À L’ÉCOLE BETHLÉEM : Le dessin, un témoignage authentique et un espace de liberté pour construire ses compétences

Quand l’enfant n’a pas encore les mots qu’il faut pour exprimer une envie pressante de dire une chose, de raconter ses joies ou de dire ses angoisses, le dessin vient à son secours. Mais, pas seulement. Le dessin est aussi une activité qui lui permet de développer son imagination. Là, il choisit les couleurs qui lui plaisent, le jouet qu’il convoite depuis un moment, les formes qu’il veut voir naître de sa petite main de plus en plus habile. Il reproduit son milieu de vie et le dessin devient un témoignage authentique de ce qui l’entoure. C’est ce qui est mis en lumière dans l’exposition « Pour une vie fertile en événements : du gribouillage au dessin figuratif », un ensemble de travaux des petits de l’école Bethléem, que l’on peut visiter au Centre Misereor, au Champ-de-Mars, jusqu’au 10 octobre. Rencontre avec Sylvette Paris-Davy, directrice des crèches et écoles maternelles Bethléem à Port-Louis et Quatre-Bornes, qui nous détaille le but de l’exposition.
« C’est la deuxième fois que nous tenons une exposition sur les travaux des enfants. Celle-ci est assez spécifique, car j’ai voulu montrer aux parents qu’avant d’arriver aux lettres de l’alphabet, il faut d’abord que l’enfant connaisse les différentes parties de son corps. Souvent, on demande à l’enfant en maternelle d’écrire les lettres de l’alphabet. Mais, il faut que l’enfant commence à aller dans l’espace, qu’il acquière la notion des positions gauche, droite, en bas, en haut. C’est son corps qui l’amène à l’étape de l’écriture. Son corps est une référence pour son apprentissage ». C’est ainsi que sur le premier panneau de l’exposition, on découvre les travaux de gribouillage des petits, a priori dénués de sens pour qui n’a pas encore compris l’intérêt de cette étape capitale. Le gribouillage s’applique pour les petits entre 12 et 18 mois. « L’écriture commence par le gribouillage. À travers cette activité, l’enfant arrive à développer sa motricité fine, sa perception visuelle. C’est la première phase qui initie l’enfant au graphisme, pour qu’il acquière l’écrit », nous explique la formatrice en puériculture qui compte 35 ans de métier. C’est ainsi qu’elle laisse les petits « gribouiller dans du sable, dans la farine, sur du papier. Et, petit à petit, le gribouillage prend forme pour devenir de plus en plus organisé ». Pour Sylvette Paris-Davy, il importe de prendre en considération chaque tracé que fait l’enfant.
On découvre le deuxième panneau de l’expo où sont affichés les signes graphiques dessinés par les petits de 3 ans et plus. Des traits debout, des traits couchés, des courbes, des serpentins, des manches de parasol pour tracer la lettre « j », des manches de parasol inversés pour écrire le « f » ; autant de signes graphiques qui aideront les petits à apprendre l’alphabet, étape par étape, et surtout avec une meilleure mémorisation. « Si on va directement à l’alphabet, c’est très difficile pour l’enfant de développer la perception des lettres. Avec le graphisme et le schéma corporel, l’enfant parvient à retenir l’alphabet sans difficulté. L’apprentissage est fait selon son rythme et sa maturité », ajoute Mme Paris-Davy. Les signes graphiques sont aussi utilisés pour faire des dessins, donnant à l’enfant un sentiment de liberté.
Sur le troisième panneau, nous prenons connaissance des dessins libres effectués par les élèves. Lorsque l’enfant arrive à l’école, qu’il soit gai ou triste, il est invité à cette activité. « Non seulement le dessin libre est-il révélateur du caractère de la personne, mais aussi de sa pensée. Parfois, on ne se rend pas compte ô combien l’enfant a d’énergie et d’imagination ! Des fois, à l’école, on leur dit de faire ceci ou cela. Or, il faut leur donner une liberté de pensée », souligne notre interlocutrice.
Sécurité émotionnelle
Quant aux dessins spontanés qui sont affichés sur un autre panneau, ils permettent à l’enfant de « livrer un aspect de son être, un besoin profond. Il n’a peut-être pas les mots pour dire des choses, mais le dessin spontané lui permet de raconter ». On découvre par exemple ce dessin d’un avion fait par un enfant qui devait, par la suite, confier à la directrice avoir toujours eu envie de prendre l’avion. Selon Sylvette Paris-Davy, « le dessin spontané est un témoignage authentique de l’enfant, révélateur de la richesse de son milieu de vie ».
Elle nous cite l’exemple de cet enfant qui a éprouvé beaucoup de tristesse à la séparation de ses parents. « Quand je l’ai rencontré, il m’a dit : « Tu sais, Sylvette, j’aimerais bien avoir une famille. Je voudrais que maman et papa s’asseyent ensemble sur le même sofa. Papa n’aime plus maman et a trouvé quelqu’un d’autre. » Je lui ai alors demandé s’il aimerait dessiner et il a essayé de transposer sa pensée sur du papier. Cela l’a libéré en même temps qu’il a eu quelqu’un à son écoute. Cela l’a aidé à décompresser et contrôler ses émotions. Il s’est senti en parfaite sécurité et a pu exprimer ses sentiments à ses parents. Parfois, si les parents sont d’accord, on arrive à trouver une solution ensemble. Je leur donne cette occasion parce que j’ai une formation en counselling, mais je ne leur impose rien. J’écoute, et dans un deuxième temps, j’interagis. L’important, c’est d’aider l’enfant à se sentir bien dans sa peau. Cette sécurité émotionnelle est capitale dans la vie d’un enfant ».
Vers quatre ans/quatre ans et demi, les petits connaissent déjà les consonnes, les syllabes, des mots et des phrases. Ils commencent à écrire et les activités énumérées plus haut leur ont donné « le goût et la saveur de la variété des diverses étapes de la langue ». Le découpage et le déchiquetage ont aussi leur importance, car ils développent chez eux la précision. « Cette activité leur permet d’utiliser l’espace à bon escient. Ils développent une bonne adresse sur le plan visuel et manuel. Ils savourent le plaisir de s’exprimer en créant et transformant les matières qu’on leur donne ». Ainsi, un morceau de tissu qu’ils ont été invités à choisir pour la fête des Mères a été reproduit, au moyen de crayons de couleur, sur un dessin représentant la robe de maman.
Sur l’estrade de la salle, un large aperçu des différentes créations des petits sur le thème des animaux des champs. Papier mâché, pâte à modeler, papier mousseline ont donné naissance à une panoplie de jolies petites bêtes.
Un autre panneau met en lumière la transition entre l’imprégnation et la représentation. « Permettre à l’enfant de s’imprégner de tout est très important, car à l’école, c’est trop souvent : fais ceci, fais cela. Or, l’école c’est la possibilité et la liberté de choisir. À Bethléem, on est là pour ça ». L’école, un espace de liberté pour aider les petits à construire leurs compétences, telle est en quelque sorte la vision de Bethléem.

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