Les mal-aimés de la police

Cher Jean-Claude Antoine,
Puisque vous avez écrit sur la police ces deux dernières semaines, nous vous demandons de bien vouloir publier la lettre suivante. Cela permettra au grand public de découvrir dans quelles conditions travaillent les simples policiers dans les stations. Nous sommes des policiers sans grade, mal aimés, qui faisons tout le travail, mais nous n’avons pas le droit à la parole. Nous ne pouvons pas protester, nous ne pouvons pas signer cette lettre car, comme vous le savez, le policier mauricien n’a pas le droit de se syndiquer ou d’exprimer une opinion sans passer par sa hiérarchie. Merci de permettre au grand public de découvrir dans quelles conditions travaillent les simples policiers.
Il y a plusieurs catégories de policiers dans notre système. Ceux qui sont postés au bureau des passeports, au Central CID, au Crime Records Office, à la NSS, au VIPSU, entre autres. Ce sont des privilégiés comparés à ceux qui travaillent dans les police stations, les simples constables. Les policiers qui travaillent dans les postes de police sont les mal-aimés de la hiérarchie et pourtant ce sont ces hommes et ces femmes qui sont sur le terrain, sont en contact avec le public 24 heures sur 24 et qui font le vrai travail de policier. Ils sont également les plus exposés aux critiques et à chaque fois que quelque chose se passe mal, ils subissent les transferts punitifs, sont envoyés dans un poste de police à la campagne, à Rodrigues ou à Agaléga. Ce sont eux que les membres du public viennent voir pour un problème, pour de l’aide. Mais ce que l’on ne sait pas, c’est que ces policiers doivent se partager de petits espaces à plusieurs, n’ont même pas le temps et un endroit décent pour prendre leurs repas. S’ils ne sont pas bien traités comment peuvent-ils bien s’occuper des doléances du public? Sait-on que leurs uniformes, leurs chaussures et leurs chaussettes sont achetés à bon marché, donc de très mauvaise qualité, et que les képis changent de couleurs après seulement quelques mois? Mais il n’y a pas que les uniformes, allez voir quel type de chaises sont mises à la disposition des policiers dans les stations. C’est une honte!
Les policiers qui travaillent le plus sont ceux qui sont sur des shifts dans les stations. Ils font le travail des caporaux qui, eux, font celui de sergents que l’on voit de moins en moins dans les stations, mais de plus en plus dans les nombreuses unités parallèles de la police. Ce sont des unités mal utilisées et qui ne sont d’aucune aide aux policiers qui travaillent dans les stations. La manière dont la hiérarchie choisit ceux qui sont postés dans les unités parallèles pourrait faire penser qu’il s’agit d’une politique de petits copains, ou une manière de récompenser certains. Pour que la police marche mieux, il faudrait fermer ces unités parallèles et redéployer les policiers qui y ont été affectés dans les stations. Comme ça, il n’y aura plus de manque d’effectifs dans certains stations comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui. Mais les sergents ne sont pas seulement dans les unités parallèles. D’autres sont postés dans des bureaux de 9 h à 4 h, alors cher les caporaux et les policiers des stations n’ont pas d’heure fixe pour travailler. Il y a même des sergents qui sont devenus des inspecteurs et qui n’ont jamais travaillé dans une station, n’ont jamais fait un shift, fait une enquête, pris une contravention, courru derrière un fugitif ou déposé en Cour. Comment ces supérieurs qui n’ont jamais travaillé comme un simple policier peuvent-ils prendre des décisions pour améliorer les conditions de vie des policiers? Comment ces chefs qui ne savent pas comment travaillent dans une station, n’ont jamais eu à faire face à des responsabilités ou des situations difficiles, peuvent décider pour ceux qui sont sur le terrain? C’est parce qu’ils n’ont pas cette expérience qu’ils ont décidé que les policiers des stations doivent commencer leur shift à 6 h15, le matin, alors que la plupart des autobus ne commencent qu’à rouler à 6 h ! Est-ce que la hiérarchie n’aurait pas dû faire une enquête avant de modifier l’heure des shifts? Il n’y a pas que les horaires de travail, il y a également le cas des «risk  allowances». Les éléments de l’ADSU sont les mieux payés, viennent ensuite les éléments de la garde-côte nationale et finalement les policiers. Ces derniers reçoivent les miettes, alors que ce sont eux qui doivent se rendre en premier sur les lieux d’une scène de crime.
Nous allons terminer, pour cette fois, en parlant des bourses octroyées aux policiers. Savez-vous que ces bourses, destinées à former des jeunes policiers, sont le plus souvent données à des hauts gradés à la veille de leur retraite. Est-ce que ces bourses sont pour la formation des policiers ou pour récompenser les hauts gradés avec un séjour dans un pays surdéveloppés? Comment ne voulez-vous pas que, quand il constate tout ça, le simple policier soit encore motivé pour faire son travail?

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