’institution d’un Fact Finding Committee pour faire la lumière sur la proximité délibérée alléguée entre Cargotech et la Cargo Division d’Air Mauritius. Toutefois, d’autres éléments relevés dans le Forensic Report sur le fret présentent des caractéristiques accablantes pour la connivence alléguée entre ces deux parties. En passant, un Senior Manager de la compagnie aérienne nationale, Rajnish Lutchoomun, est épinglé sous les dispositions de la Prevention of Corruption Act pour un voyage d’agréments en Inde en compagnie des membres de sa famille tous frais payés par le General Sales Agents Cargo d’Air Mauritius en Inde.
Un des points de discorde entre Kishore Beegoo et les conclusions du rapport d’audit sur le fret aérien porte sur les incentive agreements en faveur de Cargotech. L’ancien Board Member d’Air Mauritius, qui pourrait se retrouver très vite sous le coup du délit allégué de conflit d’intérêt sous la POCA, se défend à ce chapitre. « Entre 2007 et 2009, Cargotech a retiré une partie de son business chez MK et l’impact négatif sur le chiffre d’affaires de MK est connu. Le chiffre d’affaire que MK réalisation grâce à Cargotech est passé de Rs 92,7 millions à Rs 36,3 millions », soutient le communiqué de cette société transitaire.
Poursuivant, Kishore Beegoo affirme que « lorsque les responsables de MK ont été éveillés aux réalités et exigences du marché, ils sont venus d’eux-mêmes chez Cargotech pour proposer une tarification incitative pour être de nouveau au niveau du prix du marché. La preuve que Kishore Beegoo n’entendait user sa position pour retirer des avantages en faveur de Cargotech ».
Toutefois, la version des faits consignés dans le Forensic Report au chapitre des Cargotech’s Incentive Agreements brosse un tableau différent de la situation. Le 14 novembre de 2012, le paiement de 12% Incentive Commission on Freight Revenue supérieur à Rs 26 millions était contesté formellement par Dinesh Lalljee, Senior Manager dans le Revenue Accounting Department d’Air Mauritius. Vikash Rambharuth, Senior Manager au fret, était informé de cette anomalie portant préjudice à la compagnie car, selon l’accord en vigueur, « incentive is payable up to a limit of Rs 26 million ».
La nuance est de taille. Mais Cargotech est sortie gagnante de ce bras de fer car, « Revenue Accounting was instructed to pay the full incentives ». Plus loin, le rapport sur le scandale de cargo de fraudes et d’irrégularités fait état de « repeated amendments and rectifications » dans le contrat en vue de permettre à Cargotech de se qualifier pour des avantages considérables. Jean-Claude Leste, Senior Manager Grounds Operations d’Air Mauritius, qui avait consigné la déposition initiale contre Kishore Beegoo, pourrait se retrouver dans des situations compromettantes au sujet des contrats signés en faveur de Cargotech.
Après une analyse des multiples circonstances d’incentives agreements taillés sur mesure, le rapport arrive à la conclusion que « it is difficult to avoid the conclusion that contracted rates could — and were — altered often after the event and adjusted to maximise Cargortech’s incentives based on results that were already known. It was akin betting on a horse after the race had been won ».
Les autres faveurs obtenues par Cargotech sont qu’en février de cette année, Kishore Beegoo n’avait pas eu à faire les frais de la révision à la hausse du Air-Freight Rate applicable à toutes les sociétés de fret. Mais face à une protestation de Kishore Beegoo à l’effet que la Fuel Surcharge devrait être de 4,40 dollars hong-kongais au lieu de $ 5,50 HK par kilo, c’est le premier tarif qui est retenu « for the sector Hong Kong/Mauritius, exceptionally for Cargotech ».
Plus grave encore, selon le Forensic Report, est la proposition de Kishore Beegoo demandant à Air Mauritius d’acheter de l’espace-fret sur les vols de Corsair pour être revendu par la compagnie aérienne nationale. « It is difficult to understand why Air Mauritius Cargo would entertain such a proposal which, in effect, requited it to sell space provided by a competitive airline though one of its agents », note le document soumis au Central CID depuis plus d’une dizaine de jours.
