LA CAZE MAMA: Une success story mauricienne à Melbourne

En 2013, je vous avais brossé le portrait de Girish Ramjuttun, jeune Mauricien installé à Melbourne où il avait fait des études en logistique. Avec son épouse Simla, il avait lancé, en part time, un petit business de commercialisation de produits alimentaires mauriciens à Melbourne sous l’enseigne La Caze Mama. Deux ans plus tard, la part time est devenue un full time job familial et au lieu de se contenter seulement de distribuer des produits alimentaires mauriciens en Australie La Caze Mama vient de se lancer dans la production d’une gamme de produits.
Rappelons pourquoi ce jeune Mauricien étudiant en Australie s’est retrouvé importateurs de produits alimentaires ? «Comme tous les Mauriciens qui vivent à l’étranger, un des moyens de se rappeler le pays natal, d’oublier un peu les difficultés du pays d’adoption, réside dans la nourriture. Quand j’étais étudiant et que je ne retrouvais pas tous les produits alimentaires mauriciens de qualité, je suis devenu un petit importateur. D’abord, j’ai importé des produits pour ma propre consommation, puis je me suis rendu compte que beaucoup de membres de la communauté avaient le même besoin de manger mauricien de temps en temps. C’est comme ça qu’avec mon épouse Simla, Mauricienne qui faisait également ses études en Australie, qu’en 2012 je me suis lancé dans l’importation tout en continuant mes études.» Après l’obtention de son diplôme en logistique, Girish décroche un emploi dans une entreprise australienne tout en continuant à importer des produits mauriciens, en part time. Après la naissance de leurs deux filles, Simla décide d’arrêter de travailler pour s’occuper d’elles et de La Caze Mama qui commence à se développer. Au ses touts débuts l’entreprise importait une dizaine de produits et les plaçaient en consignation dans seulement deux boutiques. Puis, grâce à une campagne de communication agressive sur internet, des spots sur 3 Triple Z, la radio communautaire de Melbourne qui diffuse une émission mauricienne tous les samedis, le nom de La Caze Mama et ses produits commencent à être connus. «Mais c’est surtout le bouche à oreille au sein de la communauté qui nous a aidés. Il a fallu convaincre les revendeurs qu’il existait une demande pour les produits mauriciens et les Mauriciens installés à Melbourne ont joué un rôle extraordinaire dans l’expansion de La Caze en demandant à leurs boutiquiers de commander nos produits. La demande est tellement forte aujourd’hui que nous ne pouvons pas toujours la satisfaire, surtout dans certains suburbs éloignés de Melbourne.» Petit à petit, l’entreprise met en place son réseau, augmente la gamme de ses produits et achète un camion frigorifié pour les livraisons. Parvesh, un étudiant qui vient de terminer ses études et d’obtenir son PR, se joint à l’équipe et aide Simla pour les démarches administratives et la livraison des produits. Le père de Girish agit comme représentant de La Caze Mama à Maurice en se chargeant des commandes, des relations avec les fournisseurs et des démarches pour l’importation dans le respect strict des conditions sanitaires australiennes. Une fois les conteneurs vérifiés par la douane et débarqués, Girish et Parvesh se chargent de les faire transporter à l’entrepôt avant de les livrer aux revendeurs dans le network crée par La Caze Mama à Melbourne. Les marchandises destinées à Perth ou à Sydney y sont envoyées par camion ou train, selon les besoins, car depuis ses débuts la petite entreprise mauricienne a non seulement augmenté le nombre de ses produits, mais aussi son network de revendeurs. A ses débuts les produits commercialisés par la petite entreprise étaient vendus dans quelques boutiques seulement. Trois ans après, la petite entreprise dispose d’un réseau de 32 points de vente à Melbourne et 42 dans toute l’Australie avec 8 points à Perth et quelques-uns à Sydney. Pour un observateur «les Mauriciens installés en Australie ont majoritairement gardé des liens avec l’île natale, notamment au niveau de la nourriture. La Caze Mama est devenue un élément très fort dans le maintien de ce lien avec Maurice».
