Les moins pires

Jean-Claude Antoine

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Le mois de novembre de cette année 2019 a vu éclore une nouvelle saison, celle des promesses électorales. Comme les litchis et les mangues, cette année, cette toute nouvelle saison électorale atteint des records de rapport, car il n’existe aucune taxe sur les promesses électorales qui, il faut encore une fois le souligner, n’engagent que l’électeur qui a la naïveté de les prendre pour argent comptant. Ces promesses électorales ne sont pas faites pour être réalisées, mais seulement pour faire joli sur un de ces programmes électoraux qui ressemblent de plus en plus aux brochures de promotion des magasins d’alimentation. Les deux principales alliances font campagne pour le vote bloc et redoutent le koupé-transé. Dans le premier cas de figure, l’électeur suit la consigne et vote pour une alliance et ses candidats les yeux fermés – et les doigts sur le nez, pour éviter de sentir les remugles de leurs scandales passés. Dans le second, l’électeur se souvient des actions passées des alliances et des partis, il étudie soigneusement les programmes, les compare au lieu de les parcourir des yeux et évalue le potentiel des candidats avant de faire son choix. Dans le second cas, on fait appel à l’instinct de l’électeur et son sens de l’obéissance à la consigne donnée. Dans le deuxième, on lui demande d’utiliser son intelligence, son sens du discernement. Je vous laisse deviner quelle de ces deux options électorales l’emporte chez les alliances et partis politiques….

Pour tenter de gagner la voix de l’électeur, les alliances et les partis le traitent comme un consommateur et tentent de l’étourdir avec une profusion de promotions, plus tentantes et plus démagogiques les unes que les autres. Les programmes électoraux ont été transformés en catalogue de promesses qui ressemblent de plus en plus à des bribes électoraux. Dans tous les meetings et conférences de presse, et tous les soirs à la télévision depuis le lancement de la campagne télévisée, le terme le pus utilisé par les candidats est l’expression « nou pou ». Nou pou fer ceci ou cela. Nou pou donn ceci ou cela. Mais pourquoi est-ce à la veille des élections qu’ils viennent promettre de faire ce qu’ils n’ont pas fait quand ils étaient au pouvoir, et ils l’ont tous été à un moment ou à un autre ? Il y a de tout dans cette campagne télévisée où, trop souvent, le candidat face à la caméra débite à toute vitesse — et parfois mal — sa liste de « nou pou ». Certaines promesses sont réalistes, d’autres irréalisables, d’autres encore frisent le délire – une déduction de l’impôt sur le revenu pour les chiens domestiques ! Mais ce qui irrite, et parfois révolte le téléspectateur/électeur, c’est l’épaisse couche de pommade que certains candidats se sentent obligés de passer sur leur leader et candidat au poste de Premier ministre. Les experts du maniement de la brosse à reluire et de l’allégeance au leader sont sans conteste les derniers transfuges qui ont quitté le MMM pour le MSM. S’il fallait accorder une palme à ce type de politicien, elle revendrait sans conteste à Steve Obeegadoo, qui a donné, mardi dernier, illustration de ce qu’il appelle faire la politique autrement. C’était un spectacle pitoyable. Noyé dans cette surenchère de « nou pou », l’électeur oublie une décision que tous les partis ayant siégé au Parlement au cours de ces dernières années ont refusé de prendre : modifier la loi électorale pour y enlever la haute dose communaliste qu’elle contient avec le best loser system et la réduction du candidat citoyen mauricien à quatre grandes catégories électorales et communales. Tous les députés sortants ont refusé, sous divers prétextes, d’effacer de la Constitution les parties de la loi électorale qui institutionnalisent le communalisme. C’est pour cette raison que cinquante ans après l’indépendance, des députés seront élus non pas sur leur potentiel et leurs propositions pour gérer le pays, mais comme des représentants d’une des quatre communautés imposées par la loi électorale…

Durant les derniers jours de cette campagne électorale, une tendance a commencé à se dessiner. Submergés par un déferlement de clips vidéos dénonciateurs et fatigués de cette campagne qui, bien souvent, patauge au niveau du caniveau, on entend de plus en plus des électeurs dire : allons voter pour le moins pire d’entre eux. La progression de cette tendance a commencé à inquiéter les alliances, qui multiplient les appels à voter bloc. Est-ce que c’est le vote aveugle ou le vote réfléchi qui va l’emporter ? Réponse vendredi quand urnes seront ouvertes et les bulletins de vote comptabilisés. Mais quelle que soit l’issue de ces dixièmes élections générales depuis 1967, un fait brutal s’impose : cinquante ans après l’indépendance, les Mauriciens ne peuvent pas aller voter pour les meilleurs alliances, partis et candidats. Ils sont obligés de se contenter des moins pires…

 

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