Kalyan Ganesh : « Nos PME sont peut-être confrontées à des défis plus ardus »

Les défis ne manquent pas pour les petites et moyennes entreprises. Qu’elles soient au niveau local ou international, les PME doivent s’adapter à tout pour rester dans la course. Mais la situation de celles à Maurice semble plus difficile étant donné la faible demande intérieure, limitant ainsi leur capacité à être efficace en termes de volume. Par ailleurs, elles sont confrontées à des importations qui étouffent leur rentabilité. C’est ce que pense Kalyan Ganesh, expert du Bureau international du travail (BIT), qui est à Maurice pour le programme de formation SCORE, en collaboration avec le National Productivity and Competitiveness Council.

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Quel est l’objectif d’un tel programme à Maurice ?

SCORE signifie “Sustaining Competitive and Responsible Enterprises”. C’est un programme de formation du BIT mis en œuvre avec succès dans plus de 2 000 entreprises à travers 20 pays dans le monde. Le programme, qui a bénéficié de plus de 400 000 employés, a pour objectif d’améliorer la productivité et les conditions de travail des petites et moyennes entreprises qui n’ont généralement pas accès à des conseils ou à une formation de qualité, ni aux moyens de rechercher un soutien externe similaire. Actuellement, l’initiative pilote du BIT, visant à présenter SCORE à Maurice, en collaboration avec le NPCC, consiste à promouvoir l’adoption de ce programme phare qui a bien été accueilli dans le monde entier au profit des PME. Il est à noter que 91% des entreprises, ayant bénéficié de cette formation, sont satisfaites et que des améliorations de productivité allant jusqu’à 50% ont été démontrées. Pour un pays comme Maurice, qui vise à renforcer ses capacités, un programme comme celui-ci arrive à point. Celui-ci compte susciter l’intérêt des organisations locales pour qu’elles adoptent les meilleures méthodes et stratégies de productivité afin de devenir plus compétitives. Les PME du monde entier sont les principaux fournisseurs d’emplois, constituant l’épine dorsale des économies. Les PME mauriciennes ont tout à gagner à travers le programme SCORE.

Selon vos observations, comment décririez-vous l’environnement de travail des PME à Maurice ?

Les PME du monde entier font face à des défis similaires : elles ont des difficultés à accéder aux investissements nécessaires à leur expansion, à l’embauche et au maintien en poste de main-d’œuvre qualifiée, à la concurrence des importations, en particulier celles de pays capables de produire mieux et plus rapidement. Elles ont du mal à s’adapter aux dernières technologies. En période de pression du marché, de fluctuation économique et de ralentissement, nombre de PME ont du mal à rester compétitives. Les PME mauriciennes sont peut-être confrontées à des défis plus ardus compte tenu du fait que la demande intérieure pour ce qu’elles produisent est faible, ce qui limite leur capacité à rester efficace en termes de volume et que les importations autorisées avec des concessions étouffent leur rentabilité. Au cours de la première semaine d’engagement, ici à Maurice, avec quelques petites entreprises sélectionnées, nous avons constaté que la taille moyenne des opérations est beaucoup plus petite que des entreprises similaires ailleurs dans le monde, ce qui aggrave le problème. Les chefs d’entreprise que nous avons rencontrés ont évoqué leurs préoccupations immédiates ainsi que les défis uniques auxquels leurs opérations sont confrontées. Les entreprises rencontrées réclament un soutien pour les gérer et SCORE peut montrer la voie à suivre dans ce contexte précis. Il existe de nombreuses façons d’améliorer la productivité, mais SCORE propose une approche simpliste, mais globale de la formation de personnel, aide les entreprises à franchir les étapes essentielles vers la compétitivité à un rythme soutenu, tout en restant proches du développement rapide des capacités nécessaires. Contrairement à d’autres programmes de formation similaires, SCORE vise à créer une forte culture d’amélioration basée sur le respect, la confiance et une meilleure communication sur le lieu de travail, impliquant tout le monde — les gestionnaires, les superviseurs et les employés.

Les employeurs attendent toujours une productivité accrue de leurs employés. Mais si le secteur des affaires lui-même ne va pas bien, comment peut-on y arriver ?

