L’état de nos forêts face au « développement »

ADISH MAUDHO

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La couverture forestière de Maurice représentait en 2016 environ 38 640 hectares selon les estimations de la FAO. Le site du Forestry Service du ministère de l’Agro-industrie et de la Sécurité alimentaire montre un chiffre de 47 159 hectares, soit 25% du territoire correspondant à moins de 20 hectares près au rapport pays 2015 de l’Évaluation mondiale des ressources forestières (GFRA) de la FAO citant un chiffre de 2011. La couverture forestière est définie ici comme regroupant les plantations forestières, les forêts naturelles, les broussailles (scrub lands). Il est important de noter que, dans le cas de Maurice, la FAO ou les groupes de recherches scientifiques (par exemple celui de Mongabay) considèrent à zéro (0) la présence de forêt primaire intacte. Les forêts naturelles incluent, selon leur définition, celles se régénérant naturellement, comprenant des espèces endémiques et indigènes mais également une proportion variable de plantes exogènes et invasives.

Entre 1990 et 2000, Maurice a perdu en moyenne 100 hectares de forêt annuellement, soit un taux de déforestation de 0,26% l’année. Entre 2000 et 2005, ce taux a augmenté de plus de 100% pour passer à 0,53% l’an (Mongabay.org). Au total, de 1990 à 2005, le territoire mauricien a perdu plus de 2000 hectares de forêts. Les principales raisons de ces pertes de surface forestière, évoquées dans le rapport GFRA établi par le ministère de l’Agro-industrie, sont particulièrement dues à l’urbanisation rapide et la croissance économique des dernières décennies. Si le rapport mentionne essentiellement la conversion à d’autres utilisations des forêts privées en raison de la fin du protocole Sucre ACP-UE, la perte des forêts sous administration publique doit également être questionnée.

Entre 2000 et 2019, les changements du foncier autour de Rivière Noire (voir carte 1) sont explicites; le petit village côtier est rapidement monté à l’assaut des flancs de la montagne et vers l’intérieur des terres. L’attrait du littoral pour la villégiature a permis à de luxueux complexes hôteliers, de somptueuses villas et des morcellements haut de gamme de fleurir. Rivière Noire ici n’est qu’un exemple de la transformation et de la conversion des espaces naturels en espaces construits et habités.

De l’aridité des interventions publiques

Maurice est signataire de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la Désertification (UNCCD) et poursuit le but d’atteindre les Objectifs du Développement durable (ODD). À ce titre et en tant que Petit État insulaire en Développement et d’autant plus sujet aux effets du changement climatique, le pays s’est engagé à établir des plans d’adaptation et de mitigation pour en limiter les impacts. Ceux-ci incluent la reforestation, l’agriculture et l’irrigation intelligentes, l’amélioration de la gestion des espaces côtiers, marins et terrestres protégés (Mangroves, forêts et parcs naturels, augmentation de terres boisées, création de fermes/pépinières coralliennes). Ces actions et interventions sont d’autant plus nécessaires que le coût annuel de la dégradation des sols à Maurice est estimé à 16 millions de dollars (rapport sur le mécanisme global du UNCCD). La dégradation des terres entraîne une réduction de la fourniture de services écosystémiques sous différentes formes comprenant la détérioration de la sécurité alimentaire, la fertilité du sol, la capacité de séquestration du carbone, la production de bois, la recharge des nappes phréatiques, etc, incluant des coûts sociaux et économiques importants pour le pays.

Malgré la proposition d’un plan de gestion 2017-2021 du Parc National de Rivière Noire et même si le budget 2019-2020 du gouvernement annonce effectivement l’établissement d’une pépinière en vue de restaurer les récifs de corail dégradés, fort est de constater qu’aucune mesure évidente n’est inscrite en vue du reboisement pour limiter la dégradation des terres. Quelques annonces avaient pourtant été lancées par un ou deux ministres depuis le début du projet Metro Express (un parcours de santé pour « remplacer » les arbres perdus de la Promenade Roland Armand) ou celui du Bypass d’Anse-la-Raie, « Pour 100 arbres abattus, 400 arbres seront replantés », a-t-on promis. Or, au moment où le collectif Aret Kokin Nou Laplaz (AKNL) a porté plainte contre le gouvernement mauricien en demandant l’ouverture d’une enquête par le Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD) pour éco-blanchiment des fonds d’aides destinés à la protection des zones côtières, il semble encore plus clair aujourd’hui que ce ne sont pour l’heure que les initiatives citoyennes, en l’absence de l’état, qui proposent des actions concrètes de reboisement. Le projet « Plantons 100 000 arbres » porté par le Projet de Société de Malenn Oodiah connait ainsi un tel succès qu’il passera à 200,000 arbres, preuve s’il en faut de la nécessité d’espaces verts et boisés pour la population mauricienne.

Dans un contexte de campagne électorale, les intérêts politiques des uns et des autres occultent malheureusement les véritables enjeux environnementaux, économiques et sociaux de notre fragile territoire où l’imbrication de ces éléments est encore plus exacerbée et les risques de feux de paille sont réels au sens figuré comme au sens propre (carte 2 – Montagne des Signaux).

Incendie sur la Montagne des Signaux

Cette carte illustre les zones incendiées par un feu de brousse survenu le vendredi 7 juin 2019 sur le flanc nord de la Montagne des Signaux à Port-Louis, République de Maurice. Les zones affectées ont été détectées par images satellites et comparaison avec des images antérieures à l’incendie. L’analyse en Proche Infra-Rouge (NIR) rend visible la couverture végétale, les zones affectées renvoyant une signature spectrale sombre interprétée ici comme brûlé. 2 espaces sont identifiés, l’un d’environ 18 Ha et l’autre d’environ 6 Ha. Ceci est une étude préliminaire non validée sur le terrain.

Satellite: Sentinel 2

Date d’imagerie: 5-9 juin 2019

Résolution spatiale: 10 m

Source: European Space Agency

Source Layer Credit: ESRI, DigitalGlobe, Airbus, Copernicus Open Access Hub

Analyse cartographique: ArcGIS 10.7, Google Earth Engine

Carte produite le 13 juin 2019

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