LE CAS VINCENT LAMBERT : Réflexion sur un conflit médical, éthique et moral

GEORGES-ANDRÉ KOENIG

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Pour ceux qui ne le savent pas, le jeune français, Vincent Lambert, à la suite d’un accident de la route survenu il y a 10 ans, était dans un premier temps dans un état qualifié de « conscience minimale ». Ce qui veut dire ne pas être dans un état végétatif, et que les mécanismes automatiques de son organisme, tels la digestion, la respiration, la circulation artérielle et autres, fonctionnent normalement. En revanche, après un nouvel examen médical certains des derniers experts consultés affirment qu’il est dans un état d’éveil non répondant, c’est-à-dire sans manifestation de conscience. Quoiqu’il en soit, il faut le nourrir et l’hydrater artificiellement afin de le maintenir en vie. Et voilà de nombreuses années que cela dure.

Ce handicap est dramatique en lui-même, mais il l’est rendu encore plus par les querelles intestines qu’il a déclenchées, au sein de sa famille et dans les corps médicaux et juridiques, entre autres. Et après dix longues années, ces conflits perdurent, les derniers épisodes datant des 20 et 30 mai, du 28 juin et d’hier respectivement.

Le 20 mai, en effet, après que le docteur Sanchez annonça par courriel aux parents de Vincent que l’alimentation et l’hydratation de leur fils avaient été arrêtées, coup de théâtre ! La Cour d’Appel de Paris, quelques heures plus tard, exigea la reprise des soins. Le 30 mai dernier, évènement inattendu : le Gouvernement français s’en mêle et réfère le litige à la Cour de Cassation qui, le 28 juin, renverse la décision de la Cour d’Appel arguant que l’alimentation de Vincent Lambert par voie intraveineuse relève de l’acharnement thérapeutique. Le CHU de Reims est donc autorisé à reprendre le protocole de fin de vie de Vincent Lambert, arrêté le 20 mai. Et juste avant d’écrire ces lignes, je lisais dans Le Parisien (ce que confirmait hier d’ailleurs France Info) que Monsieur et Madame Lambert, les parents de Vincent, avaient émis un communiqué selon lequel leurs avocats avaient mené d’ultimes actions pour faire respecter le recours suspensif déposé à l’ONU relatif à la décision du Dr. Sanchez d’arrêter l’alimentation de leur fils, mais en vain. Et que sa mort était, de ce fait, désormais « inéluctable ». Ils concluaient par ce cri de désespoir : « Elle lui a été imposée à lui comme à nous ».

Si j’écris cette chronique à la première personne du singulier, c’est parce qu’elle implique une appréciation de ce cas qui ne saurait être faite sans être fondée sur les valeurs spirituelles qui constituent le socle de ma pensée et celle, je l’espère, d’un grand nombre de lecteurs, toutes confessions confondues. Et tant mieux si je parviens ainsi à apporter aux autres un nouvel éclairage qui pourrait leur servir au cas où, un jour, ils étaient confrontés à une telle situation.

Le conflit susmentionné peut se résumer ainsi. D’un côté, les parties prenantes (famille, médecins, juristes et commentateurs) qui pensent que maintenir artificiellement l’alimentation de Vincent Lambert, constituerait un acharnement thérapeutique, et de l’autre, celles (des mêmes corps) qui croient que cesser cette alimentation est une forme d’euthanasie.

Un tel conflit n’aurait pas eu sa raison d’être si celui qui en est la cause n’était pas dans l’incapacité de décider de son propre sort. Car l’homme étant totalement libre de ses actions (Le Christ lui-même l’a affirmé) il aurait pu alors choisir de rester en vie ou de la quitter, et personne n’aurait eu le droit de s’y opposer (cette conception de la liberté qui est la mienne n’est pas partagée par beaucoup, je le sais, mais il serait hors de propos ici d’en provoquer un débat).

Mais Vincent Lambert, tétraplégique qu’il est, n’étant pas en mesure de le faire, et les affirmations de chacune des deux parties en conflit concernant sa volonté de continuer de vivre ou pas, invérifiables, c’est donc à la justice française (humaine en la circonstance) de trancher ce litige à sa place. Or cette justice, fondée sur l’éthique, est de par ce fait questionnable. Car l’éthique n’est pas un ensemble de valeurs ni de principes en particulier. Il s’agit d’une réflexion argumentée en vue du bien-agir. Ce qui veut dire qu’elle implique un relativisme de ces valeurs et principes en fonction de l’idée que l’on se fait de ce bien-agir. Aussi, ce qui est bien pour X, peut ne pas l’être pour Y. On constate souvent d’ailleurs ces différences de conception entre les individus et les différents groupements qui constituent toute société. Tant et si bien que dans le cas Vincent Lambert, certaines des parties prenantes à cette affaire n’ont cessé de tirer à hue, d’autres, à dia, chacune en définitive essayant de tirer à elle la couverture.

