(Élections 2019) Journal intime – Roder bout, tout un art

Prénom : Roder, Nom : Bout. Alors que les politiciens font les yeux doux à l’électorat, ils en font de même aux politiciens. Leur principal objectif : gagn zot bout au moment du partage du gâteau après les résultats des législatives. Véritables caméléons, ils changent de couleurs comme bon leur semble pour rester aux côtés des puissants et jouir des privilèges qui vont avec. Nous avons pu mettre la main sur les pages du journal intime d’un de ses mammifères, de retour dans notre paysage après cinq années. Ci-dessous des extraits de ce qu’on a pu y lire.

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“Depuis quelques semaines, je ne sais plus où donner de la tête. Je vois des bout partout. Enn ti briani par-si, enn ti promes travay par-la, enn ti bout laplaz ou marekaz pou fer lotel par-la. Ayo vouzot, je me sens comme la reine du bal. Ça m’émoustille. Dommage que ça ne revient que chaque cinq ans et pour un nombre limité de jours. Raison de plus de bien cogiter avant de décider quel bout choisir.

“À l’insu de mon plein gré”.

À ce propos, si jamais vous lisez ce récit, chers messieurs et mesdames de l’ADSU, je tiens à préciser que ce n’est pas du tout, alors là pas du tout, le bout auquel vous pensez. Épargnez-vous la peine de faire une descente chez moi avant le lever du soleil. Vous ne trouverez rien. Tout comme le disait la marionnette d’un ancien champion cycliste français dans l’émission Les Guignols de l’info, “je ne me suis jamais drogué, ou alors à l’insu de mon plein gré… et en toute petite quantité.” Bon, j’ai un peu triché. Lui, c’était le dopage, mais vous aurez compris…

Une question me taraude. Faut-il vraiment choisir un parti ? Papa n’avait pas choisi, lui. Grand-père non plus. L’exemple vient d’en haut, même si zot kourt-kourt tou lede. En tout cas, moi je m’en souviens. Un coup, ils étaient avec un danseur de flamenco avec ses habits rouges; un coup avec un vieux monsieur qui passait son temps à zour zoure; et un autre coup encore avec un certain Moustas. Après y’avait aussi une zoli mamzel avec un coq. J’ai pas bien compris. Les noms m’échappent. C’est dommage. Ça doit être l’âge. C’est fou d’ailleurs, chaque cinq ans, toute l’île Maurice a tendance à oublier des choses très importantes du passé. Serait-ce une sorte d’amnésie collective qui se déclenche dès qu’on annonce la date des élections ? Peu importe ! Revenons au sujet : moi !

Rann enn servis.

Laissez-moi vous dire, et même vous redire que, chez nous, on est roder bout de père en fils. Mon arrière-grand-père a initié notre mouvement au tout début de l’indépendance du pays. Avant même que les fils ne prennent la place de leurs pères. Nous avons fait comme eux, les politiciens. Nous transmettons nos privilèges de père en fils. Que ce soit par l’imposte ou dans les coffres-forts. Désolé, je m’égare ! Je disais donc que mon aïeul a transmis cette passion roderboutienne (oui ça existe) à mon grand-père, qui l’a lui-même transmis à mon père. Aujourd’hui, c’est à mon tour de tenir fièrement le flambeau de la famille, et je ferai en sorte que mes enfants en fassent de même le moment venu. L’honneur de la famille en dépend.

Pas question de travailler dur pour mériter son ascension sociale. C’est plus facile quand tu es le cousin du mari de la cousine du ministre ou si tu rann enn servis, en acceptant qu’on fasse une réunion nocturne chez toi ou si tu vas coller des affiches le soir. Note personnelle : demander si on peut faire ces choses-là dans la journée, la prochaine fois. J’ai un peu peur de ces chauves-souris qui semblent pe rod zot bout lor mo pie mang.

À part ça, vous avez vu toutes ces couleurs qui égayent nos ronds-points, nos pylônes électriques ou nos mains courantes. Kan dir ou pei arkansiel, ki ou ti krwar ? Mais cet affichage de couleurs me pose un problème ethnique. Ou faut-il dire éthique ? J’en perds mon français. Moi qui adore le mariage de couleurs, j’ai bien du mal à choisir. Y’a de l’orange, y’a du mauve, y’a du rouge. Il y a du jaune aussi, maintenant. Réforme des couleurs, qu’ils disent. Bon, c’est clair, mon choix de vote ne sera pas tributaire de ma couleur préférée.

L’argent et les avantages.

Ces messieurs, qui semblent détenir chacun des droits d’auteur sur une couleur, sont tous de bons partis, à ce qu’on m’a dit. Pa zis politik la, in ! Y’en a un surtout qui serait un vrai galan polipot et un fin danseur. J’ai hâte de voir ce qu’il me propose. Mais les autres ne partent pas battus d’avance. À condition que leurs propositions respectives soient à la hauteur de mes attentes. De toute façon, j’ai levé la main droite et j’ai juré : Moi roder bout, je ne serai pas fidèle à un bord. J’irai là où seront l’argent et les avantages.

Moi, je suivrai uniquement le plus offrant. Enfin, sauf si les offres sont toutes à la hauteur de mes espérances. Bref, on verra après… Pour l’instant, ce qui compte, c’est d’écouter attentivement et de faire ce qu’il faut et quoi qu’il en coûte pour avoir mo bout, enfin mes bout. Je ne m’y retrouve plus dans ce capharnaüm. Papa m’a toujours dit : pran pli gro bout dan gato-la. Mais comment savoir si toutes les parts du gâteau qui m’ont été promises me seront vraiment remises après le 8 novembre ? Mais non, je m’inquiète pour rien. Il n’y a pas plus honnête qu’un politicien mauricien. Qu’un oiseau me chie dessus si je mens. Merde ! Sale volatile ! Heureusement que j’avais du tissue sur moi. Bizin zwe loto, la sans ar mwa sa kou la !

Sinon, j’ai un message à faire passer à ceux qui organisent des congrès le soir. Pourriez-vous faire en sorte qu’il n’y en ait pas deux ou trois en même temps, siouple ? Y’en a marre de courir dans tous les sens pou montre figir chez chaque parti ou alliance. Je ne voudrais pas qu’on dise que je n’étais pas là et que je ne mérite pas mo bout. Je ne fais que m’entraîner pour un éventuel futur poste de fonctionnaire. Je ne voudrais pas risquer de perdre mon boulot en étant à mon poste trop souvent.

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