Les sonnettes d’alarme

Il pleut averse sur l’île Maurice et la région depuis une semaine. Cela provoque des inondations, des déplacements de familles dans certaines régions et des accidents de la route. Imaginons notre tramway, pas si express que ça, arrivant au Caudan le jour où un camion se renverse sans crier gare.

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À Madagascar, on recense déjà un mort du fait du cyclone Ava. En même temps, au Canada et aux États-Unis, les chutes de neige, les pluies verglaçantes et les tornades font une vingtaine de morts. En France, les intempéries de ces derniers jours ont fait cinq morts. Dans la nuit de mercredi à jeudi 4 janvier 2018, les inondations et les glissements de terrain à Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo, ont fait 44 morts.

Comme le phénomène est planétaire, en Asie l’année dernière, plusieurs pays, l’Inde, le Bangladesh et le Pakistan, ont été touchés par des intempéries qui ont enregistré près de 600 pertes de vies humaines. Le 22 décembre, la tempête tropicale Tembin a fait 200 victimes et 144 disparus. Un mois plus tôt, le 29 novembre 2017, l’Indonésie comptait 19 morts suite à des pluies diluviennes et des glissements de terrain.

Aujourd’hui lorsqu’on a chaud, c’est vite la canicule, lorsqu’on a froid, on est aussitôt transformés en cubes de glace ambulants. Au vu de ce qui arrive à la planète toute entière, peut-on encore parler de « catastrophe naturelle » lorsqu’on sait que ce sont nos dérives qui ont déréglé le climat ? La question ne doit plus être posée, parce que la sonnette d’alarme a longtemps été tirée sur les dangers d’une surexploitation de nos ressources, sur l’abus des énergies fossiles et de ces dérivés polluants que sont les plastiques en tous genres qui sont en train d’étouffer l’écosystème marin, sur le comblement de pans entiers de la mer. N’en déplaise au climatosceptique qu’est le président d’opérette Donald Trump.

Maurice, dont le Premier ministre a assisté le mois dernier au One Planet Summit, doit passer aux actes. C’est bien de participer à des assises multilatérales et plaider la cause des petits états insulaires, mais il faudrait peut-être commencer par nous-mêmes. On ne sort pas du CT Power de Navin Ramgoolam pour tomber dans la raffinerie offshore ou autre projet risqué lié au carburant de Pravind Jugnauth. Et si on a apparemment un ministre de l’Environnement, on ose espérer que son travail ne consiste pas qu’à faciliter les développements côtiers par des investisseurs étrangers.

La gestion côtière doit d’ailleurs devenir un vrai enjeu de notre modèle de développement. Jusqu’où iront les constructions d’hôtel sur nos plages ? Peut-on continuer à ériger des palaces sur notre littoral alors que l’on sait déjà dans quel état d’érosion avancée et de menaces de disparition pèsent sur des régions comme la Pointe des Galets, Quatre Sœurs et Deux Frères ?

On ne peut, à cet effet, qu’être d’accord avec le porte-parole d’Aret Kokin Nou Laplaz lorsqu’il observe que ce n’est plus acceptable, en 2018, que ce soit le seul ministre des Terres et du Logement, qu’il s’appelle Showkutally Soodhun, Mahen Jhugroo, Abu Kasenally, Joe Lesjongard ou Alan Ganoo, qui décide de «déproclamer» une plage publique et offrir le patrimoine mauricien à un promoteur qui vient avec ses gros sous et, aussi, souvent ses dessous de table. Le temps est, en effet, venu de dire stop.

Si la sonnette d’alarme sur le climat a retenti depuis des lustres et que les hommes ont cru pouvoir encore longtemps domestiquer la nature comme bon lui semble, avec les conséquences dramatiques que l’on voit, celle qui est tirée ces jours-ci sur les abus des réseaux sociaux et l’addiction aux jeux vidéo désormais considérée comme une maladie par l’OMS doit immédiatement interpeller et nous pousser à être vigilants et proactifs. Surtout après l’usage qu’en a voulu faire à son profit une candidate à la dernière partielle. Il n’est d’ailleurs pas étonnant qu’après Barack Obama, Emmanuel Macron ait lui aussi adressé, cette semaine même, des mises en garde sur une utilisation mal inspirée des réseaux sociaux.

Celui qui a aidé à l’explosion de Facebook en tant que vice-président chargé de la croissance de l’audience de 2007 à 2011, Chamath Palihapitiya, a publiquement exprimé, lors d’une conférence publique le mois dernier, ses regrets d’avoir participé au succès de l’entreprise. « Je crois que nous avons créé des outils qui déchirent le tissu social », a-t-il observé, tout en disant se sentir « immensément coupable ». S’en prenant aux réseaux sociaux en général et à la place qu’ils sont arrivés à occuper dans la vie des internautes, il évoque les « cœurs, j’aime et pouces en l’air » réducteurs, aux « boucles de réactions basées sur la dopamine », qui « détruisent le fonctionnement de la société ».

L’ancien salarié ne s’arrête pas là. Il déclare qu’ « il n’y a pas de discours citoyen, pas d’entraide ; il y a de la désinformation vous ne le comprenez pas, mais vous êtes programmés Et maintenant c’est à vous de décider ce que vous voulez abandonner, à quel point vous êtes prêts à renoncer à votre indépendance intellectuelle. »

Ici, pour avoir quelques votes, on distribue à grands frais des tablettes aux collégiens et même aux élèves du primaire, pendant que, dans d’autres démocraties, la tendance est l’interdiction du téléphone portable à l’école pour les petites classes. On s’étonne qu’avec nos gadgets de tablettes, on est en train de fabriquer des enfants qui ne savent plus communiquer convenablement ni lire des mots qui ne sont pas des raccourcis de textos.

Comment enfin ne pas citer Kamel Doaud, qui écrivait dans Le Point du 12 octobre dernier, entre autres choses, ceci : « Je m’informe ? Oui, mais le flux me désinforme, me difforme, je ne suis pas attentif au monde, mais le monde doit être attentif à ma réaction les réseaux sociaux sont un soliloque mondial, puissant et addictif la vérité internet, c’est ce qui est viral pas ce qui est vrai ou vérifié. » Rien à ajouter !

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