Aussi ne reste-t-il, à mon sens, que la morale pour y voir clair dans cette affaire. Car la morale est fondée sur des valeurs spirituelles qui, elles, sont immuables. Et une de ces valeurs là est que la vie est sacrée et que l’on ne peut donc disposer de celle d’autrui comme bon nous semble, et moins encore d’y mettre fin. Notre devoir, au contraire, est de la sauver autant que faire se peut. La seule dérogation à ce principe qui est permise est de ne pas tenter de le faire avec des remèdes de cheval dont on sait qu’ils ne serviront pas à grand-chose, la mort à très court terme étant inéluctable. En revanche, il est permis d’atténuer l’insupportable souffrance qui souvent accompagne les maladies incurables, même si ce faisant on abrégeait un peu plus une fin de vie déjà réduite à sa plus simple expression.

Or, dans le cas Vincent Lambert, la morale chrétienne, celle à laquelle j’adhère tout comme Monsieur et Madame Lambert, ne considère pas que continuer de l’alimenter et de l’hydrater équivaudrait à un acharnement thérapeutique, alors que, abondant dans le sens de sa femme et de son neveu, la justice française (humaine celle-là), au bout du compte, a considéré qu’il l’est. Et cela, tout simplement, parce que cette dernière fait abstraction de l’âme. De cette conscience surnaturelle qui nous différencie de l’animal et fait de nous des fils de Dieu, vouée à la vie éternelle, comme nous l’a affirmé le Christ lui-même. Et cette folle espérance a été (ô combien !) confortée par la découverte scientifique qu’Eben Alexander, éminent neurochirurgien – médecin, professeur d’université et chercheur de surcroît –, nous décrit dans son livre « La Preuve du Paradis » (Je vous en conseille fortement la lecture).

Mortellement atteint par une infection bactérienne, le cerveau d’Eben Alexander fut anéanti, et ce n’est que grâce à des interventions artificielles qu’il survécut, sept jours durant, dans un coma profond. Et c’est pendant ces sept jours qu’il entreprit un voyage dans l’au-delà où il vivra, entouré d’un Amour absolu, dans un monde, nous dit-il, le plus étrange et le plus beau qu’il ait jamais connu et qu’aucun mot ne peut décrire fidèlement.

Suite à ce périple, réintégrant miraculeusement son corps et retrouvant la quasi totalité de ses facultés intellectuelles, il réfléchit longuement sur cette expérience époustouflante, et parvint à la conclusion qu’il qualifia lui-même de scientifique (Dieu sait qu’il est bien placé pour le faire), à savoir que, son cerveau (et la conscience humaine qui en fait partie) ayant été totalement détruit, ce fut avec une autre conscience, surnaturelle celle-là et que nous appelons l’âme, qu’il entreprit ce voyage dans ce monde d’en haut. Et que cette conscience là, seule capable de concevoir le beau et le laid, comme le bien et le mal, est totalement indépendante de notre cerveau humain, si bien que la mort du corps et du cerveau ne signifie pas sa fin mais, bien au contraire, le début de son passage définitif dans l’éternité.

Cela dit, cesser l’alimentation et l’hydratation de Vincent Lambert consisterait ainsi à mettre un terme, avant l’heure et sans son consentement, à cette entité que constituent son corps (même dépourvu, sans doute, de la conscience qui émane du cerveau) et son esprit (voire sa conscience surnaturelle), qui ne font qu’un sur Terre, et que seul Dieu peut séparer. Laissons donc le soin au Ciel de rappeler Vincent Lambert quand l’heure sera venue et, en attendant, que l’on recommence, par la grâce de Dieu, à l’alimenter.

Voilà ce que je souhaitais partager aujourd’hui avec le plus grand nombre, et avec toute l’humilité que cela exige. A l’heure où vous prendrez connaissance de cette réflexion, Vincent Lambert sera-t-il encore de ce monde ? Une raison de plus pour prolonger de quelques minutes votre méditation sur la justice des hommes, ô combien imparfaite.

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