INDIRA SIDAYA, ambassadrice extraordinaire et plénipotentiaire de Maurice en Russie : « Le potentiel d’exportation vers la Russie est considérable »

Plusieurs accords entre la Russie et Maurice sont actuellement en voie de finalisation, notamment dans le domaine de l’importation des produits de pêche, le tourisme et la culture, le transport aérien et les investissements à Maurice. Indira Sidaya, ambassadrice extraordinaire et plénipotentiaire de Maurice en Russie – qui était récemment à Maurice –, nous en parle dans l’entretien suivant. Mme Sidaya a été ministre de la Femme dans le premier gouvernement de Navin Ramgoolam avant d’être nommée ambassadrice de Maurice à l’Unesco. À Maurice, elle a été une des ambassadrices itinérantes de Maurice en Afrique avant d’être promue à Moscou.
Quand avez-vous présenté vos lettres de créance ?
Je les ai présentées à Vladimir Poutine en 2013 en compagnie d’un important groupe d’ambassadeurs désignés. C’était un jour mémorable pour moi car c’était le jour de mon anniversaire. À ma grande surprise, ce jour-là, le président russe, qui en avait pris bonne note, m’a offert un bouquet. Il m’a aussi dit des mots très gentils concernant Maurice.
Quelles sont les principales activités de l’ambassadeur mauricien à Moscou ?
En tant qu’ambassadrice de Maurice à Moscou, j’ai poursuivi le travail commencé par mes prédécesseurs. J’entretiens un dialogue constant avec les autorités russes et rencontrent régulièrement mes collègues diplomates, en particulier ceux du continent africain avec qui nous travaillons en très bonne entente. Maurice et la Russie entretiennent des relations diplomatiques depuis 45 ans, soit depuis l’accession de Maurice à l’indépendance. Ces relations ont commencé entre Maurice et ce qui était alors l’Union soviétique. Et nos bonnes relations se sont poursuivies avec la Russie après le démantèlement de l’URSS.
Avec la Russie, nous avons un accord culturel, qui est renouvelé régulièrement. Le dernier accord date de 2011. L’ambassade de Maurice à Moscou multiplie actuellement les efforts afin d’élargir les secteurs de coopération avec un accent particulier sur les domaines commerciaux, financiers et touristiques. Maurice est très respectée à Moscou et j’ai eu l’occasion d’avoir plusieurs sessions de travail avec diverses autorités russes, dont des ministres.
Pouvez-vous nous donner plus de précisions ?
Le mois dernier (en mars), j’ai eu une session de travail avec le vice-ministre de la Culture de la fédération de Russie, Alla Manilova. Cela a été une rencontre très fructueuse. La ministre russe a exprimé la volonté de son gouvernement de rehausser le niveau des relations entre nos deux pays et reconnait la position stratégique de Maurice dans l’océan Indien. Le ministère de la Culture russe dispose depuis peu d’un département dédié au tourisme et à la politique régionale. Il a été convenu que des accords de coopération dans le domaine culturel entre le ministère russe de la Culture et celui de Maurice seront préparés. De plus, des accords de coopération dans le domaine touristique sont envisagés.
Le potentiel touristique de la Russie est évoqué régulièrement. Qu’en est-il vraiment ?
Il faut reconnaître que Maurice n’est pas encore très connue des touristes russes, vu la distance entre nos deux pays. D’où l’importance de multiplier des initiatives de promotion touristique. Je sais que des “educational tours” à l’intention des tours opérateurs russes sont envisagés par la MTPA à Maurice. En Russie, le tourisme est étroitement associé à la culture et, par conséquent, au ministère de la Culture. Lors de ma rencontre avec la vice-ministre russe de la Culture, il a été convenu qu’un accord général sur la coopération dans le domaine touristique sera signé entre son ministère et Maurice. De plus, des protocoles d’accord sont prévus entre la MTPA et Rostourism, l’agence de promotion touristique russe. On souhaite que cet accord tienne compte du tourisme culturel. Il faut souligner que la Russie comprend 85 régions et 200 nationalités. Chaque région à ses propres traditions et cultures que la Russie veut faire découvrir au monde. Maurice doit également miser sur sa diversité culturelle afin d’attirer les touristes russes. Il est intéressant de souligner qu’en 2013, quelque 56 millions russes ont voyagé à l’étranger. À ce propos, je dois souligner que la Russie est très connue pour le tourisme d’affaire, qui dépense beaucoup d’argent. Un service aérien direct entre la Russie et Maurice pourrait aider dans ce domaine.
