Le mausolée d’Humayun

ALAIN JEANNOT

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Au début des années 90, lors d’une excursion culturelle à Delhi, j’eus l’occasion de visiter la tombe de Humayun. Je lisais, à cette époque, le livre de Jawaharlal Nehru, GLIMPSES OF WORLD HISTORY, qui avait suscité en moi un vif intérêt et une admiration certaine pour l’histoire et la culture millénaire cosmopolite de la Grande Péninsule.

Ce récit épistolaire de Nehru, adressé à sa fille Priyadarshini qui, plus tard, allait prendre les rênes du pouvoir en Inde sous le nom de Indira Gandhi, restera pour moi, un des plus grands ouvrages traitant de l’histoire du monde ; sollicitant la pensée critique en faisant voyager dans le temps.

Nehru y aborde, entre autres, avec simplicité, l’histoire fastueuse de l’époque moghole dont Humayun fut le second empereur. Aussi lorsque mon guide me présenta un sombre vestige négligé et niché dans un espace broussailleux comme étant le lieu de repos du fils de Babur et de l’arrière-petit-fils de Timur et Genghis Khan, je fus très déçu.

Puis, lorsque d’un doigt interrogateur, je pointai vers les plafonds noircis du monument, mon accompagnateur ne me donna point l’occasion de formuler la question. « These are bats Sir », fit-il tout naturellement.

Mon écœurement laissa au fond de ma gorge un fort désagréable arrière-goût. Comment le logis d’un homme de cette envergure, construit par un architecte de génie, Mirak Mirzah Ghiyath, pouvait-il aujourd’hui être le logis des chauves-souris ?

Les décennies séparant cette expérience décevante de mon récent passage à la « tombe-jardin » furent soumises à un vent de changement favorable. Inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1993, cette nécropole moghole fut complètement restaurée en 2013. Les travaux de conservation commencèrent en 2008 sous le mécénat de l’Aga Khan et du Tata trust ; un chantier gigantesque nécessitant la participation de plus de 1500 artisans couvrant 200,000 heures de travail.

Aussi, c’est un véritable bijou architectural, serti dans un bel espace verdoyant souligné de cours d’eau, qui se dressait devant moi. Revêtu de grès rouge entrelacé de marbre blanc, le mausolée commandité par Bega Begum, la veuve éplorée de l’empereur, a retrouvé ses lettres de noblesse.

En 1556, tel un voleur, la mort avait surpris son époux. Alors qu’il se relevait, après avoir fait sa prière, Humayun trébucha dans les escaliers et tira sa révérence. Il n’avait que 48 ans. Bega Begum ne s’en était pas remise. Elle écrivit, dans cette magnifique sépulture, une lettre d’amour éternelle à son époux.

80 ans plus tard, c’est le Shah Jahan, époux impérial de Mumtaz Mahal, qui, inspiré par la « tombe-jardin » de son arrière-grand-père, fit ériger le Taj Mahal pour sa dulcinée disparue à jamais.

De beaux témoignages d’amour qui s’affranchissent des contraintes du temps et de l’espace car l’amour est éternel. Cependant, loin de nous l’idée de remettre en question l’affection et la considération mutuelle que partageaient les couples, ci-dessus, concernés, ne serait-il pas plus enrichissant de nous aimer alors que nous sommes encore vivants ?

Le temps n’attend pas et nous ne connaissons ni le jour, ni l’heure. Donner sa place à l’amour dans l’instant présent vaut mieux que d’exprimer  d’indélébiles regrets, aux arrière-goûts languissants, dans un rutilant tombeau …

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