Jean-Pierre Sauzier : « Recréer la connexion avec les Jeux demeure un exercice pénible »

Le Chief Executive Officer du comité organisateur des Jeux des Iles (COJI), Jean-Pierre Sauzier, s’est confié à Week-End à sept mois de l’événement phare de l’année 2019. Il se dit pleinement satisfait de ce qui a été accompli 15 mois après avoir remplacé Georges Chung à ce poste. Il se dit même serein, d’autant que contrairement aux précédents Jeux, il n’y aura pas de Village des Jeux, donc une grosse charge de moins pour le COJI.

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Cependant, Jean Pierre Sauzier reconnaît que l’un des plus gros morceaux sera de rallier tout le monde derrière cet événement. Valeur du jour, dit-il, il est encore difficile de recréer la connexion avec les Jeux, 16 ans après la tenue de l’événement sur le sol mauricien. Concernant le complexe de Côte d’Or, il dit avoir réclamé un «cut off time », au plus tard la fin de février, afin de savoir si cette infrastructure sera prête ou pas pour les JIOI.

Jean-Pierre Sauzier aborde également la question de la location de SPARC à Médine, pour les compétitions de natation, de même que les sommes investies dans ce qui sera les jeux les plus coûteux de l’histoire des JIOI.

Cela fait 15 mois déjà depuis que vous avez succédé à Georges Chung en tant que CEO du COJI. Quel bilan faites-vous de l’organisation à sept mois de l’ouverture des 10e JIOI ?
Je dirai que nous sommes dans le temps si l’on s’en tient à un bilan sur l’avancé des préparatifs et aussi en fonction de notre planning. Nous sommes d’ailleurs entièrement satisfaits de par la belle avancée réalisée au niveau de plusieurs de nos commissions. Je dirai même que nous sommes « on target » dans pas mal de domaines, notamment au niveau de l’hébergement, de la rénovation des infrastructures, du marketing, du  médicale, du transport et autres sécurités. Même la commission cérémonie a déjà été finalisée avec un prestataire une année à l’avance. Tout le concept est déjà acquis et ceux concernés travaillent déjà sur la mise en place de ces deux cérémonies. On prépare aussi avec l’aéroport l’accueil des différentes délégations.

On ne sent toutefois pas encore la ferveur autour des Jeux. Que prévoyez-vous justement pour rallier les Mauriciens derrière le quadricolore ?
L’objectif est de mettre le Mauricien en connexion avec les Jeux. C’est une étape très importante en marge de cet événement. Car il ne faut pas oublier que Maurice a connu une déconnexion par rapport aux Jeux des Iles depuis 2003, soit 16 ans. D’autant que je ne suis pas convaincu qu’il y a eu beaucoup de Mauriciens à s’être déplacés dans d’autres pays pour assister aux Jeux. Hormis les athlètes et certains de leurs proches. Recréer cette connexion avec les Jeux demeure un exercice pénible quand on voit, à titre d’exemple, à quel point le Mauricien est connecté à la Premier League de football toutes les semaines.

Justement, comment comptez-vous vous y prendre pour récréer cette connexion ?
Un gros travail a déjà débuté dans les écoles dans le but de recréer cette passion autour des JIOI. Notre jeunesse est tellement absorbée par la technologie qu’il est malheureux de constater qu’ils ne connaissent même pas les figures de proue des diverses disciplines sportives locales. Nous avons donc choisi des athlètes pour agir comme ambassadeurs des Jeux, car il est très important que le public s’identifie à ses représentants à l’heure où débutera la compétition. Des campagnes de publicité seront organisées, aussi bien qu’une série d’activités qui, nous espérons, feront prendre conscience de la tenue des Jeux à Maurice. Je souhaite que toutes les composantes de la population s’unissent, dans un même élan patriotique, pour que le pays puisse rallier autour de cet événement exceptionnel. C’est un appel très fort que je lance aux Mauriciens.

Venons-en maintenant aux frais de participation. Il y a quelques mois de cela, vous disiez que certains pays étaient en retard à ce niveau. La situation a-t-elle évolué depuis ?
Je ne citerai pas de nom, mais certains pays ne se sont effectivement toujours pas acquittés de ces frais. On les relancera lors de la réunion du CIJ (Ndlr : Conseil international des Jeux) de février prochain. Ils seront rappelés à l’ordre.