Toujours concernant la promotion touristique, j’ai eu deux réunions de travail avec le directeur adjoint de Rostourism, Grigory Srishvili, et son chef de département international, Valery Korovkin d’une part et avec le chef du Russian Union of Tourism Industry, Sergey Shpilko d’autre part. Nous avons évoqué la nécessité de développer une feuille de route en vue de rehausser nos relations dans le domaine touristique. L’idée qu’un accord puisse être signé entre la Russie et Maurice lors de la réunion des ministres du Tourisme des pays membres de l’OMC à Sochi, en juin, ou lors de la 20e exposition consacrée aux tourisme et loisir russes, prévue à Moscou en septembre, a été évoquée. La MTPA a déjà commencé une campagne de promotion en Russie et était présente à la Moscow International Travel and Tourism Fair à Moscou en mars dernier. Ce qui a permis à l’agence de tourisme mauricienne de développer des contacts dans ce pays.
L’industrie touristique va de pair avec les relations aériennes. Où en sont les discussions portant sur l’introduction d’un vol direct entre Maurice et la Russie ?
Maurice et la Fédération russe disposent d’un accord sur les services aériens depuis le mois d’août 2007. Les discussions entre nos deux pays se sont poursuivies au fil des années et, actuellement, les compagnies aériennes désignées par chaque pays ont la possibilité d’effectuer 14 vols hebdomadaires. Une première compagnie russe, Transaero, dessert Maurice de manière irrégulière. Rien n’empêche la Russie de désigner la compagnie Aéroflot comme la seconde “designated carrier” de la Russie pour desservir Maurice.
Le trafic entre la Russie et Maurice passe actuellement soit par Paris, avec Air France, ou par Dubayy, avec Emirates. Aéroflot a exprimé son intérêt pour un vol direct sur Maurice après avoir tenu en ligne de compte la situation du marché et le développement du réseau, entre autres. Air Mauritius voudrait, en échange, obtenir un accord sur une desserte, en partage de code, avec Air France entre Maurice et Moscou via Paris. Les discussions entre les autorités mauriciennes et le ministère russe du Transport se poursuivent.
Quels sont les autres domaines de coopération ?
Le potentiel d’exportation vers la Russie est considérable. Il existe un marché pour les produits de pêche vers la Russie ainsi que pour d’autres produits, dont le textile. Les discussions en vue de la conclusion d’un accord entre Maurice et la Russie concernant les produits de la pêche sont en cours. La Russie veut obtenir certaines garanties concernant les conditions phytosanitaires de la production et de la mise en boîte des produits de pêche à Maurice. Tenant en compte les conditions de nos exportations vers les pays européens, le ministère de la Pêche a donné des garanties aux autorités russes et a invité les inspecteurs des services vétérinaires russes à venir à Maurice pour faire une étude de la situation. Nous avons informé les autorités russes de la volonté des opérateurs mauriciens d’exporter, entre autres, du thon, du sashimi et d’autres produits de la pêche prisés en Russie. Les discussions se poursuivent.
Par ailleurs, le BOI se propose d’effectuer une mission de promotion et d’investissement en Russie bientôt. Il est possible que la mission soit dirigée par le vice-Premier ministre et ministre des Finances, mais cela n’a pas encore été confirmé. Cette mission devrait permettre de promouvoir Maurice comme un centre financier pour les investissements en Afrique, qui intéresse la Russie. J’ai eu l’occasion de rencontrer le vice-ministre russe des Finances Sergey Shatalov et le directeur adjoint des services douaniers Andrey Kizimov pour évoquer la possibilité de conclure un accord de non double imposition. Selon les législations russes, on en fait déjà provision et il n’est pas nécessaire d’avoir un tel accord entre nos deux pays. En revanche, un accord sur les échanges d’informations concernant la fiscalité s’avère nécessaire. Un projet d’accord sera préparé par le ministère russe des Finances avant d’être soumis aux autorités mauriciennes. Les échanges commerciaux entre la Russie et Maurice peuvent encore être développés. Ils étaient estimés à 520 millions de dollars en 2012.
Je dois préciser la Russie assurera l’année prochaine la présidence du BRICS (Brésil, Russie, Inde et Afrique du Sud). Ce sera une bonne occasion d’attirer l’attention de ce pays vers la position stratégique de Maurice au niveau de la région de l’océan Indien et par rapport au continent africain.
Les étudiants mauriciens en Ukraine ont récemment exprimé des craintes au sujet de la situation dans ce pays. Ce dossier relève-t-il de vos responsabilités diplomatiques ?
L’ambassadeur de Maurice à Moscou n’est pas accrédité auprès du gouvernement ukrainien et cette question est traitée directement par le ministère des Affaires étrangères à Maurice. Toutefois, l’ambassade de Maurice travaille conjointement avec les autres ambassades africaines, qui sont accréditées auprès de Kiev, et nous sommes prêts à intervenir si le besoin s’en fait sentir. (Ndlr : le ministre des Affaires étrangères Arvin Boolell a rencontré vendredi les parents des étudiants mauriciens en Ukraine pour leur donner l’assurance que la situation est suivie de près par le gouvernement. Huit étudiants mauriciens se trouvent actuellement en Ukraine).

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