Le Morne — Construction de villas/lodges : Vives contestations en attendant la soumission du projet

Karl Lamarque : « On nous demande d’objecter à un projet dont nous ne connaissons pas les détails »

- Publicité -

Les forces vives du Morne et des régions avoisinantes sont sur le pied de guerre depuis que la compagnie Le Morne Brabant IRS a fait publier un avis pour la construction de huit villas dans le village. Ce projet avait été vivement contesté dans le passé, puis bloqué par le nouveau gouvernement en 2015, menant à des réclamations de Rs 2 Mds du promoteur. Or, au conseil de district de Rivière-Noire, on laisse entendre qu’aucune demande concrète n’a été reçue du Morne Brabant IRS, en dépit de la “notice” dans la presse. Ce qui rend la contestation difficile, d’autant qu’il n’y a que 15 jours pour le faire.

Karl Lamarque, en tant que conseiller du village de La Gaulette, Cotteau-Raffin, membre du forum consultatif du Morne Heritage Trust Fund et de la Plateform Patriotik pou Sov Le Morne, a officiellement contesté le projet de construction de villas de la Morne Brabant IRS Company Ltd. Sauf qu’à ce jour, le promoteur n’a pas encore déposé sa demande de permis de construction au conseil de district de Rivière-Noire, comme l’affirme le président, Steeve Magdeleine. Toutefois, selon la loi, les contestataires ont un délai de 15 jours depuis la publication de la “notice” (28 février 2019) pour faire connaître leurs points de vue. Ce que Karl Lamarque considère comme une « tactique du promoteur pour empêcher la contestation ». 

Car même s’il a déjà soumis ses arguments pour soutenir sa contestation, Karl Lamarque a dû se baser sur le peu d’informations disponibles dans l’avis de presse. Celui-ci dit, entre autres : « Take notice that Le Morne Brabant IRS Company Ltd will apply to the District Council of Black River for a Building and Land Use permit for a proposed development of 8 villas/Hunting Lodges, a Restaurant, Wellness Center, Cinema, Games, Maintenance and Mess Room at Le Morne. »

Pour Karl Lamarque, il est difficile de contester un projet dont on ne sait même pas où il se fera exactement, Le Morne étant « vaste », ni quelles sont les dispositions prises pour respecter les exigences de l’Unesco par rapport au site de patrimoine mondial. Toujours est-il que ce dernier dit avoir fait son devoir de citoyen en envoyant ses objections au conseil de district de Rivière-Noire.

Le premier point mis en avant, justement, concerne le manque de précisions sur le site de développement. Le Morne étant inscrit au patrimoine mondial par l’Unesco, il comprend des « zones sensibles à la fois liées à l’histoire – marronnage – et à la biodiversité unique, avec notamment des plantes et animaux endémiques ». Raison pour laquelle le projet doit être rejeté, estime le contestataire.

Dans son objection, Karl Lamarque ne manque pas de rappeler que, dans le passé, le promoteur prévoyait un développement à l’endroit dit « Makak », qui a une valeur aussi importante que Trou-Chenille. Raison pour laquelle le projet avait été rejeté par le passé. Il se demande ainsi si le nom de « Makak » a délibérément été « omis » de la “notice”. De plus, souligne Karl Lamarque, l’Unesco avait déjà mis en garde contre tout développement dans la région du patrimoine mondial, qui pourrait causer des dégâts « irréversibles ». 

De même, note ce dernier, « il y a une opacité totale autour du projet et l’absence de consultation publique ». Ce qui représente à la fois une violation de la Planning Policy Guidance du ministère des Terres et du Logement ainsi que des recommandations de l’Unesco, notamment la Déclaration de Budapest sur le patrimoine mondial, de 2002. Karl Lamarque rappelle également que le rapport de l’Unesco sur la Reactive Monitoring Mission du Morne mentionne que « sans une recherche archéologique détaillée à Makak, une partie critique de l’histoire restera inconnue ».

Sollicité sur cette nouvelle polémique, Steeve Magdeleine, président du conseil de district de Rivière-Noire, confirme que Le Morne Brabant IRS Company Ltd n’a pas encore soumis sa demande de permis. Selon lui, la publication de la “notice” avant la soumission du dossier n’a rien d’illégal. « Les contestataires ont un délai de 15 jours pour déposer leurs objections, que le promoteur ait fait sa demande ou pas. Par la suite, nous organiserons un “hearing” où les deux parties présenteront leurs arguments. »

Quant à savoir s’il communiquera les détails du projet aux contestataires une fois qu’il les aura reçus, Steeve Magdeleine répond par la négative. « On ne peut divulguer les détails d’un projet, mais je peux assurer que tout se fera dans la transparence. Nous reconnaissons que Le Morne est un site sensible. Nous allons vérifier tous les détails en notre âme et conscience. »

L’Unesco attend un « updated report »

Le World Heritage Committee (WHC) de l’Unesco, qui s’est réuni à Bahrein en juin-juillet de l’année dernière, recommande à Maurice de soumettre un nouveau rapport sur l’état de conservation du Morne au plus tard le 1er décembre 2019. Ce comité note également qu’il y a un « legal challenge » par rapport au projet de développement de la Morne Brabant IRS Company Ltd et souhaite que ce litige soit réglé « de manière définitive et harmonieuse ». Le comité recommande également à l’État de poursuivre ses efforts pour conserver la biodiversité des lieux.

Auparavant, le rapport de la Reactive Monitoring Mission du World Heritage Committee à Maurice en 2016 mentionnait : « Le Morne buffer zone plays a crucial role in maintaining the visual integrity of the property and its setting. Here, the State Party has had mixed success: on the one hand, the development of luxury hotels presents a continuous threat to the visual integrity of the property, while on the other, the State Party has devised policies and procedures that allow systematic and transparent management of these processes. To some extent this has worked and it can be said that the State Party is in control of the situation. However, the legal dispute with the Le Morne Brabant Ltd IRS Co Ltd (LMB) may severely strain the capacity of the State Party. »

Dans ses recommandations, le WHC invite également l’Etat à acquérir le terrain situé à Makak afin de permettre des recherches archéologiques et la mise sur pied d’un centre pour accueillir les visiteurs. Concernant l’aspect légal du conflit, l’Unesco recommande : « The Government of Mauritius should therefore proceed from a position of strength (Le Morne being an inscribed World Heritage property) and explore options for the resolution of the dispute that are in its favour. »

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -