La Veuve Joyeuse : un brin d’histoire…

PAUL DOMINGUE

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Les représentations de La Veuve Joyeuse, opérette autrichienne de Franz Lehar, tiendront certainement l’affiche comme elle le fut dans une époque lointaine chez nous au Plaza et au Théâtre de Port-Louis. Sans rejeter les formes classiques du théâtre, cette opérette est d’un mouvement orchestral facile et extrêmement suave. C’est une pièce théâtrale prenante qui enchante par des jeux scéniques à expression rythmique subtile mais qui ne coïncide en rien, heureusement, à une amusette de piètre comédie musicale. Le compositeur Franz Lehar, en traçant une ligne de conduite théâtrale populaire et musicale avec de doux et ravissants moments d’un cheminement émotif de sentiments s’affranchissant de langueurs ou même d’éventuels labyrinthes de passions puériles, guide l’audience avec éloquence vers de merveilleuses hauteurs de lyrisme et de bonheur grâce à un fil rythmique mélodieux et harmonieux.

Ce sont les humbles reflets de mes souvenirs nostalgiques de ces doux moments de mes débuts au théâtre, où presque chaque année je jouais du violon avec certains de mes collègues violonistes à l’orchestre lors des représentations de diverses pièces de théâtre, incluant presque toujours la Veuve Joyeuse, par des troupes venant directement de France. Ce fut pour moi des moments prestigieux, où je m’initiais déjà à l’art musical et du théâtre en me frottant avec des professionnels sous la direction experte de chefs français professionnels.

L’orchestre était toujours composé en majeure partie d’instrumentistes mauriciens, certains venant de l’orchestre de la Police, surtout des vents et aussi des cordes, épaulés au premier pupitre par deux ou trois violonistes professionnels de France et d’un violoncelliste français. L’orchestration de la Veuve Joyeuse n’a jamais nécessité un nombre exagéré de musiciens, et les brillants chefs d’orchestres venant aussi de France, avaient toujours les oreilles heureuses en parlant des prestations professionnelles de nos musiciens mauriciens durant la saison théâtrale annuelle.

Je ne veux en rien m’ingérer dans les affaires de ceux qui, semble-t-il, par une certaine forfanterie, veulent manifester un excès, mal à propos, d’une connaissance plus avisée du théâtre et de l’évolution de l’opéra. Mais de là à vouloir connaître le nombre requis de musiciens dans la fosse d’orchestre, j’en suis étonnamment surpris, en toute humilité et sans mauvaise critique, qu’on ait eu recours cette fois, pour La Veuve Joyeuse, à un régiment de 59 musiciens allemands, tout en délaissant les nôtres ayant déjà fait largement leurs preuves professionnelles au théâtre. Cela pourrait être pris comme une défavorable tape, presque dédaigneuse même, des commanditaires, à la compétence professionnelle de nos nombreux instrumentistes hautement qualifiés. Et par ricochet, à un haussement d’épaule, semble-t-il, envers notre ministère de l’Art et de la Culture qui, normalement devrait avoir un droit de regard sur les affaires théâtrales présentées chez nous, aussi bien que sur le Conservatoire Mitterrand qui existe depuis déjà plus de 25 ans.   

Revenant de mes études à Londres, j’eus la joie à la Police de préparer les musiciens de l’orchestre pour diverses réalisations, y compris celles de grandes comédies musicales, d’opéras et d’opérettes, comme Bless the Bride, monté par HMS Mauritius, le Pays du Sourire et La Traviata, pour ne citer que ceux-là, avec la brillante participation de quelques chanteurs étrangers, des stars venant d’opéras de France et de Londres.

Comme doivent sûrement se souvenir les habitués de l’art lyrique de ma génération, nous eûmes quelques brillants professionnels venant des théâtres de renommée mondiale, comme Londres et Paris, avec, par exemple, Patricia Dupont, qui fut la première soprano de l’opéra de Paris. Ils furent tous ravis de chanter avec nos musiciens dans de brillantes prestations qui résonnèrent avec brio sur les planches du Plaza pour le plus grand plaisir de l’assistance, bondée et subjuguée à chaque reprise.

C’est avec un brin d’histoire que toutes ces réalisations théâtrales me reviennent avec un pincement au cœur et de constater que maintenant tout se rapetisse en perte de valeurs culturelles. Comment aussi ne pas penser avec peine que cette génération amoureuse de l’art lyrique de ma génération s’amoindrit de plus en plus ? Puis-je donc passer respectueusement cet humble avis à l’attention du ministre de l’Art et de la Culture pour essayer d’y remédier ?

Comment aussi ne pas saluer avec hommage le grand Max Moutia, l’irremplaçable professeur de chants lyriques et un fin connaisseur de l’Opera et du théâtre, à qui je suis redevable de ma culture théâtrale et du répertoire lyrique ? Et, bien sûr, en y ajoutant toute la reconnaissance du pays, qui semble l’avoir oubliée, et des vrais mélomanes de ma génération qui eux aussi lui sont redevables pour ces belles prestations d’opérettes et d’opéras qu’il sut avec passion transmettre à notre culture théâtrale. Sans oublier ses nombreux concerts lyriques de haute tenue professionnelle par ses talentueux élèves dont l’excellente May Bax Mayer et Henri Wilden, de brillantes voix de grande beauté, exceptionnellement rares et jamais égalées jusqu’ici chez nous, et qui ont fait vibrer le Plaza. En fait, Henri a eu une brillante carrière à L’Opera de Sydney et de nombreux critiques en parlent toujours.

Tous ces élèves de Max à ces grands concerts furent toujours accompagnés au piano par d’excellents pianistes reconnus dont, en toute humilité, je fus honoré d’être du nombre en compagnie de Mlle Chauvin et messieurs le Juge de Segrais et Gérard Lahausse de la Louvière.         

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