Gardons l’Île Maurice sale…

Oui, chers compatriotes, j’en suis arrivée à cette conclusion !
L’unique voie pour nous est de maintenir notre penchant naturel pour la saleté et le non-respect de l’environnement. J’ai bien étudié la question et, vu notre aversion chronique pour l’amélioration, la discipline et la persévérance dans le changement, je pense que la meilleure solution pour nous est de continuer à patauger dans la saleté.
La promenade Gérard Bruneau, promenade de santé, haut lieu de la Ville des Fleurs, fréquenté assidûment par celles et ceux qui veulent se maintenir en bonne forme physique, est devenue une promenade de senteurs nauséabondes. La semaine dernière, nous avons même eu droit à une charogne qui pourrissait au soleil, dévoilant à la terre entière ses vers et déchargeant des effluves fétides.
On y trouve aussi des déchets de maçonnerie, que des âmes bien intentionnées placent consciencieusement dans des sacs … pour ne pas tout salir. Quant aux bouteilles en plastique qui, selon la logique de nos dirigeants, peuvent continuer à être tolérées (car elles polluent bien moins que les sacs en plastique !) – elles décorent si bien cette promenade que je fais un appel pressant à la municipalité de ne pas y ajouter des décorations de Noël. Ça ferait vraiment moche !
Nous avons même droit à un vieux fauteuil pourri sur lequel nous avons pu admirer un monsieur, apparemment ivre mort, qui y ronflait et qui avait l’air d’y avoir passé sa nuit. Régulièrement, des personnes qui veulent garder leur chez-soi propre viennent faire un acte de civisme avancé en y déposant leurs ordures diverses et variées. Car, chers compatriotes, c’est bien connu : le Mauricien est propre dans sa cour, très propre même, car il sait comment se débarrasser de ses ordures sur la voie publique. Je trouve ça très très bien. Il faut encourager un tel talent et une telle créativité. Pourquoi ne pas organiser un concours ?
Le ministère de l’Environnement, qui ne doit pas avoir les moyens pour accomplir sa tâche, ne devrait plus s’en inquiéter. Continuez à vous reposer sur vos lauriers roses et blancs, messieurs et mesdames. Nous, les Mauriciens, nous en occupons très bien tout seuls, comme des gens matures et civilisés. Ne sommes-nous pas le tigre de l’océan Indien ? Quant au ministère du Tourisme, il a bien raison de cueillir nos visiteurs dès leur descente d’avion et de les garder dans les hôtels cinq étoiles, qui sont propres comme des sous neufs, car si ces malheureux jettent un regard plus loin que leur plage aseptisée, ils risquent de ne plus revenir.
Oui, nous les Mauriciens, nous n’aimons pas qu’on nous fasse la leçon. Nous avons un ego bien développé et une fierté placée là où il faut pour ne pas avoir à changer. Nous sommes chroniquement réfractaires à tout apprentissage civique. Il suffit de voir nos plages après notre passage pour admirer toute l’étendue de notre savoir-faire en matière de pollution et de savoir-pas-vivre ensemble. C’est ainsi que nous voulons continuer à cohabiter. Allons-y gaiement !
Quant aux propriétaires et usagers de grosses bagnoles – car j’ai remarqué que ce sont eux qui sont les plus concernés – continuez à jeter vos restes de nourriture et vos sacs pleins d’huile par les fenêtres nickel de vos bolides. Il y a des gens payés pour nettoyer vos ordures après tout. Vous payez la taxe pour ça !
Oui, chers compatriotes, gardons l’Île Maurice sale ! Je trouve même que nous devrions en faire notre nouveau slogan national. L’Île Maurice, c’est un plaisir ! Tout en arôme et en finesse…

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