La crise de la quarantaine

Vous êtes angoissé. Depuis ce matin vous avez du mal à respirer. La radio ne vous change pas les idées. Vous êtes comme un lion en cage. Vous tournez en rond. Vous prenez négligemment votre tasse de café chaud; manquez de vous ébouillanter. Votre sommeil fut agité. Un cauchemar flotte dans votre psyché.
Pas évident de se remettre les idées en place, après avoir veillé fort tard. Vous réagissez lorsque vous croyez entendre hurler votre nom. Cela vous arrache à votre rêverie. Vous redescendez sur Terre dans un sursaut de conscience. Plus personne ne bouge ; on écoute respirer la planète. Elle semble reprendre ses droits sur une humanité prédatrice et dévastatrice.
Sur votre smartphone des images incendiaires affluent. Vous ne voulez pas sombrer dans une hystérie virale. Vous avez vu des commerces fermer boutique; écouté la rue se faire entendre. Le ventre du peuple a grogné ; une distribution de vivres s’en est suivie. C’est sans doute cela la démocratie participative ? Ce dont vous êtes sûr est que les bas instincts reviennent au galop.
Vous tournez en rond. Vous faites taire la radio et laissez tomber le téléphone. Les nuages se sont dissipés dans la matinée. C’est un temps pour filer à la plage et faire trempette… mais vous préférez éviter les hommes en bleu, la matraque, le taser. Ce confinement vous met les nerfs à vif. Overdose de violence, scène de torture. Cela vous sape le moral.
C’est un mauvais cap à passer. Vous vous évadez. Fermez les yeux, sentez le soleil caresser votre peau, écoutez les oiseaux, le bruissement du vent dans les arbres. C’est beau de vivre sous les tropiques. Vous êtes libre de vous évader. Faites du sport. Protégez votre paix intérieure. Sachons mettre à profit le temps libre dont nous disposons. Le bout du tunnel est loin…
Pourquoi diable avez vous revu ces images atroces ? Pourquoi ces cris apeurés résonnent en vous ? Ces messieurs ne font qu’assurer l’ordre et la paix… Ils nous invitent à regagner notre domicile pour notre propre sécurité et notre bien-être, n’est-ce pas ? Ce serait trop con de chopper le corona. L’état d’urgence ne justifie pas qu’on défonce la gueule des gens.
En France, un confinement jusqu’à la fin du mois d’avril est préconisé par le conseil scientifique. Un enfermement de six semaines voire plus est à prévoir. « Cette mesure sanitaire devra bénéficier d’une large adhésion populaire, comme ceci semble être le cas. » Ne vous noyez pas d’infos anxiogènes. Cela vous rendra malade ! Ecoutez de la musique, faites du sport, faites l’amour, lisez un livre. Goûtez un poème de Baudelaire, entendez sa voix.
Il faut être toujours ivre. Tout est là : c’est l’unique question. Pour ne pas sentir l’horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous.
Et si quelquefois, sur les marches d’un palais, sur l’herbe verte d’un fossé, dans la solitude morne de votre chambre, vous vous réveillez, l’ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l’étoile, à l’oiseau, à l’horloge, à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est ; et le vent, la vague, l’étoile, l’oiseau, l’horloge, vous répondront : « Il est l’heure de s’enivrer ! Pour n’être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous ; enivrez-vous sans cesse ! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. »

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