Après les confirmations, la population des Jeux se chiffrera à combien ?
On est actuellement à 2243. Ce qui comprend les athlètes, entraîneurs et officiels pour ne citer que ceux-là. Mais d’ici fin avril, ce chiffre risque de changer avec les confirmations finales et définitives.

Sur un plan purement organisationnel, peut-on savoir où en sont exactement les rénovations sur les différents sites ?
Nous sommes à 95% « on target ». Au moment où je vous parle, je dirai que nous sommes dans les temps.

Certaines fédérations ont été contraintes de ne pas organiser de championnats en raison des rénovations entreprises sur différents sites de compétition. Le COJI avait-il discuté avec les fédérations pour trouver des alternatives ?
Si ma mémoire ne me fait pas défaut, nous avons eu des discussions préliminaires avec les fédérations à la fin de 2017. Nous nous sommes ensuite rencontrés en début de 2018 et le COJI les ont informé qu’il fallait prendre les dispositions nécessaires en cherchant une alternative par rapport aux circonstances. Je précise que le COJI ne peut être tenu responsable de la situation. Cela relève des discussions entre le ministère de la Jeunesse et des Sports et les fédérations concernées. Il n’empêche que nous comprenons ce problème et que nous compatissons.

Le complexe sportif de Côte d’Or est le dossier chaud de ces 10e JIOI. À sept mois des Jeux maintenant, Côte d’Or sera-t-il prêt ou pas ?
Le COJI est en contact permanent avec le MMIL (Ndlr : Mauritius Multisports Infrastructure Ltd) responsable de ce projet, afin d’évaluer la progression des travaux. Nous avons même demandé un « cut-off time » pour savoir si le complexe sera prêt dans son ensemble ou alors, qu’elle partie pourra être utilisée. Car il est très important pour nous de savoir, bien à l’avance, si nous devrions faire des changements ou pas, en fonction des nouvelles dispositions à prendre tant au niveau logistique qu’organisationnel.

Nous avons donc demandé qu’une date nous soit soumise pour la bonne marche de l’organisation. Car il ne faut pas non plus qu’on vienne nous informer le 1er juin que Côte d’Or ne sera pas prêt. Pour l’heure, on fait comme-ci le complexe n’existe pas. S’il est prêt à temps, ce sera la cerise sur le gâteau. L’idéal serait que nous ayons des informations précises du MMIL à la fin du mois de février. Il est très important qu’on nous dise à cette date quelle partie du complexe sera prêt ou pas. Car passer cette période, ce sera difficile pour le COJI d’envisager des changements.

Venons-en maintenant à la piscine Serge Alfred. Pourquoi le COJI n’a-t-il pas pris les dispositions nécessaires dès le départ pour qu’elle soit remise à neuf ?
Il m’est difficile de répondre à cette question dans la mesure où je n’étais pas encore en poste à ce moment précis. Je pense que la AUGI (Ndlr : Association for the Upgrading of Infrastructures) est mieux placée pour le faire. Ce que je sais, c’est que cette piscine n’est pas aux normes et le remettre à neuf aurait coûté une fortune, tout en sachant qu’on aura bientôt une piscine olympique à Côte d’Or.

A l’heure où nous vous parlons, la compétition de natation se déroulera où exactement ?
Nous avons pris contact avec Médine et SPARC à ce sujet. Des propositions ont été faites pour ce qui est de l’utilisation de la piscine et du terrain de rugby. Médine avait fait une première offre qu’elle a ensuite revu à la hausse. Nous avons jusqu’à fin février pour faire part de notre choix qui est de prendre les deux ou une seule des infrastructures. Ce qui corrobore avec la période annoncé pour le « cut-off time » demandé au MMIL pour Côte d’Or. J’ajouterai qu’à part Médine, nous n’avons pas d’autre choix.