La compétitivité signifie rester compétitif dans tous les types de compulsions du marché. La plupart des secteurs industriels connaissent des hauts et des bas et, lorsque de telles fluctuations surviennent, les petites entreprises, qui produisent et alimentent des entreprises plus grandes ou directement sur les marchés, sont les plus touchées. Le travail visant à développer les forces et les capacités nécessaires dans notre industrie doit commencer par elles. La productivité individuelle d’un employé est sans doute la pierre angulaire d’une organisation qui l’emploie, mais ce que cette dernière n’arrive pas à reconnaître, c’est l’optimisation des compétences, des capacités de chaque travailleur, des ressources limitées, le capital et les technologies en place pour fournir des performances optimisées selon les exigences du marché. D’ailleurs, la notion de la productivité est perçue différemment par différente personne. SCORE aide les PME à devenir plus efficaces et agiles, c’est-à-dire qu’elles apprennent à planifier et à travailler de manière optimale, à réduire, voire à éliminer les gaspillages, à développer une flexibilité pour gérer les fluctuations des conditions du marché et les demandes en évolution constante. En cas de besoin, elles doivent être en mesure de se présenter rapidement, voire de s’adapter aux demandes émergentes du marché et des clients.

Nous avons déjà des institutions de formation dans le pays. En fait, beaucoup sont invités à former des employés des secteurs public et privé. Qu’est-ce qui est différent avec le programme SCORE ?

La différence demeure dans la manière dont la formation est dispensée, avec une approche qui engage les gens de manière différente tout en transférant des connaissances et de nouvelles idées. Il existe de nombreux Unique Selling Points (UPS) du programme SCORE. D’abord, c’est un programme qui traite d’importants aspects de la productivité et de la compétitivité. La formation est dispensée conjointement aux gestionnaires, aux superviseurs et aux travailleurs. Il ne s’agit pas uniquement d’une formation en classe, mais d’une phase essentielle impliquant une assistance continue pendant 10 à 12 semaines supplémentaires dans les locaux de l’entreprise, où le formateur met en place les mesures visant à apporter les améliorations convenues. C’est aussi un programme structuré utilisant des méthodes de formation adaptée pour adultes. Outre les sujets liés à la productivité, il encourage fortement les entreprises à agir de manière responsable dans tous les domaines, en tenant dûment compte de leurs responsabilités sociales, en veillant à la protection de l’environnement et en assurant la sécurité et la santé des employés, pour finalement tous les impliquer dans la croissance et la performance.

Pour que les cinq modules du programme soient correctement mis en œuvre, des investissements sont également nécessaires. Pensez-vous que les entreprises sont prêtes à investir lorsque les conditions économiques ne sont pas favorables ?

Toutes les bonnes choses ont un prix. Ce projet pilote est actuellement financé par le BIT dans le cadre de son initiative mondiale visant à promouvoir le travail décent. Le programme a apporté des avantages aux entreprises comme témoigné par plusieurs chefs d’entreprise dans beaucoup de pays. On a trouvé des économies substantielles en termes de coûts, une production accrue avec moins d’intrants et une assistance continue pour aider les entreprises à réduire, voire éliminer les gaspillages dans leurs opérations qui avaient ralenti leur développement.

Les chefs d’entreprises mauriciens devront certainement être convaincus que l’adoption de SCORE entraîne des avantages directs. Nous espérons que ce projet pilote livrera ses premiers résultats dans les trois prochains mois. Dans d’autres pays, de nombreux chefs d’entreprise sont heureux de payer pour ce type de formation offerte par le biais d’organisations réputées comme le NPCC à Maurice. En ce qui concerne les autres coûts, les investissements importants nécessaires pour les améliorations de base sur le lieu du travail, l’introduction d’une nouvelle technologie ou l’acquisition de compétences supplémentaires, nous pensons que les entreprises prendront les décisions qui conviennent à leurs besoins imminents de manière pragmatique. Lorsque des améliorations de la productivité et de l’efficacité permettent de réduire les coûts, les entreprises disposent automatiquement d’un “cash-flow” amélioré pour réaliser les investissements appropriés.

SCORE est en effet une solution viable dans des conditions économiques difficiles, car une grande partie des améliorations peuvent être mises en œuvre avec des investissements nuls – c’est-à-dire en rationalisant et en adoptant de nouvelles méthodes de travail.

De nombreuses organisations réduiront probablement leurs effectifs pour les remplacer par la technologie à l’avenir. Qu’est-ce que cela pourrait impliquer pour vous ?

Ce n’est pas vrai du tout. L’introduction de la technologie à travers le monde a contribué à améliorer l’efficacité humaine. Dans les cas les plus rares où il remplace la force humaine, nous avons réussi à recycler la main-d’œuvre ou à la redéployer. Toutes les économies ont évolué au cours des 20 dernières années, avec un déploiement à grande échelle des technologies de l’information. Les technologies du futur exigent en effet que nous nous adaptions alors que la main-d’œuvre libérée pourra être utilisée de manière productive pour créer un travail à plus forte valeur ajoutée. Il s’agit avant tout de rester compétitif et responsable, n’est-ce pas ?

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