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La Chaumière/La Ferme : Un écrin de verdure frappé par la pollution

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La Chaumière/La Ferme : Un écrin de verdure frappé par la pollution

Bambous, qui abrite La Chaumière et La Ferme, est une région qui s’enorgueillit d’une nature à couper le souffle. Le Réservoir de la Ferme, la montagne Corps de Garde et une étendue verdoyante procurent à ce coin de l’Ouest un cachet enchanteur. Pourtant, depuis quelques années, avec l’installation du centre de déchets de La Chaumière, ce tableau idyllique est devenu pour les riverains, planteurs et éleveurs de la région, un véritable cauchemar au quotidien. Entre incendies, émanation de “fumées toxiques”, mouches et odeurs nauséabondes, cette déchetterie est devenue une source de nuisance qui a raison peu à peu de leur patience et bonne volonté…

Lorsqu’on s’enfonce dans les entrailles du village de Bambous aux abords de Cité La Ferme, le panorama offert dans les hauteurs du réservoir de La Ferme est une invitation au lâcher prise et à la détente. Pêcheurs, randonneurs et férus de nature s’y retrouvent, comme en témoignent les allées et venues de promeneurs munis de sac à dos et autres gaulettes (cannes à pêche). “Bambous, c’était le paradis naguère, avec sa nature, son réservoir, sa montagne. Nous avons aujourd’hui des problèmes sociaux et la pollution, qui ébranlent notre qualité de vie”, avance d’emblée John Anseline, président du conseil de village de Bambous. Une semaine après un énième incendie, qui a éclaté le mercredi 5 août au Centre d’enfouissement de déchets de La Chaumière, si l’odeur de la fumée s’est estompée, cet épisode cauchemardesque est toujours aussi vif dans la tête des habitants du coin.

Au gré du vent

L’abomination que représente ce centre d’enfouissement, situé à proximité d’une zone résidentielle, a du mal à passer. Lors des incendies, la décharge de La Chaumière émet régulièrement “des fumées toxiques et malodorantes, difficiles à supporter pour les habitants. Rien ne change, malgré les promesses”, confie un habitant. Pétitions, dépositions au poste de police, sollicitations des ministères de l’Environnement et de la Santé, des services sanitaires… La liste des démarches est longue. Ce cinquième incendie a eu raison de la patience des habitants et élus de la région, qui réclame des autorités qu’elles trouvent une solution durable pour éliminer cette nuisance.

Nous croisons Pierre. Le pêcheur nous montre une partie d’herbes noircies sur les flancs du réservoir de La Ferme. “C’est le résultat du précédent incendie qui a touché cette région”, laisse-t-il entendre. Plus loin, nous tombons sur Sunil. “Nous avons eu de la chance, les vents soufflaient dans le bon sens pour nous cette fois-ci. Nous avons été incommodés par la fumée et des odeurs incommodantes, mais heureusement les pompiers ont circonscrit l’incendie en deux jours, contrairement aux fois précédentes où nous avons dû vivre pendant plusieurs jours dans des conditions inhumaines.”

Odeurs nauséabondes

Avec les odeurs nauséabondes qui pénètrent jusque dans les habitations, même à travers des portes et fenêtres bien fermées, la situation est encore plus insupportable. Entre méfiance et besoin de s’épancher, les langues se délient peu à peu sur notre passage. “L’odeur est insupportable, souffle Michaël, un résident. Ma femme et moi-même, on a été pris de violents maux de tête.” En attendant la délocalisation prochaine vers un endroit inconnu, qui le hante, Frédéric Hervé, squatter résidant aux abords du réservoir, fait face depuis de nombreuses années à la nuisance que représente cette décharge. “Kan dife ti eklate, ou dibout lor oter la ba, ou trouv zis nwar, pa trouv narnye”.

En plus de cela, dit-il, “pa ti pe kav respire ditou, mem nou ferm la port e la fenet”. Et d’ajouter qu’avec un bébé dans la maison, “c’est encore plus difficile de faire face à ces conditions de vie”. Si la fumée d’un incendie qui éclate dans un immeuble ou une maison est irrespirable, imaginez l’odeur qui émane de tonnes de déchets, confie notre interlocuteur. Vivant dans une maison en tôle et bois délabrée et insalubre, Hervé, sa compagne et leurs proches sont touchés de plein fouet. Cette modeste case inondée à la moindre averse n’est pas un rempart contre l’entrée de fumées et d’odeurs pestilentielles. Sa compagne nous évoque aussi le problème des mouches, qui été comme hiver, jour comme nuit, les harcèlent au quotidien. “Quand nous dormons le soir, nous ne respirons pas un air sain ; nous dormons et nous nous réveillons avec ces odeurs.”

