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Goodlands – Ramasawmy Sooprayen, Senior Educator : « La situation devient ingérable dans les écoles

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Goodlands – Ramasawmy Sooprayen, Senior Educator : « La situation devient ingérable dans les écoles
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Le collège Friendship de Goodlands, fondé en octobre 1968, fêtera le mois prochain son cinquantième anniversaire. Cette institution secondaire dont l’actuel “Senior Educator” est Ramasawmy Sooprayen qui a favorisé la mixité, avait débuté ses opérations avec 75 élèves, sept enseignants et un personnel non enseignant.

Situé sur une superficie de trois arpents et demi, le collège Friendship compte aujourd’hui 940 élèves dans le “main stream”, 40 dans le prevoc et un personnel de 90 enseignants et 35 non-enseignants.

Depuis que la direction du collège Friendship a été autorisée à ouvrir ses portes en 1993 aux élèves du Higher School Certificate (HSC), l’établissement a enregistré un taux de réussite de 57.8% pour la première fois et a encouragé ses élèves à travailler dur les années suivante pour rehausser le niveau. Résultat : sept ans après, soit en l’an 2000, une élève avait été classée après une lauréate dans la filière Économie et un an après, une autre s’est classée dans la filière technique.

Selon la direction du collège, le “Senior Educator” s’est investi ces dernières années pour que le collège soit doté de nouvelles infrastructures. L’objectif était de centraliser toutes les activités dans un bâtiment bien équipé pour ne pas être en déphasage avec les collèges d’État. « Le collège Friendship, qu’on le veille ou non, a beaucoup aidé à façonner la société mauricienne et à forger le destin des milliers de filles des régions rurales. Nous sommes redevables à tous ceux qui ont été infaillibles et se sont dévoués corps et âme pour maintenir le niveau du collège à un niveau appréciable. »

Cinquante ans dans la vie d’un collège sont, pour le “Senior Educator”, « une occasion exceptionnelle qui devrait amener tous ceux  et celles concernés à réfléchir sur les enjeux de la réforme préconisée dans le sillage de “Nine Year Continous Basic Education” et les défis à révéler dans un souci de modernisation. Nul ne peut, sans que l’on soit démagogue, perdre de vue la contribution inestimable des collèges privés au développement socio-économique du pays au fils des années. » En 1998, l’administration avait changé de main pour être confiée à Asha Venkatasawmy Pyneeandee avec le support de deux « Deputy Directors ».

« Depuis 2015, c’est la descente aux enfers. Le taux de réussite pour les examens du School Certificate (SC) a considérablement baissé. Il est passé à 55% pour le SC et 61% pour les examens dy HSC, dira leSenior Educator”. Selon lui, de nombreux maux dont l’indiscipline, la violence, la drogue, entre autres, pervertissent bon nombre d’élèves en l’absence d’une bonne orientation académique et professionnelle. Conséquences : pas plus loin que lundi denier, un parent, complètement ivre, est venu menacer une enseignante pendant qu’elle faisait la classe. « Cette dernière avait réprimandé une fille en Grade 3 à cause de son comportement. Il a fallu l’intervention de ses collègues pour ramener le père à la raison. Ce n’est pas la première fois. Cela se passe très souvent comme ça. Je ne vous le cache pas : certaines filles opèrent comme un gang. Elles deviennent de plus en plus incontrôlables et indisciplinées. Pas facile de gérer la situation. »

Et malgré toutes les bonnes intentions de nos décideurs, croit-il que les divers plans vont donner des résultats à long terme ? « Je me demande quel est le sort réservé aux collèges privés dans une île Maurice moderne transformée en un grand chantier avec la mise en application de la “Nine Year Continous Basic Education” (NYCBE). A-t-on pris en compte la place qu’occuperaient ces institutions dans le plan de réforme qui s’annonce une première en son genre ? » s’interroge Ramasawmy Sooprayen.

Le “Senior Educator” suggère ainsi que la reforme dans le secteur éducatif fasse l’objet d’un débat profond. Il doit y avoir consensus entre le gouvernement et l’opposition dans l’intérêt des apprenants. Car les élèves sont en quête de repères dans une société qui évolue davantage vers la recherche de satisfactions matérielles. « La réforme doit tenir compte de tous les aspects dans un ensemble pour éviter le gaspillage de ressources et du temps », insiste-t-il.

La mise en œuvre de la NYCBE, croit-il, augure un avenir sombre pour les collèges privés qui ne sont pas compétitifs. « Sans être sceptique, je dirais que l’épée de Damoclès reste toujours suspendue sur la tête de ces institutions qui ont marqué l’histoire de l’Éducation à Maurice. » Et de poursuivre s’agissant des cinquante ans du collège : « Comme dans toute entreprise, il y a du bon et du mauvais. Je demande à certains parmi nous de revoir leur mode de fonctionnement, d’être plus appliqués car il y va de l’avenir de nos enfants. Être enseignant, directeur ou directrice d’une école ou d’un collège, c’est une vocation, un défi qu’on a à relever, un engagement à respecter, une responsabilité à assumer. »

Ramasawmy Sooprayen est toutefois satisfait qu’une bonne partie de son personnel se donne à fond pour faire progresser le niveau, « même si la situation devient de plus en plus difficile avec la nouvelle génération. »

En ce qui concerne les élèves de son établissement, il les met en garde contre la drogue de synthèse. « Rurale ou urbaine, aucune région n’échappe aux effets redoutables de ce fléau. L’une des caractéristiques de cette drogue, c’est qu’on développe une addiction rapide. Je ne demande pas seulement aux jeunes du collège Friendship de faire très attention, mais à tous les jeunes de ne pas se laisser piéger par la drogue synthétique car ses effets nuisent à la santé physique et psychique du consommateur. Elle ne permet pas aux élèves de se concentrer sur leurs études. »

Selon Ramasawmy Sooprayen, le démantèlement du puissant réseau de trafiquants de drogue synthétique semble illusoire. « Les marchands de la mort poursuivent toujours à pas de loup leurs activités, laissant derrière eux de traces indélébiles. Le bilan est lourd. »


Témoignages

Chevrine Antoinette a étudié au collège Friendship de 1999 à 2008. Elle y enseigne aujourd’hui. « Il y avait une très bonne entente entre les enseignants et les élèves. Ils nous ont appris les valeurs qu’on met toujours en pratique. Aujourd’hui, les élèves ne respectent plus les enseignants. Elles n’hésitent pas à lancer des mots blessants. C’est dur, très dur. Il faut avoir de la patience. C’est difficile à gérer », déplore-t-elle.

Géraldine Murday a, elle, fréquenté cette institution secondaire de 1999 à 2005. Elle est à présent enseignante à l’école RCA Saint Eon à Grand-Gaube. « La direction était à cheval sur la discipline. Les enseignants étaient le “role model” pour nous. Ils nous inculquaient des valeurs. Je les remercie infiniment pour cela. Je garde toujours contact avec certaines camarades de classe sur les réseaux sociaux. Je souhaite un joyeux anniversaire aux personnels et aux administrateurs pour ce que je suis devenue aujourd’hui. »