GOOD GOVERNANCE ET TRACTATIONS : Les dérives de Kensington Palms !

L’information exclusive au sujet de la réunion dans la nuit du 16 au 17 février dans un appartement de Quatre-Bornes publiée dans les colonnes de Week-End de l’édition de dimanche dernier sous le titre « Trois VVIP In the Line of Fire » s’est révélée être une bombe à retardement avec des dégâts majeurs par rapport à l’opération Lakaz Lerwa Lion avec l’arrestation de l’ancien Premier ministre, Navin Ramgoolam. D’abord, des documents attestant le versement de commissions d’au moins Rs 100 millions à la société Frydu, incorporée en Suisse au nom de Nandanee Soornack, entre octobre 2013 et janvier 2015 n’ont fait qu’ébranler la base de la défense échafaudée par Navin Ramgoolam à l’effet que les Rs 224 millions, représentant le jackpot de River Walk, n’étaient que des contributions au financement politique du Parti travailliste. Ensuite, malgré les explications du Premier ministre, sir Anerood Jugnauth, à l’Assemblée nationale, les agissements et excès des ministres-procureurs, en l’occurrence Pravind Jugnauth, Roshi Bhadain et Ravi Yerrigadoo, lors de l’interrogatoire des deux représentants de Dufry AG, Thomas Axel Galet, Deputy Chief Operating Officer, et Simo Carevic, Chief Executive Officer de Mauritius Duty Free Paradise Ltd, à Kensington Palms, Quatre-Bornes, sont étalés au grand jour et soutenus par des enregistrements audio. Comme souligné dimanche, l’ombre de Rakesh Gooljaury, l’ancien partenaire d’affaires de Nandanee Soornack, et présenté comme un ami de longue date du leader du MSM, le ministre Pravind Jugnauth, plane sur cet épisode de l’enquête sur les cas de fraude et de corruption contre l’ancien Premier ministre
La teneur de l’affidavit juré par les deux ressortissants étrangers pour attirer l’attention de leurs tribulations aux mains de trois membres du gouvernement, substituant leur rôle à celui de limiers du Central CID ou encore de l’Independent Commission against Corruption, dont Roshi Bhadain fut le premier Director of Investigations, confirme l’existence du maillon Rakesh Gooljaury, l’homme derrière la SICOM Tower à Ebène, toujours en quête de contrats de cette société d’assurance en misant sur ses nouvelles connexions politiques. D’ailleurs, répondant à la Private Notice Question (PNQ) du leader de l’opposition, Paul Bérenger, jeudi matin, le Premier ministre n’a pas contredit ce fait majeur.
“I am informed that at one stage during the review, several documents were provided by Doomeswarsing (Rakesh) Gooljaury, with regard to another contract, which had been signed between the supplier Dufry AG and a company called Frydu which had been incorporated in Switzerland. Mr Gooljaury had provided several emails exchanged between the top management of Dufry A.G. in Switzerland, Mrs Nandanee Soornack, Mr Laurent Obadia, a lawyer in Switzerland called Alexander Schwartz and himself relating to negotiations of the setting up of a structure for the payment of commissions through the creation of an agency sales agreement”, affirmera sir Anerood Jugnauth, .
Avec le paravent de Frydu, constitué d’un partenariat à parité (50/50) entre Nandanee Soornack et Rakesh Gooljaury, démarrent les versements des commissions représentant 4,2% du chiffre d’affaires réalisé par Mauritius Duty Free Paradise Ltd sur la vente des produits de luxe, dont whisky, parfums et chocolats, dans les boutiques hors-taxes du Sir Seewoosagur Ramgoolam International Airport et du Sir Gaëtan Duval Regional Airport à Rodrigues (voir organigramme plus loin sur les commissions de Rs 100 millions identifiées à ce jour).
L’une des conséquences directes des révélations au sujet de ces commissions est que la ligne de défense de Navin Ramgoolam au sujet du financement politique pour justifier les Rs 224 millions est nettement fragilisée. Surtout au grand dam de ces pontifs des salons feutrés ou des anniversaires bien arrosés, professant alors que ces fonds peuvent être facilement justifiés et qu’ils ne relèvent nullement du tainted money sous la Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act.
