Le Comité 1er février en faveur du recensement ethnique

La Journée internationale de la langue créole constitue une occasion pour le comité 1er février, du diocèse de Port-Louis, de faire le point sur la cause créole. Le père Jean-Maurice Labour a souligné le travail abattu par Affirmative Action, qui a présenté un rapport alternatif sur la discrimination aux Nations Unies. Le comité réclame un nouveau recensement ethnique afin de mieux clarifier la question des minorités. La réforme électorale doit également changer la formule « permettant de créer une suprématie raciste et castéiste ».

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Le père Alain Romaine rappelle que le Premier ministre, Pravind Jugnauth, et son adjoint, Ivan Collendavelloo, ont tous deux pris l’engagement, le 1er février, que le projet de musée intercontinental de l’esclavage allait se concrétiser cette année. «Cela fait 8 mois et il n’y a toujours rien, en dépit des différentes lettres que nous avons envoyées aux autorités. On peut se demander quelle crédibilité donner à leurs paroles », a-t-il déploré. Il précise qu’il y a tout un travail qui a été fait au niveau du Centre for Research on Slavery and Indentured (CRSI), de l’Université de Maurice, et qu’on n’attend qu’une décision du gouvernement pour sa réalisation. Il rappelle que ce musée est une recommandation du rapport de la Commission Justice et Vérité. « Il y a d’autres recommandations  qui n’ont pas été appliquées jusqu’ici. »
Les 50 ans de l’indépendance, a-t-il ajouté, « étaient à marquer d’une pierre blanche ». La cause créole a occupé l’agenda social et politique du pays. « Le créole est considéré comme un survivant. Ce concept apparaît de plus en plus et concerne les catégories sociales victimes de toutes sortes d’abus. »
Deux événements sont mis en exergue: la création d’Affirmative Action et la réforme électorale. « À partir du rapport d’Affirmative Action aux Nations Unies, l’image de pays arc-en-ciel et le discours de l’harmonie qu’on a toujours présenté ont été remis en question. »
Concernant la réforme électorale, le père Romaine est d’avis qu’on ne peut parler de la représentativité des minorités sans passer par le recensement ethnique. « Nous remettons en cause l’argument à l’effet qu’il ne faut pas ouvrir la boîte de pandore ou qu’il ne faut pas morceler le pays. C’est un discours de convenance.  En réalité nous avons un système électoral privilégiant un certain groupe.  L’argument qui dit qu’il faut plus de femmes à l’Assemblée établit un principe de représentativité. Cela doit s’appliquer aussi pour les communautés et, pour cela, il faut un recensement ethnique. Le discours de l’unité dans la diversité est un “eye-wash”. Entre-temps, il y a un travail en cuisine pour discriminer, » dit-il.

Le père Jean-Maurice Labour est d’avis qu’on ne peut construire une nation si on ne reconnaît pas ses différentes composantes. Selon lui, dans l’idéal, le Best Loser System n’aurait pas dû exister. « Mais nous n’en sommes pas encore là. Il y a certes eu beaucoup d’avancées dans la nation mauricienne, mais pour un pays qui a fêté ses 50 ans d’indépendance, il est temps d’aller plus loin », ajoute-t-il. Il est revenu sur la question de  recensement ethnique, particulièrement dans le sillage de la réforme électorale. « On parle de minorité, mais la minorité d’hier n’est pas celle d’aujourd’hui. On ne peut faire une réforme aujourd’hui en se basant sur un recensement datant de 50 ans. »

Le Comité diocésain 1er février dit œuvrer pour la construction de la nation mauricienne, « mais un arc-en-ciel ne peut exister si on ne reconnaît pas toutes ses couleurs ». Parlant du travail accompli par Affirmative Action, qui a présenté un rapport alternatif sur la discrimination raciale aux Nations Unies, le comité souligne qu’il s’agit « d’un grand pas en avant » et que Maurice aura dorénavant des comptes à rendre à cette instance.

De son côté, le Dr Jimmy Harmon a souligné que le recensement ethnique n’est pas uniquement lié aux élections. Faisant une nouvelle fois référence au rapport d’Affirmative Action, il rappelle que les experts des Nations Unies ont demandé des statistiques à l’Attorney General, Maneesh Gobin, sur la population carcérale. « Au niveau international, la “disagregated data” est importante. C’est comme cela qu’on peut savoir s’il y a discrimination ou pas. »

Revenant sur la réforme électorale, le père Alain Romaine a insisté sur la nécessité d’en finir avec « la formule 36:16:6:1 », qui « maintient une suprématie raciste et castéiste » dans le pays. « C’est pour cela qu’en 50 ans, il n’y a eu que deux familles qui ont dirigé le pays. La parenthèse Bérenger était un arrangement pour un partage de pouvoir. Il y a aussi le découpage électoral à revoir. »

Pour marquer la Journée internationale de la langue créole, le Comité 1er février a procédé au lancement du livret Kreol Matters, Kreol Konte, du Dr Jimmy Harmon. Il analyse quatre événements ayant marqué la communauté créole cette année : les « commentaires insultants » envers les sinistrés du cyclone Berguita, ayant mené à une plainte à la police par le père Jean Claude Véder, Affirmative Action aux Nations Unies, les Chagossiens à La Haye et le musée des esclaves. Son titre est inspiré du mouvement Black Lives Matter, créé suite à l’acquittement de l’assassin d’un jeune noir aux Etats-Unis.

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