Les 4 condamnés dans l’incendie de l’Amicale : « « Nous sommes enfin libres »

Après avoir passé 19 années en prison, les quatre condamnés dans l’affaire de L’Amicale, Imran et Khaleeloudeen Sumodhee, Abdool Naseeb Keramuth et Shafick Nawoor ont retrouvé la liberté ce jeudi. L’émotion était à son comble à la prison de Richelieu. Accompagnés de banderoles et de guirlandes, les proches des condamnés sont venus accueillir les quatre concernés.

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Imran et Khaleeloudeen Sumodhee, Naseeb Keramuth et Shafick Nawoor sont désormais des hommes libres. Arrêtés et jugés coupables dans le cadre de l’incendie survenu à la maison de jeu L’Amicale le 23 mai 1999, et qui avait fait sept victimes, dont une femme enceinte, ces quatre condamnés ont pendant toutes ces années clamé leur innocence. D’ailleurs, leur panel d’avocats, dirigé par Me Rama Valayden, les a toujours soutenus dans cette bataille. Ils avaient même produit un rapport, intitulé “Wrongfully convicted”, pour justifier l’innocence de ces quatre personnes. Finalement, la Commission de pourvoi en grâce avait tranché et ordonné leur remise en liberté le 17 mars 2019. Mais grâce à l’adoption de la Judicial and Legal Provisions Act à l’Assemblée nationale, le mois dernier, Imran, Kaleeloudeen, Naseeb et Shafick n’ont pas dû attendre cette date précise pour goûter enfin à la liberté.

Le jeudi 23 août 2018 est une date qui restera à jamais gravée dans la mémoire des quatre condamnés dans l’affaire de L’Amicale ainsi que de leurs proches. C’est une journée comme toutes les autres à la prison de Richelieu. Imran, Kaleeloudeen, Naseeb et Shafick étaient pris dans leurs travaux quotidiens quand le commissaire des prisons les a convoqués dans son bureau dans la matinée. Ce dernier devait alors leur annoncer la bonne nouvelle. Imran, Kaleeloudeen, Naseeb et Shafick ne pouvaient croire ce qu’ils venaient d’entendre. Sans plus attendre, ils appellent leurs proches pour leur demander de venir les chercher à la prison.

Il est presque midi. Les proches de Shafick Nawoor et de Naseeb Keramuth sont déjà arrivés à la prison de Richelieu. Khairoon Keramuth, accompagné de ses deux autres fils et de son petit-fils (fils de Naseeb Keramuth), avancent à petits pas vers la grande porte. « Je suis tellement contente que je n’arrive pas à m’exprimer. Mon fils sera libéré après 19 années passées en prison », confie brièvement la mère.

La remise en liberté est annoncée à 12h30. « On attend que les proches ramènent des vêtements pour ces quatre personnes. Une fois qu’ils ont leurs vêtements, ils sortiront », dit un Prison Officer. L’attente sera toutefois plus longue que prévue. Une quinzaine de minutes plus tard, les proches des frères Sumodhee font leur apparition. Entre larmes et cris de joie, ils lâchent : « Zordi ki nou fer Eid la ! » Il est déjà 12h45. Les proches de Naseeb Keramuth et de Shafick Nawoor sont impatients.

Soudainement, les personnes présentes sur les lieux aperçoivent les quatre condamnés, avec d’autres prisonniers, se dirigeant vers la mosquée de la prison. « Ils vont accomplir leur dernière prière à la prison », laisse entendre un proche des Sumodhee. Rosina, épouse d’Imran Sumodhee, arrive enfin avec leurs vêtements. Elle est accompagnée de leur mère. « Dieu a entendu mes prières. Dans la soirée d’hier, je l’implorais afin que mes fils retrouvent la liberté et aujourd’hui, ils seront des hommes libres », dit la vieille mère, très émue. Ne pouvant contenir ses larmes, elle explique qu’elle était en train de couper de la viande dans sa cuisine quand on est venu lui annoncer la bonne nouvelle. « J’ai tout laissé derrière et je suis venue pour accueillir mes enfants. Je profite de l’occasion pour remercier les officiers de la prison pour avoir veillé sur mes enfants pendant toutes ses années. Ces derniers ne se sont jamais plaints du traitement qu’ils ont reçu en prison », dit-elle.

