Honneur aux « fouille-merde »…

« Franchement, qui devrait-on mépriser ? Celui qui fouille ou celui qui cherche à camoufler son c*** ? Que je sache, un journaliste est par nature indiscret. Il enquête, il investigue un peu comme un détective, souvent en tenue d’égoutier dans divers bourbiers. Bien des faits divers ne sont pas plus ragoûtants, certes, mais en politique, gare ! Révéler certaines affaires qui ne nous regardent pas (pardon, qui nous regardent !), fourrer son nez dans la haute gadoue, c’est s’avancer en terrain miné. » [Jean Emelina – Le Plus du Nouvel Observateur du 21 juillet 2011]
Les journalistes non partisans de la lèche-majesté savent que se fourrer le nez dans les « affaires » des politiques est un crime de lèse majesté. Punissable de grattelle apparemment. Avec le nombre de scandales mis au jour en ce moment, nos marchands de poil à gratter doivent rire jusqu’aux oreilles. Heureusement que nos vaillants gardiens ne sont pas des vers de terre et ne se laissent pas impressionner. Ni par le rugissement des grands félins, ni par l’écho des grands félons. Elles tiennent rigoureusement la promesse qu’elles ont faite à leur lectorat : la recherche et la diffusion de la vérité contre vents et marées, contre bourrasques et tsunamis. Dieu soit loué que nos législateurs, à l’opposé de nos décideurs du jour, aient eu la sagesse de prévoir des drains pour évacuer le courroux de ces derniers.
Lorsque la vérité est balancée par quatre saoulards du petit bar de quartier, elle ne dérange pas grand monde car elle s’éteint en même temps que les effluves enchanteresses qui baignent le lieu. Si d’aventure il en demeurait un reste, il ne serait que rumeur. Mais lorsque cette même vérité vient de personnes ayant une forte influence sur l’opinion, par exemple, des journalistes respectés, elle offense. Elle trouble le sommeil de quelques grands princes qui se croyaient jusque-là protégés par une cotte de mailles imperméable à la critique. C’est le cas aujourd’hui, comme ça l’a été depuis la nuit des temps.
Certains de nos élus, majorité et opposition confondus, l’auront appris à leurs dépens : une simple tirette sur la chasse d’eau ne suffit pas quand la commission est grosse et malodorante. Lorsque quelques braves journalistes essaient de mettre au grand jour leur fange, ils se révoltent, humilient, menacent, insultent. Les journalistes qui osent dénoncer les dérives et autres crétineries de nos élus et consorts, sont traités de « gueulards » ou de « semi-intellectuels ». Curieusement c’est en ces termes que l’écrivain Maurice Barres, antidreyfusard notoire, avait injurié les intellectuels (terme utilisé par Clémenceau pour désigner Zola et les écrivains de l’époque – Marcel Proust, Anatole France, Jean Perrin – qui avaient publiquement pris le parti de Dreyfus à travers une pétition connue plus tard comme Le manifeste des intellectuels). Il les avait traités de « bande de demi-intellectuels… d’aristocrates de la pensée… de pauvres nigauds qui seraient honteux de penser comme de simples Français ». La suite, nous la connaissons : sans leur persévérance, l’innocent Dreyfus aurait pourri en prison et quitté cette terre dans le mépris et le déshonneur.
Que nos journalistes intègres se rassurent : face à cette poignée de faux juges qui vous insultent, il y a des milliers et des milliers de citoyens qui vous remercient de votre oeuvre d’assainissement. La reconnaissance de la postérité sera votre plus belle récompense. Aussi, terminons comme nous l’avons commencé, avec une citation de Jean Emelina : « Honneur à ces prétendus fouille-merde courageux et intègres. Ils ont du pain sur la planche, si l’on ose dire, ces paladins ! La merde publique ou privée, du bas au haut de l’échelle, ne manque pas, qu’il s’agisse de fe*** ou de fric ».

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