HUMANISME ET SOLIDARITÉ: Appel à un débat sur l’accueil des réfugiés de guerre à Maurice

Combien de temps détournerons-nous le regard? Combien de temps prétendrons-nous ne pas entendre le bruit des canons? Ne pas savoir le nombre de morts? Jack Bizlall n’a pu résister à adresser une lettre, mardi dernier, au Premier ministre sir Anerood Jugnauth pour lui demander “d’ouvrir un débat à l’Assemblée nationale afin que la République de Maurice puisse accueillir des réfugiés qui fuient la guerre en Irak, en Afghanistan, en Syrie, en Libye et au Soudan.” La demande a été faite au nom de l’Observatoire de la Démocratie, dont Bizlall est un des animateurs.
Jack Bizlall a fait remarquer au Pm que “notre République ne peut plus ni pratiquer le silence dans les instances internationales alors que les actes des agresseurs font fuir des milliers de réfugiés vers l’Europe, ni refuser d’héberger un certain nombre de ces réfugiés, ni jouer le mort et faire comme si nous ne sommes au courant de rien.” Le syndicaliste et militant de gauche veut qu’on accueille des réfugiés, qu’ils soient logés et nourris, précise-t-il, “jusqu’à nouvel ordre.”
Nous ne croyons pas que Jack Bizlall veuille émuler Bob Dylan en nous remémorant son célèbre wake-call Blowin’ in the wind. Il n’en a surtout pas besoin tant les spectacles d’événements terribles au Moyen-Orient nous interpellent tous chaque jour. On est donc, tout naturellement, d’accord de soutenir sa requête pour que la République de Maurice, pays civilisé et respecté dans le monde, fasse montre d’un peu plus d’humanisme concret vis-à-vis de la souffrance d’autres populations.
Il faut d’ailleurs déplorer que pas seulement le gouvernement actuel, mais étrangement tous les régimes qui se sont succédé depuis l’indépendance (1968) se sont toujours montrés insensibles sur la question de demande d’asile en prétextant souvent que Maurice est trop petite pour faire face à un afflux de réfugiés de guerre ou politiques. L’attitude de notre pays face à ce genre de problèmes aura toujours été de s’en laver les mains.
Sous le régime MSM de transition (mars à août 1883), quatre footballeurs d’une sélection d’Éthiopie en compétition ici pour la coupe d’Afrique et qui choisirent de ne pas rentrer à Addis-Abeba où sévissait un tyran, Mengistu Hailé-Mariam, furent contraints de lev paké alé. Ils déclarèrent vouloir “vivre en liberté ici”, mais le Premier ministre d’alors, sir Anerood Jugnauth, répliqua qu’il n’était “pas question d’accorder l’asile politique à Maurice. Nous les expulserons !”. Heureusement, l’Australie se porta volontaire pour leur donner asile.
Sous le gouvernement MMM-MSM de 1991 à 1992, même avec la présence de Paul Bérenger, le gouvernement fit tout pour se débarrasser d’une cinquantaine de migrants chinois qui se cachaient entassés sur un rafiot et qui avait fait escale dans la rade de Port-Louis en route pour New York, aux États-Unis! Et il réussit, en fin de compte, à les faire partir aux petites heures d’un matin. Heureusement que la frêle embarcation à peine sea-worthy n’avait pas coulé entre Maurice et New York! Comme les Européens ces jours-ci, on aurait tous eu alors sur la conscience la mort de ces migrants victimes, eux aussi comme les enfants syriens, de passeurs sans scrupules
Et pourtant ! La petite île Maurice n’a pas tout le temps eu un coeur de pierre devant la détresse d’étrangers. Pendant la Seconde Guerre mondiale, avec la solidarité de tout un chacun, n’avait-elle pas accueilli et donné réconfort à une centaine de réfugiés juifs qui fuyaient les camps de la mort nazis? Près d’une cinquantaine de ces réfugiés juifs sont d’ailleurs décédés à Maurice et une partie du cimetière St-Martin, à Beau-Bassin, témoigne encore de cet épisode. Avant les juifs, le Shah d’Iran, Palavi, est lui bien venu se mettre à l’abri à Moka dans un château tombé en ruines après son départ.
Pourquoi donc cette solidarité qui était possible du temps où les Britanniques dirigeaient le pays ne serait plus concevable aujourd’hui? Le Premier ministre doit réagir à l’initiative de l’Observatoire de la Démocratie.

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