Rosina, une femme de fer, connue pour la bataille qu’elle a menée depuis la condamnation de son époux et son beau-frère, ne cache pas sa joie. « À chaque fois que je me présentais devant la presse, c’était en larmes. Aujourd’hui, je vais m’adresser à la presse avec un grand sourire aux lèvres », précise-t-elle.

Me Rama Valayden et Me Sameer Hossenbocus arrivent sur les lieux peu de temps après. « Nous avons envoyé une lettre au Premier ministre pour réclamer la révision de la peine de ses quatre condamnés. Notre lettre a été prise en considération. De plus, je tiens à remercier le Premier ministre pour cette loi grâce à laquelle les quatre condamnés sont libérés. Toutefois, je dirai que l’État a quand même fauté. Ce sont quatre personnes innocentes qui ont purgé une peine non méritée… » dit-il.

Entre-temps, les quatre condamnés s’apprêtent à quitter l’enceinte de la prison. Ils sont escortés de quelques officiers. Ils affichent un grand sourire sur leur visage. Plus ils s’approchent du portail, plus ils ont du mal à contenir leurs larmes. Imran, Kaleeloudeen, Naseeb et Shafick arrivent à petits pas vers la grande porte.

Imran, Kaleeloudeen, Naseeb et Shafick s’arrêtent à quelques pas du portail. Kaleeloudeen étend un tapis de prière sur le sol et se prosterne en direction de La Mecque. Il est rejoint par Naseeb et Shafick. Son frère, Imran, se tient derrière.

Imran, Kaleeloudeen, Naseeb et Shafick récupèrent leurs affaires chez le gardien et les remettent à leurs proches à travers le portail. Des proches et amis des condamnés sont impatients. « Vini mo may twa ! ». Des embrassades se déroulent malgré tout. Cinq minutes plus tard, la grande porte est ouverte. C’était le moment le plus attendu depuis ces 19 dernières années. Imran, Kaleeloudeen, Naseeb et Shafick sont accueillis par leurs proches et amis comme des héros, avec des guirlandes. « Nous sommes enfin libres », lancent-ils.

Imran, Kaleeloudeen, Naseeb et Shafick ne peuvent s’empêcher de serrer Rama Valayden et Sameer Hossenbocus dans leurs bras. Nous pouvons les entendre dire : « Merci pour tout. C’est grâce à votre dévouement que nous sommes aujourd’hui des personnes libres. »
« Nous sommes très contents. Nous tenons à remercier tout d’abord notre Créateur, notre panel d’avocats, notre famille et nos proches, ainsi que les officiers de la prison, entre autres. Même si nous sommes aujourd’hui des hommes libres, nous clamons toujours notre innocence. Je tiens à exprimer mes sympathies à la famille des victimes. L’incendie de la maison de jeu est un acte barbare. Les vrais coupables rôdent toujours dans la société et ils doivent payer car ils nous ont utilisés comme boucs émissaires », soutient Imran Sumodhee dans un premier commentaire à la presse.

Shafick Nawoor a hâte de rentrer chez lui. « C’est mon frère qui est venu me chercher. J’ai hâte de rentrer chez moi pour pouvoir serrer ma vieille mère dans mes bras. Je sais qu’elle m’attend avec beaucoup d’impatience en ce moment », dit-il. Naseeb Keramuth va rejoindre ses proches, surtout sa mère et son fils, qui est aujourd’hui âgé de 20 ans. Il cherche désespérément son père. Ses proches l’informent que son père est à la maison et qu’il devait aller le surprendre. « Mon père ne sait pas que je suis libéré. J’ai hâte de rentrer chez moi pour le voir et le serrer dans mes bras. Ces 19 années passées en prison étaient longues et ma famille me manquait beaucoup », ajoute-t-il.