Après avoir évoqué un chiffre de Rs 200 000 pour toute la durée des deux compétitions, combien coûtera maintenant la location avec ces derniers développements ?
Je ne peux avancer de chiffre pour le moment étant donné qu’aucune décision n’a été prise et qu’aucun accord n’a été finalisé. J’ajouterai qu’il y avait une composante que nous n’avions pas pris en compte, soit les membres des clubs qui payent déjà pour profiter de ces infrastructures de SPARC. Il y a aussi la question d’aménagement des gradins et toute la logistique à mettre en place. Nous sommes actuellement à évaluer les différents coûts et voir ce qui conviendra le mieux au COJI. Soit on prend un « all-inclusive package » avec Médine, soit on prend les infrastructures seulement et on fait installer les gradins et autre aménités.

Ne pensez-vous pas cependant, qu’il pourrait y avoir une situation de conflit d’intérêt dans le cas où SPARC est retenu étant donné que votre frère (Ndlr : Thierry Sauzier) est le CEO à Médine Group ?
Je précise qu’à aucun moment des discussions entamées avec Médine, les négociations ne fut prises avec mon frère. Médine possède déjà des professionnels de très haut niveau pour le faire. Toutes les discussions avec Médine ont été faites avec les différents employés du bureau du COJI et toutes les retombées ont été ensuite transmis dans un rapport au président du COJI (Ndlr : le ministre Stephan Toussaint) et à ses membres, avec des informations précises soumises à travers des supporting documents.

Si Médine est aujourd’hui le seul à pouvoir offrir des conditions pour la natation, je vois mal comment on pourra traiter avec quelqu’un d’autre. Nous n’avons pas d’autre choix. J’ajouterai que nous sommes à Maurice et que vous trouverez toujours un ami ou un cousin avec qui vous devez traiter. Et dans une autre situation, un frère. Dans le cas de SPARC, je tiens à préciser que tout a été fait sur table et dans une transparence totale. Le bureau du COJI et de son président ont été informés en permanence de l’avancée des négociations. J’aurai pu aussi me retirer des discussions, mais cela n’aurait certainement pas évité toute interprétation et autre amalgame. On a tous la conscience tranquille.

Venons-en maintenant financement de ces Jeux. Valeur du jour, le coût global se chiffre à combien ?
Je vais uniquement parler de la somme qui concerne le COJI. Nous avons un budget de Rs 450M dont Rs 315M est financé  par l’Etat (22%). Nous avons « target » Rs 100M des sponsors (22%) et Rs 35M provenant de la contribution des différents pays (8%).

Vous disiez, il y a quelques mois, que les sponsors étaient timides. Est-ce que cela a évolué depuis?
Sincèrement, nous étions à un moment donné très concernés par la situation. Il n’empêche que les choses ont beaucoup évolué depuis, avec notamment la signature de quatre gros sponsors que sont QBL (Quality Beverages Ltd), SBM (State Bank Of Mauritius), Mauritius Telecom et KFC (Kentucky Fried Chicken).

Nous avons une dizaine d’autres sponsors pratiquement finalisés et dont le montant de la contribution atteint environ une vingtaine de millions de roupies. Nous sommes aussi en discussion avec une autre dizaine de partenaires et nous espérons avoir encore Rs 15M. Ce qui nous fera dans les Rs 94M sachant que nous continuerons à chercher encore des fonds lors des mois à venir. Je viens d’ailleurs d’avoir la confirmation d’un Gold sponsor qui contribuera entre Rs 8M et Rs 10M.

L’agence RSVP Events a-t-elle donné les résultats que vous attendiez jusqu’ici ?
Tout à fait. Nous sommes entièrement satisfaits du travail accompli par RSVP Events, tout en sachant que c’est le COJI qui a ramené les plus gros sponsors. J’ai été aux côtés des membres de cette agence lors des premiers rendez-vous et ils ont ensuite pris les choses en main en rencontrant entre 125 et 150 clients. Valeur du jour, cette agence a ramené un peu plus de Rs 13M. J’ajouterai que c’est ce genre de sponsoring qui est souvent le plus difficile à trouver et que nous n’aurions certainement pas pu faire ce que RSVP Events a fait. Le COJI et moi-même ne regrettons à aucun moment ce move de recruter une agence pour récolter des fonds.

Peut-on savoir à quelle hauteur se situe la commission allouée à cette compagnie sur ce dossier ?
Il n’y a aucun problème à vous le dire. RSVP Events bénéficiera d’une commission à flat rate de 4% sur ce qu’il ramènera. Valeur du jour, on dira que cette agence touchera environ Rs 500 000 sur les Rs 13M récoltées.