Chasse au trésor
Le money trail, qui devra être enclenché en vue de prouver beyond reasonable doubt les délits de fraude, corruption et de money laundering, devra quitter les côtes de Maurice pour atteindre les frontières de la Suisse, notamment la VP Bank (Schweiz) à Zurich, l’Union Bancaire Privée, UBP SA à Genève et également celles de Nicosie, Chypre, où est domiciliée la société Wigam Holding Ltd. Il y a encore à démasquer formellement l’ultimate beneficiairy de ces commissions, qui se comptent par centaines de millions de roupies avec la conclusion de l’enquête au sujet des dessous de table du Management Service Contract de Rs 1 milliard entre la MDFP et Dufry AG.
Pour franchir cette étape cruciale, les enquêteurs du Central CID ou encore ceux de l’ICAC et de la Financial Intelligence Unit (FIU) devront avoir recours à un Judge’s Order à être exécuté en Suisse et à Chypre pour identifier les signataires et destinataires des transferts à partir des comptes dans ces deux banques en Suisse. Une véritable chasse au trésor qui pourrait être facilitée dans un premier temps avec les aveux d’un des bénéficiaires, le dénommé Rakesh Gooljaury. Si la logique d’une enquête est suivie.
D’ailleurs, le paragraphe 39 de l’affidavit se lit comme suit : « Mr Bhadain replied by addressing to Mr Gooljaury in the following words : let’s forget these documents but there is a fact that Mr Rakesh got his commission — which Mr Rakesh Gooljaury confirmed that he received in front of other ministers. » Des interrogations se posent au sujet de l’absence d’initiatives de la part des autorités soucieuses de « leave no stone unturned to clean up the country » en dépit de cette complicité de corruption avouée.
Menaces et chantage
Le traitement dont bénéficie le patron de Fashion Style, qui a déjà bénéficié du rééchelonnement d’une dette de Rs 40 millions (un million d’euros) auprès de la MDFP, cette même société au centre des controverses, intrigue plus d’un citoyen. Des questions se posent au sujet de la présence et des mouvements de Rakesh Gooljaury dans l’enceinte du Sir Seewoosagur Ramgoolam International Airport Terminal, que ce soit du salon des VIP au département de l’Immigration sans être nullement inquiété comme ce fut le cas le vendredi 27, quand les deux représentants de Dufry AG étaient en partance après leur interdiction to departure d’un durée d’une dizaine de jours. M. Gooljaury a, semble-t-il, remplacé Mme Soornack.
D’autres interrogations encore plus pertinentes se posent sur les transactions bancaires opérées vers la fin de l’année dernière par le même personnage. Un mois avant la date du scrutin, soit le 14 novembre, Rakesh Gooljaury aurait contracté quatre emprunts d’un montant global de Rs 517 millions auprès d’une institution financière contrôlée par l’État, soit six millions d’euros (Rs 252 millions) pour le compte de Fashion Style, Rs 50 millions au nom de la même société d’affaires, Rs 150 millions pour Designer Labels Ltd et Rs 65 millions pour Jack Int.
Certes, depuis le scrutin du 10 décembre, la direction de la banque a été remplacée, mais qu’en est-il des garanties, sous formes d’appartements ou de terrains ou autres Floating Charges, fournies en contrepartie à ces emprunts massifs contractés à la veille des élections.
En attendant que Rakesh Gooljaury soit entendu au sujet de son engagement aux côtés de Nandanee Soornack au sein de la société Frydu et la répartition des commissions jusqu’au moins le 12 octobre 2013, le rôle des ministres-procureurs pendant la nuit du 16 au 17 février dernier en la résidence de l’Attorney General suscite interrogations et préoccupations. Le Premier ministre a tenté de dédouaner les trois VVIPs incriminés jeudi dernier.