L’envers du décor

Nous prenons la direction de La Chaumière. Selon diverses personnes rencontrées, ces terres ont longtemps été connues sous le nom de Sandioudiou (signifiant “terre au fond d’une vallée”). Par ailleurs, le nom par lequel nous connaissons cette région aujourd’hui découle des maraïs (des chaumières) que les planteurs d’autrefois installaient dans leurs champs afin de se protéger du soleil. Cette région bénie de Dame Nature avec sa terre fertile et propice à l’agriculture et l’élevage de bétail a pourtant perdu de sa douceur de vivre. À proximité du site de La Chaumière, les bennes à ordures se succèdent, déversant un contenu qui vient s’ajouter à l’amas de déchets et détritus déjà en place. L’odeur incommodante est bien là, qui va, qui vient, au gré du vent.

Juste en face de l’entrée de la déchetterie, nous croisons deux planteurs du coin. Paul Duval et son épouse Sunita dressent un tableau de la situation. “Avant les plantations et tout cela (il montre la décharge), c’était une région beaucoup plus belle. Boisée, rocailleuse, avec des points d’eau à certains endroits. Nous extrayions les pierres pour faire du charbon et les vendre par la suite pour gagner notre vie”, raconte Paul, qui est aussi un ex-charpentier. Ensuite, avec la mise en place de la Bambous/Plaisance Mixed Farming Cooperative Society, ils ont commencé à cultiver ce lopin de terre. Si les activités aux abords des plantations ont permis de déboiser cette région qui faisait peur, aujourd’hui, les odeurs, mais aussi les voleurs, sont omniprésents, déplore Sunita.

Paul Duval poursuit : “Nous avions le centre de transferts de déchets vers Mare Chicose. Mais depuis que l’unité de compostage de déchets a vu le jour, c’est pire”. L’année dernière, ils ont subi d’énormes pertes suite à l’incendie qui a dévasté le site. “Pendant une semaine, nous n’avons pas pu travailler. Toutes nos plantations fruitières et des plants d’oignons que nous venions de mettre en terre ont été affectés par cette fumée toxique, occasionnant des pertes de Rs 190 000”. Ces riverains n’en peuvent plus. “Nous habitons aussi Cité La Ferme et pensons que le gouvernement n’aurait jamais dû ériger ce centre d’enfouissement ici. C’est dénaturer notre belle région car nous ne pouvons plus respirer un air sain. C’est un changement dramatique par rapport à ce que c’était avant”, avance Paul.
L’impression d’être des laissés pour compte de la société semble s’accentuer davantage au gré des années. Car au-delà de les priver du plaisir banal de respirer un air pur, tous ces problèmes rendent la vie à La Chaumière et Cité La Ferme de plus en plus étouffante…


John Anseline : “L’heure est grave car nous sommes pris pour une poubelle”

“Même sans incendie, la station de compostage est toujours un problème pour les résidents avec les odeurs nauséabondes qu’elle émet. La puanteur se répand à des kilomètres à la ronde et va même jusqu’au stade Germain-Comarmond. Les mouches qui se posent sur les aliments posent un gros problème de santé et salubrité. En cas d’incendie, des fumées toxiques incommodent pendant des jours, et non des heures, les riverains. Nous avons de la chance cette fois-ci que le feu se soit déclaré uniquement dans le centre de transferts de déchets et non au centre de compostage. Nous sommes fatigués que les autorités apportent toutes sortes de projets qui viennent polluer notre environnement. L’heure est grave car nous sommes pris pour une poubelle. Une rencontre avec les instances concernées est prévue cette semaine. Nous y soulèverons certaines questions comme le projet d’incinérateur de déchets médicaux, ou s’il y a un contrôle du nombre de déchets traités par la station de compostage. Nous demandons qu’elle soit délocalisée, ou que des technologies appropriées soient utilisées pour éliminer le problème d’odeur et de mouches.”