HOMMAGE — Michel Legris, un héritage à préserver

La communauté des artistes et la famille rend ce matin un dernier hommage à Michel Legris, décédé hier, à l’âge de 83 ans. Cette figure emblématique du séga a écrit une page de notre histoire à sa manière. Même s’il ne maniait pas la plume, ceux qui l’ont côtoyé sont unanimes à dire que ses textes avaient une grande richesse culturelle. De son engagement dans l’armée, il a rapporté des souvenirs oraux d’Afrique, qui fleurissaient ses chansons. Dans son atelier à Plaine des Roches, les ravannes se sont tues, mais personne n’oubliera les mains d’artistes qui les ont fabriquées et la passion qui animait celui qui les jouait.
Michel Legris sera inhumé au cimetière de Poudre d’Or ce matin, après une cérémonie à l’église Noces de Cana, à Rivière-du-Rempart. La famille Legris et les artistes ont tenu à accompagner le Capitaine à sa dernière demeure au son de la ravanne, selon sa volonté. Ils étaient déjà nombreux hier soir, à se rendre à la maison familiale pour lui rendre un dernier hommage en musique. Car malgré la tristesse dans les coeurs, tous gardent le souvenir d’un homme joyeux. « Mon père était toujours dans la joie. Il n’aimait pas les bagarres. Il voulait qu’on soit toujours heureux et nous prodiguait de bons conseils », relate Bruneau, son fils aîné.
Dans la maison mortuaire, un séga joue en sourdine. On reconnaît la voix du capitaine qui a fait danser des générations. Sa veuve Thérèse peine à cacher sa douleur, tandis que de nombreuses personnes arrivent pour lui rendre un dernier hommage. Menwar est là, lui aussi. Il tenait absolument à apporter son soutien à la famille, après avoir appris la nouvelle à la radio. « Quand j’ai allumé la radio ce matin, je sentais qu’il y avait quelque chose d’inhabituel car on jouait des morceaux de Ton Michel d’affilée. J’ai appelé la famille pour en être sûr et c’est ainsi que j’ai appris la triste nouvelle. »
L’amitié entre Menwar et Michel Legris remonte aux années 80. « Nous faisions partie d’une troupe, avec Fanfan également, pour jouer au Festival de l’océan Indien à La Réunion. Depuis, nous avons conservé cette amitié. J’étais toujours bien accueilli quand je venais chez lui. Récemment, il avait fabriqué des ravannes pour mes élèves. J’allais même lui passer une nouvelle commande », témoigne Menwar.
Michel Legris faisait partie, en effet, de ceux qui ont su conserver les secrets de la fabrication traditionnelle de la ravanne. Il avait d’ailleurs témoigné dans le documentaire du groupe Abaim sur la ravanne, réalisé par l’Américaine Diana Heise. Sur son établi trônent encore quelques ravannes. « Il en a fabriqué jusqu’au dernier moment », confie son fils Bruneau. De même, il continuait à enfourcher sa bicyclette, en dépit des mises en garde de sa famille.
Sa passion de la musique, Michel Legris l’a léguée à ses enfants. Tous l’ont accompagné à un moment ou un autre sur scène. Pourtant, le Capitaine a dû se battre pour s’imposer dans le domaine musical. Même si la famille de son père organisait régulièrement des soirées séga, sa mère ne voulait pas qu’il emprunte cette voie. « À cette époque, le séga était mal vu et maman ne voulait pas qu’on chante du séga. Mais Michel était un fonceur. Il a persévéré, et nous a même entraînés mes autres frères et moi, dans le rythme », témoigne son jeune frère Jacques.
Ce dernier a participé à la compilation Bal de fami, avec Michel Legris et ses deux enfants Josie et José. Il a également fait partie du groupe Mirinda à l’époque. « On chantait un peu les oldies, mais Michel nous a entraînés dans le séga. »
Michel Legris vient d’une grande famille de 15 enfants (10 garçons et 5 filles) ; il était le sixième. Leur père était batteur et chantait un peu également. C’est en 1972 que Michel Legris brille sur le plan national en remportant le concours Sugar Time. Dans son édition du mercredi 26 janvier 1972, Le Mauricien publie : « Michel Legris, de Mon Loisir, se distingua dans la section séga avec Mo Capitaine, devançant Gaëtan Euphrasine de St Félix et Grégoire Seesafe de Beau-Plan. »
Bruneau Legris se souvient encore de ce jour-là. Il avait tout juste dix ans. « À cette époque, nous n’avions pas de téléviseur. Nous avons dû nous rendre au village hall pour le voir chanter et nous étions très fiers lorsqu’il a remporté le premier prix. »
Même si le Capitaine ne sera plus là pour nous partager sa bonne humeur, son nom et sa voix resteront à jamais dans les mémoires.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -