Kalpana Koonjoo-Shah : « Je suis révoltée par la violence à l’égard des femmes »

« Je suis révoltée par la violence à l’égard des femmes », affirme Kalpana Koonjoo-Shah, la nouvelle ministre de l’Égalité des genres et du Bien-être de la famille. Dans l’interview qui suit, elle souligne la nécessité de sensibiliser la population à ce phénomène. Elle parle aussi de l’entrée en vigueur très prochaine du Children’s Bill et annonce un audit sur la situation dans les “shelters”. Elle trouve que la place d’un enfant n’est pas dans un abri. Fille de l’ancien ministre, Prem Koonjoo, l’élue de circonscription No 7 (Piton/Rivière-du-Rempart) soutient que c’est à travers son père qu’elle a pris goût pour faire de la politique active. « Monn kwi lakol, monn kol lafis », dit-elle.

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Est-ce votre père qui vous a initiée à la politique ?

C’est un fait qu’avec un père politicien, tout enfant tombe dans cette marmite dès son plus jeune âge. Cela a été mon cas. Enfant déjà, j’étais très enthousiaste pour aider mon père à préparer ses campagnes électorales. Monn kwi lakol, monn kol lafis. Donc, le “bug”, je l’avais déjà dans le sang. J’ai beaucoup appris de mon père. Il m’a, comme vous le dites, initiée. Et il m’a surtout encouragée et encadrée dans mon parcours. Je lui serais toujours reconnaissante de m’avoir si bien formée. Et je dis aussi merci à mon leader, Pravind Jugnauth, qui a cru en mon potentiel et qui m’a offert un ticket, et maintenant un maroquin ministériel.

Quelles sont vos priorités en tant que nouvelle ministre ?

Ma priorité est de tout mettre en œuvre afin que la question d’égalité hommes/femmes ne reste pas un concept flou dans la tête des gens. Il est primordial que les gens comprennent que c’est une réalité. Nous devons tous respecter le fait que les femmes ont les mêmes droits que les hommes dans tous les domaines… qu’il soit économique ou social. Je veux d’une société inclusive où les femmes ont leur place et leur contribution. Je veux aussi que mon pays soit celui où les familles sont unies et heureuses. J’ai à cœur le développement et l’épanouissement de tous les enfants de la République.

À quand l’entrée en vigueur du Children’s Bill ?

La présentation du Children’s Bill à l’Assemblée nationale compte parmi mes “top priorities”. Il en va de même pour le gouvernement. J’estime qu’on n’a que trop tarder sur ce projet de loi essentiel pour la protection des enfants de la République. Le Children’s Bill figurait d’ailleurs à l’agenda de l’Assemblée nationale avant sa dissolution. Mon prédécesseur a fait un travail colossal dans la préparation de cette législation, et donc je peux affirmer que la machinerie est en branle. Le public et tous ceux concernés par ce projet de loi sont au courant de ce qu’il contient. C’est un projet de loi qui a été monté et rédigé dans le consensus. Bien sûr, il y a des avis divergents, c’est un fait que nous ne pouvons tous être d’accord sur tout. Mais nous pouvons discuter et trouver des solutions. En tant que ministre responsable du développement et du bien-être des enfants, je m’engage à toujours travailler dans l’intérêt supérieur de ces derniers. Même si je ne peux à ce stade dire quand le projet de loi sera débattu et voté, je peux assurer la population qu’il figure parmi les projets de loi prioritaires du gouvernement.

De nombreux cas d’agression à l’encontre des femmes ont été répertoriés ces derniers temps. Allez-vous durcir la loi ?

La violence à l’égard des femmes n’est pas seulement un problème légal. C’est un problème individuel et sociétal, et mon ministère travaille pour changer les mentalités et promouvoir l’égalité des genres, porter l’enfant au summum de son développement et faire en sorte que le bien-être de la famille puisse être une priorité. Nous voulons tous d’une loi plus proactive pour protéger les victimes… L’objectif principal est que la violence ne se produise pas. La prévention doit être une part majeure de notre action. Donc, sensibilisation et éducation des citoyens. Mais il est important que les victimes se sentent protégées au moment où elles viennent dénoncer. Au-delà des lois, face à la violence domestique, il nous faut viser la tolérance zéro.

