JEAN-CLAUDE DE L’ESTRAC : « Faire de l’accessibilité et de la connectivité une de mes priorités »

Jean-Claude de l’Estrac, qui a succédé hier à Callixte d’Offay comme secrétaire général de la Commission de l’océan Indien (COI), a placé le dossier de l’accessibilité et de la connectivité en tête de liste parmi ses priorités. Sans les infrastructures d’accessibilité et de connectivité, l’Indianocéanie ne sera qu’un projet, a-t-il estimé.
La cérémonie de passation de pouvoir entre l’ancien et le nouveau secrétaire général s’est déroulée hier lors d’une cérémonie à l’hôtel Hilton en présence du Premier ministre Navin Ramgoolam, du ministre seychellois des Affaires étrangères et président en titre de la COI, Jean-Paul Adam, ainsi que du Dr Richard Sezibera, secrétaire général de l’East African Community et président de l’Inter-Regional Coordination Committee. Le nouveau secrétaire général de la COI se propose de valoriser le rôle et les multiples activités de la COI en les rendant plus lisibles, plus visibles et audibles.
Jean-Claude de l’Estrac a évoqué sa participation dans la fondation de la COI en 1982, alors qu’il était ministre des Affaires étrangères, et la première conférence constitutive de la Commission. La délégation seychelloise était menée par le Dr Maxime Ferrari et Callixte d’Offay. Il a observé que la COI a des fondations solides et une infrastructure clairement définie, des ressources humaines de qualité, et des soutiens financiers significatifs de partenaires agissants.
Outre sa volonté de valoriser les multiples activités de la COI, Jean-Claude de l’Estrac se propose de se focaliser sur les secteurs considérés comme prioritaires. Parmi ceux-là figurent les infrastructures d’accessibilité et de connectivité en vue de faire de l’Indianocéanie une réalité. L’accessibilité, a-t-il expliqué, prend en compte les liaisons maritimes et l’accès aérien, mais aussi les communications, pour connecter nos îles entre elles et avec le reste du monde.
« Je ne vois pas comment l’on peut espérer augmenter les échanges entre nous sans un accès amélioré, sans la disponibilité d’une ligne maritime de cabotage », a-t-il dit. Beaucoup d’opportunités d’affaires n’ont pu se réaliser ou ont échoué en l’absence d’une ligne maritime régulière et prévisible. Il a préconisé sous ce chapitre la création d’une ligne maritime régionale en partenariat avec le privé. « C’est un projet auquel les pays de la région doivent accorder la plus grande priorité si nous voulons continuer à parler d’intégration régionale. » Un projet de ligne maritime intrarégionale à partir d’un ou de deux ports de transbordement dans la région est selon lui d’autant plus pertinent qu’il rejoint parfaitement la stratégie des grandes compagnies maritimes internationales. « Il faut maintenant passer à l’action et cesser nous-mêmes de faire du cabotage programmatique, d’études en études », a-t-il lancé.
S’agissant de l’accès aérien, Jean-Claude de l’Estrac constate que « des complexes de fierté nationale, des considérations désuètes ont produit dans notre région cinq compagnies aériennes : Air Madagascar, Air Seychelles, Air Austral, Air Comores, Air Mauritius. Quatre d’entre elles sont largement déficitaires. La cinquième, Air Comores, a disparu. N’est-il pas temps que les quatre compagnies déficitaires constituent une compagnie, Air Océan Indien par exemple, rentable, solide, et stratégiquement utile à la fois pour l’activité économique intrarégionale, le tourisme et les communications extérieures de toute l’Indianocéanie ? »
Tout en reconnaissant la complexité de l’enjeu, Jean-Claude de l’Estrac s’est dit convaincu que « nous ne pouvons plus faire l’économie d’une remise en cause des modèles existants, étatiques, concurrentiels, non rentables et inadaptés ». Il reviendra au conseil des ministres de la COI de proposer un cadre d’analyse de cette question cruciale pour la région. « Les avantages d’une mutualisation des ressources ne sont pas à démontrer mais nous mesurons l’ampleur du changement de paradigme qu’elle exigera à la fois des politiques et des opérateurs privés. »
La sécurité alimentaire figure aussi sur la liste des priorités… Diverses études confirment que le potentiel est énorme, mais tout reste tributaire de ce qui se passera à Madagascar au plan politique. Madagascar, c’est 90 % des terres arables de la COI. « Elles en voient bien tout l’intérêt pour Madagascar comme pour la région, et les synergies possibles entre les entrepreneurs de l’agro-industrie de Madagascar, de La Réunion et de Maurice par exemple », a-t-il estimé.
En matière de pêche, une étude récente a démontré que les produits alimentaires malgaches, exportables dans la région, en particulier vers La Réunion et Maurice, s’élèvent à environ un milliard d’euros par an. C’est pratiquement le montant des importations alimentaires de la région, a-t-il observé.
Finalement, il a insisté sur l’infrastructure culturelle. « L’Indianocéanie est cet ensemble d’îles géographiquement proches, peuplées de gens issus pour une large part d’une histoire commune, de vagues migratoires de mêmes origines. Il manque, à la communauté indianocéanique un lieu identitaire de fréquentation et une plateforme permanente d’expression de nos réalités et de notre singularité. » Le nouveau secrétaire général estime que la COI doit viser bien plus loin que les magazines programmés périodiquement dans le cadre de l’Association des radios et télévisions de l’océan Indien, l’Artoi.
Parmi les projets qui peuvent être réalisés, figure celui de la création d’une chaîne de télévision régionale — « La voix de l’Indianocéanie ». Ce sera le moyen d’accroître la connaissance des peuples qui la composent grâce à une plateforme d’échanges culturels et économiques, le forum où les peuples de l’Indianocéanie se parlent entre eux et s’adressent au monde. Il a finalement souligné l’importance de la stabilité politique sans laquelle aucun projet ne se réalisera. « La situation à Madagascar est au coeur de nos préoccupations », a-t-il estimé.
« La réalisation de nos ambitions d’intégration régionale reposera davantage sur la volonté politique des États-membres, sur la cohérence de leurs actions, sur la démonstration de leurs engagements, que sur le fonctionnement même de la Commission », a-t-il conclu.

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