“I must make one thing very clear, Madam Speaker, the three ministers had not been investigating. Having got certain information, they simply wanted to help so that the necessary document and evidence can be made available to the police”, a conclu sir Anerood Jugnauth lors des échanges sur la PNQ de jeudi dernier. Toutefois, la lecture de la teneur de l’affidavit et l’enregistrement audio de ces tractations nocturnes confirment une dérive accablante dans les procédures d’enquête.
Le ministre de la Bonne Gouvernance, Roshi Bhadain, qui s’est permis de qualifier les révélations de Week-End d’insanités, remet en cause les détails de l’affidavit du 26 février, surtout par rapport aux menaces et chantage comme au paragraphe 24 à l’effet que “the Mr Bhadain threatened to bring this alleged bribery to the attention of the public and the media at large with the aim to bring Dufry AG down as a listed company on Swiss Stock Exchange and at the same time destroy Dufry AG”.
Au paragraphe 34 de ce document légal, qui monopolise l’attention depuis ces derniers jours, mention est faite que “several telephone calls were made to Mr Martinez after the final warning from Mr Bhadain and at one point in time Mr Gooljaury spoke directly to Mr Martinez. As Mr Martinez did not respond to any of the threats, Mr Bhadain further threatened to cancel all the agreements that Dufry AG had in Mauritius”.
Alors que jusqu’à jeudi, tout un chacun dans les milieux officiels tentait de démentir le fait qu’il y aurait eu arrest on departure contre ces deux étrangers, comme révélé par Le Mauricien du vendredi 27, sir Anerood Jugnauth n’a fait que confirmé la vérité. “As no information or email were available for potential suspected offences that have been committed, the representatives of the Dufry A.G. were informed that the authorities had to be informed of the matter, which was done. I am informed by the Commissioner of Police that on Tuesday 17 February 2015, an objection to departure was lodged to prevent the two representatives from Dufry A.G. from leaving Mauritius. Subsequently, Senior Management of Dufry Ltd in Switzerland provided to Government a number of documents”, a déclaré le Premier ministre en énumérant les different versements de commissions.
Columbo nocturne
D’aucuns avancent clairement que les agissements de ces trois VVIP dans cet appartement de Kensington Palms à Quatre-Bornes sont en nette contradiction avec la promesse électorale de l’Alliance Lepep à l’effet que les institutions de la République pourront assumer pleinement leur rôle de chien de garde contrairement à ce qui s’était passé sous le gouvernement de Navin Ramgoolam. « La démarche la plus simple pour les ministres aurait été de prendre un rendez-vous secret au Central CID pour Rakesh Gooljaury, comme ce fut le cas dans l’affaire Roches-Noires pour qu’il puisse verser dans le dossier à charge ces preuves de corruption pour les besoins d’enquête », ajoute-t-on comme pour bien démontrer les écarts dont a fait preuve le trio ministériel.
L’un des premiers signes de cette rédemption politique pourrait être que, dans un sursaut d’orgueil, le Central CID démarre instamment cette enquête réclamée par l’ancien Attorney General, Rama Valayden, qui a soumis vendredi une copie de l’affidavit à toute fin utile, que les hommes de l’assistant commissaire de police Heman Jangi procèdent à la saisie des téléphones cellulaires de tous ceux présents dans l’appartement au code d’accès 1234# pour le décryptage des appels téléphoniques dans la nuit du 16 au 17 février comme réclamé par Paul Bérenger à l’Assemblée, jeudi, en dépit des protestations énergiques du ministre Bhadain et surtout initient l’interrogatoire de Rakesh Gooljaury, celui, qui a été dans les secrets de Navin Ramgoolam et qui est aujourd’hui présenté comme « a friend of Pravind Jugnauth whom he has known for the last 15 years and who Rakesh Gooljaury said is also the son of the Prime Minister of Mauritius » et surtout la version des faits des trois ministres déguisés en Columbo nocturne.
Rama Valayden, qui s’est donné un délai d’un mois pour permettre à la police de mener son enquête sur les dérives nocturnes de Kensington Palm, pourrait inviter dans les jours à venir le Directeur des Poursuites publiques, Me Satyajit Boolell, Senior Counsel, à imposer cette enquête contre les trois ministres et le dénommé Gooljaury au Central CID.

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