Cela dit, je suis révoltée par les cas de violence perpétrés à l’égard des femmes et des enfants, tout comme à l’égard des hommes. Il y a eu certes plusieurs cas d’agression où les victimes étaient des femmes. Certaines ont même perdu la vie. En tant que femme, je peux vous dire que je ne peux ni cautionner ni ignorer de tels actes de barbarie.

Faut-il durcir les dispositions de la Domestic Violence Act ?

Cette loi a été amendée en 2016 pour justement prévoir des peines plus sévères à l’encontre des agresseurs reconnus coupables. Je rappelle que pour un premier délit, l’amende est passée de Rs 25 000 à Rs 50 000. En cas de récidive, l’amende passe de Rs 50 000 à Rs 100 000. Et une troisième fois ou après, le coupable risque une peine d’emprisonnement allant jusqu’à cinq ans. Je rappelle aussi que la définition de violence domestique a été élargie. Il comprend désormais d’autres délits comme le harcèlement, les menaces, les insultes ou les abus économiques.

La difficulté pour les femmes de porter plainte dans les postes de police est une réalité. Allez-vous revoir cette situation ?

Le travail qui reste à faire ne doit pas occulter ce qui a été fait ou qui est fait. Une Woman Constable dans chaque poste, par exemple, cela aide. Mais il faudrait aussi pouvoir harmoniser des actions. La police pourrait, par exemple, informer les victimes qu’elles peuvent, en sus d’une plainte au poste, s’adresser concurremment au Family Support Bureau qui peut intervenir parallèlement.

Il y a très peu de femmes au Parlement. Quel est votre avis ?

On ne peut tout résumer à une question de mathématiques. Il faut aussi penser en termes de qualité, de substance… Les récentes élections sont venues changer la donne. Au sein du gouvernement, on dénombre 14 femmes au Parlement, dont dix au sein de la majorité gouvernementale. Nous avons trois femmes au Conseil des ministres et trois PPS. Je trouve que c’est déjà un grand pas dans la bonne direction. Je peux vous assurer que ce gouvernement croit fermement à la participation active des femmes en politique. Et quand nous disons cela, we do not just talk… but we walk the talk. Je dois dire aussi que la femme a été bien traitée durant la campagne électorale.

De nombreux cas de maltraitance ont été répertoriés dans les “shelters”. Allez-vous régulariser la situation ?

L’État mauricien est signataire de la Convention sur les Droits de l’Enfant depuis 1990, cela vous le savez certainement. En tant que signataire, nous sommes tenus de respecter les différentes clauses de cette convention. Nous avons donc l’obligation de nous donner les moyens pour que les enfants mauriciens puissent réaliser, profiter et jouir chacun de leurs droits.

Depuis l’adhésion de Maurice à la Convention sur les Droits de l’Enfant, le gouvernement et le ministère dont j’ai maintenant la charge ont multiplié les actions et les initiatives pour améliorer le sort et la situation des enfants à Maurice, Rodrigues et Agalega. Améliorer l’encadrement légal est un moyen sûr et efficace pour pouvoir par la suite établir et améliorer les structures et services afin de mieux encadrer les enfants.

Je me propose de commanditer un audit sur les abris du ministère et d’autres structures qui tombant sous notre responsabilité afin que je puisse avoir une idée claire et nette de la situation. Cela me permettra de revoir, si besoin est, le fonctionnement des abris pour enfants. Si vous me demandez mon avis, je vous dirai que la place d’un enfant n’est pas dans un abri, mais bien au sein de sa famille. Mais si cette famille constitue un danger pour cet enfant, alors sa place n’y est plus. Et c’est là que nous intervenons. À charge pour nous en retour d’assurer la sécurité et le bien-être de cet enfant.

Pensez-vous que les élections générales ont été “free and fair” ?

Bien sûr que les élections ont été “free and fair”. Elles l’ont toujours été. Nous sommes dans un Etat de droit, ne l’oublions pas. D’ailleurs, les membres de la Commission électorale sont souvent appelés à superviser des élections dans la région. Des membres des pays de la SADC étaient, comme vous le savez, à Maurice pour les dernières élections et ils ont soumis leur rapport. Ils ont été clairs, je cite : « La mission note le caractère transparent, fiable, crédible du processus électoral à Maurice ainsi que la confiance entre les acteurs politiques et institutionnels. » Donc, voilà, il n’y a pas que moi, mais même les organisations au niveau régional ont trouvé que ces élections ont été “free and fair”.

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