Avec autant de millions de roupies investies pour ces Jeux, ne pensez-vous pas que Maurice se retrouve dans l’obligation à ne pas rater le coche ?
Maurice ne pouvait en faire autrement que d’investir dans une compétition d’un tel niveau. Maurice avait un choix à faire et son choix a été de mettre les moyens pour donner à cet événement qu’est le JIOI toutes les chances de réussir. Je persiste à croire que n’importe qu’elle pays qui se respecte en aurait fait autant. Pour tenir, de nos jours, une organisation aussi importante que les JIOI, cela implique un budget de taille. C’est la raison pour laquelle je dis : We can’t have a champagne taste with a beer budget.

Il n’y aura pas de Village des Jeux comme cela se fait partout ailleurs dans l’organisation des grands événements sportifs. Ne pensez-vous pas que c’est une grosse lacune ?
C’est tout à fait vrai de dire qu’on retrouve un Village des Jeux lors des grandes manifestations sportives internationales. Il n’empêche que la construction d’un tel projet immobilier aurait impliqué beaucoup de choses, dont un coût énorme avoisinant les Rs 1 milliard de roupies. Il aurait aussi fallu beaucoup de temps pour le construire ces appartements qui auraient ensuite été vendus au grand public. Il n’empêche qu’un projet immobilier de cette ampleur aurait dû démarrer quatre ans au moins avant les JIOI.
J’ajouterai qu’il nous aurait aussi fallu, dans le cas de la construction d’un Village des Jeux, mettre en place une logistique énorme au niveau de l’organisation et aussi un volume de personnes encore plus important entre autres. Maurice avait-elle les moyens de le faire ? Je n’en suis pas convaincu. J’ajouterai que loger les athlètes dans les hôtels est un investissement dans l’économie dans une période creuse et c’est à la satisfaction de toutes les parties concernées.

Vous conviendrez que l’absence de ce village enlève, dans un certain sens, cette ambiance conviviale des Jeux. Comment le COJI compte-t-il justement créer la magie qui opère dans ces moments très particuliers?
Je dirai d’abord que pour réussir une belle compétition, il est important que les athlètes soient mis dans les meilleures conditions possibles, notamment pour ce qui est d’un bon niveau d’hébergement et de restauration entre autres. Ils seront logés dans des hôtels du nord de l’île et au COJI, on mettra en place des activités et un regroupement sur un point stratégique pour qu’il y ait ce mélange, ce partage entre les différentes délégations. Le COJI fera un gros effort pour créer cette ambiance et nous espérons que toutes les délégations y participeront.

Rodrigues sera, une fois encore, impliqué dans l’organisation des Jeux avec la compétition par équipe de judo et le semi-marathon. Comment vont les préparatifs de ce côté ?

Je suis pleinement satisfait du travail qui a été entrepris à ce niveau dans l’île. J’y étais il y a un mois et on peut sentir l’engouement des organisateurs. J’ai eu l’occasion de visiter le gymnase Malabar et je suis content de voir ce qui s’y passe. La Commissaire Rose de Lima Edouard était aussi à Maurice pour assister à sa première réunion du bureau du COJI et c’est une très bonne chose, d’autant qu’elle y participera désormais de façon permanente cette année. Sans oublier que le président de COJI Rodrigues, Rodney Castel sera appelé à venir présenter régulièrement l’avancée des travaux. Les relations sont très cordiales entre les commissions de Maurice et les sous-commissions de Rodrigues. Je vais donc dire quet tout set passe bien et ce, à notre grande-satisfaction.

Pour conclure, des Jeux réussis se résumeraient à quoi selon vous ?
La réussite des 10e Jeux des Iles repose essentiellement sur trois composantes qui sont l’organisation, les compétitions sportives et la participation du peuple mauricien. Lorsque ces trois composantes seront en totale fusion, la réussite des Jeux sera totale. Ce n’est donc non seulement une bonne équipe sportive qui nous fera triompher aux Jeux, mais bien toute une nation prête à s’unir pour l’événement derrière son quadricolore.

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