Le produit le plus vendu de l’entreprise est le dhool puri importé de Maurice. «C’est un produit fabriqué selon des consignes spécifiques, avec les meilleurs ingrédients, qui se range dans la catégorie ‘export quality’ et qui est très facile à utiliser : il suffit de le réchauffer dans un micro-ondes de mettre le curry ou le chutney que l’on veut dessus et le tour est joué. Le dhool puri importé de Maurice est meilleur que celui fabriqué localement parce qu’il y a dans tout cela un élément fondamental qu’il faut prendre en considération : la manière de faire mauricienne. C’est ça qui donne ce goût particulier que l’on appelle manzé lakaz mama. Nous avons de bonnes ventes aussi sur les différents achards et chutney, ainsi que sur certains produits seafood frigorifiés, comme l’ourite de Rodrigues, dont nous importons 1.5 tonnes par mois. Il y a également une forte demande pour les différentes boulettes que nous importons de Maurice» En trois ans La Caze Mama a connu un développement intéressant du point de vue business, mais Girish ne souhaite pas étendre davantage le réseau de distribution de l’entreprise. «Nous n’allons pas augmenter le nombre de points de vente pour pouvoir continuer à offrir la même qualité de service qui a fait notre réputation. Il vaut mieux consolider nos produits et nos services que de vouloir aller trop vite. Nous devons continuer à trouver de nouvelles avenues pour assurer la viabilité et l’avenir de notre entreprise.» C’est dans cette perspective que, depuis la fin de l’année dernière, La Caze Mama s’est lancée dans une nouvelle activité. «J’ai démissionné de mon emploi en octobre de l’année dernière pour me mettre à mon compte et travailler en full time pour le développement de notre entreprise. Nous avons fait une analyse de nos activités qui a démontré qu’au niveau de l’importation des produits mauriciens – nous en importons 120 – nous sommes pratiquement arrivés à la limite de notre capacité. Par ailleurs, les lois australiennes sont très strictes sur l’importation et il est quasiment impossible d’importer des produits à base de viande. Nous avons opté de contourner la difficulté en fabriquant certains produits alimentaires mauriciens en Australie. En janvier, nous avons loué un warehouse dans la zone industrielle de Narre Warren dont nous avons transformé une partie en petite cuisine industrielle pour commencer à produire des plats typiques mauriciens fabriqués en Australie et, qui plus est, avec de la viande australienne, une des meilleures au monde. Nous appelons ces produits : lunch and dinner options. Nous nous adressons aux personnes qui veulent manger un plat mauricien consistant pour le déjeuner ou le dîner, mais qui n’ont pas le temps d’aller au bazar pour acheter les ingrédients, de les préparer et de les faire cuire. Depuis le mois dernier, ces produits sont préparés et proposés par La Caze Mama, en respectant toutes les conditions sanitaires en vigueur en Australie, et avec les meilleures épices de Maurice. Ils sont proposés en packs frigorifiés. Comme le dhool puri, il suffit de les faire réchauffer quelques minutes au micro-ondes et le tour est joué : un plat mauricien pour deux personnes attend d’être dégusté à un prix très abordable. Plus tard, nous allons proposer un pack avec riz et curry pour un repas complet.» Comment faire remarquer un produit mauricien dans les supermarchés australiens où les produits frigorifiés existent par centaines? «Il y a, effectivement, beaucoup de produits alimentaires frigorifiés en Australie : ils sont chinois, thaï, chilien, indien, arabe, grec, etc. Mais il y a aussi des consommateurs mauriciens et australiens qui ont envie d’essayer de nouveaux produits. Les produits mauriciens que nous proposons sont uniques : un salmi de porc, un kalia d’agneau, une vindaye d’ourite de Rodrigues, plus tard un curry de cerf, du poisson-corne saffrané avec des gros piments. Nous ne voulons pas aller concurrencer les autres cuisines, mais satisfaire la clientèle mauricienne et faire découvrir nos produits aux autres consommateurs. Le succès de La Caze Mama et notre connaissance du marché nous font penser que cette nouvelle activité peut intéresser notre clientèle, à condition que nous maintenions les éléments qui ont fait notre réputation : la qualité du produit et celui du service.» Au niveau qualité, La Caze Mama ne s’est épargné aucun effort avant de mettre ses nouveaux produits sur le marché. Pour choisir les plats, les préparer et mettre en place les structures de la cuisine, Girish a fait appel aux conseils de Jacques, un ami de sa famille qui travaille dans la restauration à Maurice. Ensemble, ils ont choisi les plats, ont étudié leurs coûts économiques, fait des tests pour parvenir au goût parfait. Pour cela, des amis ont été utilisés comme cobayes et leurs remarques et critiques ont été soigneusement observées et certaines retenues. Avant la préparation sur une grande échelle il y a eu une période ou la cuisine était un véritable laboratoire. Au niveau financier, Girish et Simla ont contracté des emprunts bancaires pour développer leur petite entreprise familiale qui travaille pratiquement 24 h sur 24. Car pendant que la cuisine commence à tourner, l’activité d’importation continue et les revendeurs et les consommateurs attendent leurs produits Made in Mauritius. En trois ans, La Caze Mama est passée du stade de petit revendeur amateur à celui de gros importateur professionnel et se lance maintenant dans la production de produits alimentaires, what next ? «Avec l’équipement technique dont nous disposons, nous pouvons réfléchir sur une activité catering pour des petites réceptions, des événements. Mais, pour le moment, nous allons concentrer toutes nos énergies pour lancer notre nouvelle gamme de produits et rembourser nos emprunts. Après, nous verrons. En tout cas, nous allons tout faire pour maintenir les deux éléments qui ont fait notre succès : la qualité du produit et celui du service.»

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