Un autre volet du rapport est consacré aux relations de connivence entre des Top Managers d’Air Mauritius Cargo, dont Vikash Rambharuth et Sudh Ramjuten, et Kishore Beegoo. Les deux premiers nommés sont accusés de faire preuve de « remarkable bias in favour of Cargotech ». Un autre Top Manager, Rajnish Lutchoomun, est passible de poursuites pour le délit de « gratification » sous la POCA pour avoir bénéficié d’un voyage d’agréments avec des membres de sa famille tous frais payés en Inde par Allied Aviation AMC Cargo GSA en Inde.
Le dénommé Luchoomun a été trahi par un document informatique en date du 29 octobre 2012 adressé au haut-commissariat de l’Inde à Port-Louis confirmant le sponsorship à l’effet que « our company (allied Aviation) would take charge of all expenses including boarding, lodging and internal transportation ». Pour quelles raisons ? L’enquête du Central CID ou de l’Independent Commission against Corruption devra élucider cette zone d’ombre.
De son côté, dans sa contre-offensive médiatique, en attendant d’être entendu under warning au Central CID, Kishore Beegoo rétorque que « Cargotech bénéficie de tarifs nettement plus favorables avec d’autres opérateurs », soit entre 10 et 30% car « Cargotech est l’un des seuls transitaires pouvant garantir de si gros volumes de fret aux transporteurs ».
Lors de son point de presse de mardi, le patron de Cargotech s’est évertué à rejeter les accusations de conflit d’intérêts à son encontre, avec en toile de fond ses responsabilités sur le board d’Air Mauritius et ses activités à la tête de la compagnie de fret. En répétant qu’il n’était pas un protégé politique sous l’ère de l’ancien Premier ministre Navin Ramgoolam, il devait préciser que « j’ai pu lire que grâce à mes fonctions de Board Director, j’ai reçu des faveurs. J’étais directeur chez Air Mauritius en 2006 et nos chiffres avaient progressé en 2007. Mais vous constaterez qu’en 2007, 2008 et 2009, nous avons retiré notre business chez Air Mauritius ».
Abordant les critiques à l’effet que Cargotech a connu une montée en flèche et que la compagnie a joui des faveurs d’Air Mauritius, Kishore Beegoo devait expliquer que « Cargotech Limited a pris de l’ampleur quand la Compagnie Mauricienne de Textile (CMT), la Mauritius Export Processing Zone Association (MEPZA), Shibani Knitting et Star Knitwear sont venus chez nous. On a fait croire que Cargotech est le plus gros chez Air Mauritius. Mais on a oublié de préciser que Cargotech est non seulement le plus gros à Maurice mais aussi chez Air France, British Airways, Emirates, Corsair et Thomson Airways. Si j’avais des faveurs avec Air Mauritius, les autres compagnies allaient-elles aussi en faire de même ? Nous sommes plus gros car nous sommes simplement les meilleurs. Ce n’est pas ma position de Board Director chez Air Mauritius qui m’a fait avoir des faveurs… »
Kishore Beegoo devait également révéler qu’un membre du gouvernement et quelqu’un chez Air Mauritius ont engagé des démarches auprès de l’IATA pour faire sauter sa licence d’opération dans le secteur du fret. « J’ai eu recours à cette conférence de presse très vite car on m’a informé que quelqu’un du gouvernement et une autre personne d’Air Mauritius entreprennent des démarches chez l’IATA avec le faux rapport pour annuler notre licence. Il y a une cabale pour fermer Cargotech et faire des Mauriciens devenir chômeurs. Il y a eu ingérence politique », a affirmé Kishore Beegoo tout en réclamant au gouvernement d’instituer un Fact Finding Committee à cet effet.
« Le board d’Air Mauritius doit révéler à ce FFC sur quelle base il s’est rendu à la police : sur la base d’un faux rapport ou à la suite d’une pression politique ? S’il y a eu la moindre maldonne de ma part, j’assumerai mes responsabilités et les conséquences », a-t-il conclu.

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