Plus loin, àA Cité Martial, voisins et proches arrivent chez les Keramuth pour rencontrer Naseeb. Son père, Farouk, âgé de 75 ans, attend devant la porte. La surprise est gâchée. La nouvelle lui a été communiquée quand il est parti accomplir ses prières à la mosquée ZamZam. Les yeux braqués sur la rue, en direction des voitures, il nous confie d’un ton timide : « J’attends mon fils. Il a été libéré après 19 ans. Il va bientôt rentrer. »

Cinq minutes plus tard, une voiture s’arrête devant la maison. La sœur aînée de Naseeb court en sa direction et le serre dans ses bras. Farouk Keramuth arrive au même moment. Père et fils ne pouvaient cacher leur émotion. Tenant la main de son fils, il le dirige vers l’intérieur de la maison. Il est accueilli par d’autres membres de sa famille. Assis sur le sofa, entre ses parents, Naseeb nous confie : « J’attendais ce moment depuis trop longtemps », dit-il.

Chez les Sumodhee, à Vallée-Pitot, l’ambiance est encore plus festive. Une foule s’est rassemblée à l’entrée de la maison des Sumodhee. Proches, amis et voisins sont là pour accueillir les deux frères, qui sont accompagnés de Shafick Nawoor, qui exprime toujours son désir de retrouver sa mère. « Laiss moi ale, mo envi trouv mo mama », dit-il. Il est aussitôt informé que sa mère l’attend ici même. Ils se dirigent tous à l’intérieur de la maison.

« Ça fait du bien d’être chez soi. Depuis, j’avais des pressentiments que nous reverrons notre famille aujourd’hui. Je remercie notre Créateur pour nous avoir maintenus en vie et pour goûter à ce moment très précieux. Je suis très content d’être parmi ma famille, aux côtés de ma mère et de ma belle-sœur, qui n’ont jamais baissé les bras. Je tiens à rendre hommage à ma belle-sœur Rosina, qui fait honneur aux femmes. Elle est un exemple à suivre. Malgré tous les obstacles et difficultés, elle est restée forte et a poursuivi la bataille », dit Imran.

Pour sa part, Khaleel Sumodhee dit que c’est un moment qu’il n’oubliera pas d’aussitôt. « Je ne reconnais pas des gens qui sont venus m’accueillir aujourd’hui, surtout mes nièces et neveux. Ils étaient tous petits la dernière fois que je les ai vus. Aujourd’hui, ce sont des adultes », dit-il.

La mère des Sumodhee, ne pouvant toujours pas contenir ses larmes, serre ses deux fils dans ses bras. « Je suis tellement contente d’avoir mes fils à mes côtés. Je remercie Dieu énormément. Je les ai attendus pendant 19 ans », dit-elle. Pour sa part, Rosina raconte que son époux l’avait appelé de la prison pour l’informer de sa libération. « Il pleurait quand il m’a annoncé la nouvelle. Je ne trouvais pas de mots pour m’exprimer. Dès que j’ai raccroché, j’ai entamé des démarches pour aller récupérer mon époux et son frère de la prison », dit-elle.

Mais Rosina dit que la bataille ne s’arrête pas là. « J’ai toujours cru en l’innocence de ces quatre personnes. Ils sont certes libres aujourd’hui, mais ils vont rester coupables aux yeux du public tant que les vrais coupables ne sont pas trouvés. La bataille se poursuivra maintenant avec mon époux et mon beau-frère à mes côtés », dit-elle. Quant à Shafick Nawoor, il a préféré profiter de ces moments précieux en intimité avec sa mère.

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