Les chroniques d’un chat mauricien

Je suis un chat mais je ne suis pas un chat comme les autres. N’y voyez là aucune arrogance. Il n’est pas dans mes habitudes de me flatter. Je suis très humble, une humilité qui ferait rougir de honte un saint. Je m’explique. Je ne suis pas un chat comme les autres car je suis un chat intelligent. Vous en connaissez vous des chats intelligents ? Le plus intelligent des chats est moins intelligent qu’un lapin. Ce n’est ma petite personne, pardon mon petit chat qui le dit mais une étude réalisée par l’université de Harvord (Harvord pas Harvard). Je ne me contente pas d’être intelligent, je suis aussi un intellectuel. Ainsi je consacre mes longues heures perdues à la lecture, je lis de tout mais je m’intéresse, en particulier, à l’existentialisme Sartrien et au Soufisme. J’adore réfléchir, il est si agréable, après tout, de plonger dans les eaux lumineuses de la pensée, d’y déceler des pépites de l’esprit, celles qui nous procurent des joies sans fin. Veuillez me pardonner ce lyrisme béat mais quand il s’agit des livres et du culte de l’esprit, je perds un peu les poils et la tête. Ce n’est pas de ma faute. ll m’arrivera donc parfois de m’abandonner à de grands élans poétiques. J’espère pouvoir compter sur votre indulgence. Mais revenons à nos moutons, ce qui est un comble, vous en conviendrez, pour un chat.
Je ne suis donc pas un chat comme les autres. Il n’y a plus lieu d’en débattre. Que ceux qui ne sont pas d’accord avec mon théorème, celui du chat qui n’est pas comme les autres chats, débarrassent mon plancher. La porte, messieurs, dames.
Il se trouve que j’ai un autre talent. Je suis non seulement beau, intelligent, léger et aérien mais je suis un fin observateur de mes compatriotes, les mauriciens. Je les épie, je les scrute, je les observe de près et j’ai appris, au fil des années, à les connaître. Je crois pouvoir dire que je connais le mauricien sans doute mieux qu’il se connait lui-même. Et il est temps maintenant que je permette au plus grand nombre d’accéder à ce précieux savoir. D’où ces chroniques, qui ont le mérite d’être subtiles et profondes. J’ajoute que, dans un souci perpétuel de vulgarisation, j’utilise un langage d’une extrême simplicité, j’évite tous les termes techniques et philosophiques qui sont, comme vous le savez, mon lot quotidien. Vous n’entendrez pas, par exemple, parler de la métempsychose de la métamorphose. Je suis un chat humble et il ne s’agit pas d’étaler mon savoir dantesque. Je ne veux pas, par ailleurs, faire des jaloux.
Parlons donc de ces mauriciens. Je ne sais, à vrai dire, par où commencer. Il y a tant à dire. Me faut-il vous parler de son arrogance ? Me faut-il vous parler de sa médiocrité ? Me faut-il vous parler de ses politiciens (quelle horreur ! ) ? J’ai l’impression carrément de me retrouver à un festin, avec, sous les yeux, des plats, les uns plus délicieux que les autres, plats que je me vois dans l’incapacité de les dévorer. Et un chat qui ne peut manger n’est pas tout à fait un chat, vous en conviendrez. Quel plat voulez-vous, messieurs, dames ? Bêtise ? Arrogance ? Politiciens ? Comment donc procéder ?
Il faut sans doute commencer en douceur. Evitons l’overdose dès la première bouchée. Parlons donc du mauricien et du livre. Avez-vous déjà vu un mauricien avec un livre à la main ? Etant donné que c’est un phénomène rarissime j’ai décidé de mettre sur pied l’Observatoire des Mauriciens qui lisent (l’OML) dont je suis le président, le trésorier et l’assistant trésorier. Je suis, comme vous le savez, un chat à tout faire. Rappelons que la procédure de nomination des membres de l’association s’est faite dans les règles et que personne (ni politiciens, ni présidents d’associations bidons) n’a tenté de pervertir le cours des élections. Je suis président de l’OML parce que je le vaux bien. (j’allais dire, je le miaule bien mais c’est un réflexe de chat ).
Il faut donc, si vous apercevez cet OVNI, pardon ce MQM (Mauricien Qui Lit) avertir, au plus l’OML.
L’OML vous remercie d’avance.
Il est clair que le mauricien n’aime pas lire. Il aime manger du riz frit, il aime manger du briani, il aime boire de la bière, il aime regarder des matchs de foot, il aime palabrer des heures durant, il aime parler de politique mais il n’aime pas lire. Il en est ainsi pour deux raisons, d’abord parce qu’il ne veut pas réfléchir, la réflexion quant vous voyez le monde à travers le trou d’une serrure ornée d’argent est toxique sinon même mortelle, ensuite parce qu’il aime les choses grasses de la vie et un livre est la voie suprême vers l’élégance. Et, comme vous le savez, je suis, moi le chat qui n’est pas comme les autres, l’incarnation de l’élégance.
Si vous apercevez un mauricien avec un livre à la main je vous prie de contacter l’OML dont je suis le président, le trésorier et l’assistant trésorier. Il est important de compiler des statistiques à ce propos, de démontrer que le livre n’est pas un combat perdu à Maurice, qu’il se trouve encore quelques fous qui aiment bien les livres, il est important, par ailleurs, de démontrer que cette espèce, le MQM, qu’on croyait en voie de disparition est toujours des nôtres. Et la bonne nouvelle c’est que ceux d’entre vous qui parviendront à identifier ces créatures étranges – les mauriciens qui lisent – deviendront des membres à vie de notre association. On peut considérer que c’est un honneur conséquent.
Il est temps que je m’arrête. Mes griffes me font mal. Et je me dois de plonger à nouveau dans les délices de la pensée. Je lis, en ce moment, un livre sur un mal contemporain : Narcissisme et Arrogance, l’anatomie d’un mal être. Livre évidemment passionnant, qui m’apprend beaucoup de choses sur de grands malades.
Je vous tire ma révérence. Dans ma prochaine chronique je vous parlerai du mauricien en Tartuffe. Pour les mauriciens incultes veuillez lire Molière (qui n’est pas une marque de cirage) et vous comprendrez de quoi je parle.
Et n’oubliez pas d’avertir l’OML.
Et vive les chats et vive les livres ! Et vive les MQM !

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