INSA BEN SAID DIA (spécialiste principal en Éducation ouvrière du BIT) : « Il y a un problème à Maurice au niveau du dialogue social »

Actuellement à Maurice pour animer des séminaires sur le dialogue social, le tripartisme et l’unité syndicale et par ailleurs délégué par le Bureau International du Travail pour mettre sur pied un Conseil des Syndicats, Insa Ben Said Dia, spécialiste principal en Éducation ouvrière du BIT et posté à Pretoria, déclare dans cet entretien que le respect du tripartisme, « c’est un peu là où il y a eu panne » à Maurice. Une fois arrivé dans le pays, dit-il, « je me suis rendu compte qu’au niveau du dialogue social et au niveau des organisations des travailleurs, il y avait un problème ». Pour lui, si la grève est un moyen de mettre la pression, « elle doit être l’arme finale, la dernière qu’on utilise quand il n’y a pas d’issue ». Il ajoute que « l’État ne doit pas imposer. Le but des consultations c’est d’épuiser toutes les possibilités pour arriver à une paix sociale dans le pays ».
M. Insa Ben Said Dia, vous êtes spécialiste en Éducation ouvrière du Bureau International du Travail (BIT) et vous êtes à Maurice dans le but entre autres de mettre sur pied un Conseil des Syndicats. Pouvez-vous nous dire quelle est l’importance d’un tel conseil ?
Aujourd’hui, face aux enjeux économiques, à la crise mondiale, à l’échec du capitalisme et au néolibéralisme, on se trouve dans une crise où on a besoin de réinventer le rôle des travailleurs, donc des syndicats. Ceux-ci sont censés défendre les intérêts des travailleurs. Il n’y a donc pas plus intéressant que l’unité entre les organisations des travailleurs pour aller de l’avant. C’est un peu paradoxal qu’un petit pays comme Maurice, qui a 1 290 000 habitants, soit représentée par neuf confédérations ! La prolifération des organisations syndicales en Afrique est un mal. La plupart des pays francophones ont ce problème. Dans les pays anglophones, ces organisations sont moins dispersées. Quand je suis arrivé au BIT de Pretoria en 2010, mon objectif était de voir comment le BIT pouvait contribuer à faciliter le dialogue entre les organisations des travailleurs pour avoir une plate-forme. Quand je suis arrivé au BIT, il était question de signer le Decent Work Country Program (DWCP). J’avais à ma charge les pays de l’océan Indien. Maurice posait problème… On s’est donc demandé comment les organisations syndicales pourraient constituer une plate-forme pour travailler ensemble. Cela avait bien commencé. C’était à l’époque de Toolsyraj Benydin qui a géré la première plate-forme du Conseil des Syndicats. Après plusieurs séminaires, les organisations s’étaient rencontrées pour décider de la mise sur pied du Conseil des Syndicats. L’idée était que chaque syndicat gère le Conseil à tour de rôle, pour une durée d’un an.
Deux organisations syndicales, le NTUC et le MTUC, géraient la plate-forme. Jusque-là tout allait bien. Après, il y a eu le MLC et la CFTU. Mais, à un moment, il y a eu une confusion. On pensait que le BIT venait imposer des choses. En 2014, on a dû éclaircir la situation. Je suis venu à Maurice avec Maria Helena André, la directrice d’ATRAV (Activités pour les travailleurs), un département de l’OIT (Organisation du Travail) qui s’occupe des travailleurs. On a regroupé les neuf confédérations existantes pour dire : « À vous de choisir. On ne vous force pas à vous unir mais à avoir une plate-forme commune pour travailler de manière concertée ». Les neuf se sont engagées à trouver une solution. Mais, des incompatibilités d’humeur entre certains responsables n’ont pas facilité le travail d’unification. Certains remettaient en question le nom même de Conseil des Syndicats (CDS). Le CDS a été enregistré comme association en 2014. Dans la réunion qu’on a eue avec la directrice d’ATRAV, on a posé la question : « Voulez-vous garder la plate-forme ou en créer une autre si c’est le nom qui vous gêne ». Les travailleurs ont décidé d’y réfléchir. Les séminaires que j’anime en ce moment (ndlr : 11 et 12 avril) sont un suivi des engagements pris par les neuf confédérations. Sept confédérations sur neuf ont participé, CSG Solidarité et la CITU s’abstenant. Qu’on ne m’accuse pas de venir imposer quoi que ce soit. La méthodologie du travail, c’est que chaque participant réfléchisse aux solutions pour le monde syndical. J’ai demandé à chaque participant de trouver 15 % de solution pour chaque problème. En réunissant toutes les propositions, on arrive à une solution de groupe. Un des résultats de ces deux jours de consultations est que le CDS a été maintenu par les sept confédérations. Les sept sont d’accord de retravailler ensemble mais elles ont pris la décision de modifier un certain nombre de fonctionnements. Ils ont décidé d’opter pour une gestion à trois, c’est-à-dire, le président (actuellement, c’est Radakrishna Sadien du NTUC) doit être d’une confédération, le secrétaire d’une autre confédération et un trésorier d’un troisième autre syndicat. Donc, trois confédérations qui gèrent la plate-forme et tous les huit mois, ils changeront à tour de rôle. Ils apprendront à travailler ensemble parce que ce n’est pas facile de gérer un tel conseil. L’idéal, aujourd’hui, c’est que le CDS ne remplace pas les confédérations. Chacune garde sa spécificité mais le CDS peut être un forum qui sert de “think tank”.

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